Printemps 2015
La grève étudiante de 2015 fut amorcée le 21 mars 2015 contre les mesures d’austérité du gouvernement libéral de Philippe Couillard et l’économie des hydrocarbures, avec notamment l’opposition au projet « Énergie Est » de Trans-Canada. Les revendications se voulaient une contestation générale de la direction que prenait le Québec. Le slogan « Fuck toute ! » était emblématique de la grève. Le contenu des revendications n’était pas considéré comme ce qui était le plus important. La grève en soi était vue comme un objectif.
La grève se déployait dans le même contexte d’austérité et de crise économique qui sévissait depuis 2008. Avec les négociations du secteur public et les réformes sur les retraites, il y avait beaucoup d’agitation dans les milieux ouvriers. Les mesures d’austérité fusaient de toute part. La colère grondait. Pourtant, la droite avait toujours le vent dans les voiles.
C’est sous la bannière de printemps 2015 (P15) - une série de groupes affinitaires décentralisés - que s’organisait la grève. Ceux-ci utilisaient le loup comme symbole à l’instar du carré rouge qui fut l’emblème de 2012. Ces comités à la structure horizontale ne représentaient qu’eux mêmes et étaient composés d’étudiant-e-s, d’enseignant-e-s et d’autres militant-e-s. Ils n’avaient pas de porte-parole et de représentation d’autres organisations (les membres y étaient uniquement à titre individuel) et ils n’avaient aucune forme d’imputabilité. En fait, le rejet de toute représentation, y compris celle de l’ASSÉ comme syndicat étudiant, était un principe fondamental de P15. Au contraire de ce que les médias confus rapportaient, la grève de printemps 2015 s’était organisée principalement à l’extérieur de l’ASSÉ et des assemblées générales. Les tensions entre les structures représentatives de l’ASSÉ et les comités P15 tout au long de la grève l’ont bien montré.
Au niveau stratégique, P15 prônait l’action spontanée. Pour eux, l’agitation engendrait l’agitation et donc l’éveil politique. Le mouvement était comparé à un être vivant intuitif qu’il fallait « élever par des actions à la hauteur de la tâche ». La promotion d’une stratégie commune ou des appels à l’unité étaient considérés comme des tentatives de contenir la contestation.
P15 étaient très agressif envers les structures syndicales ouvrières. Pour eux, les « bureaucrates syndicaux » étaient des traîtres qui refusaient de faire la lutte politique contre l’austérité et pour l’environnement. Dans certaines littératures de P15, on qualifie même les revendications syndicales du secteur public, en particulier celles pour l’augmentation des salaires, comme corporatistes.
La répression a été très forte contre la grève de 2015. Les grévistes ont subi des arrestations de masse, des injonctions et des menaces d’expulsion des institutions d’enseignement. Malgré tout, plus de 130 000 étudiant-e-s étaient en grève à l’occasion de la manifestation nationale du 2 avril 2015, dont 55 000, en grève générale. Pour une rare fois, les facultés de droit et de médecine s’étaient mises en grève pour quelques jours.
Même si la mobilisation était impressionnante, sur le terrain, plusieurs militant-e-s s’inquiétaient. Les centrales syndicales confirmaient dans les médias qu’elles n’entreraient pas en grève sociale comme l’avait espéré P15. Elles attendraient à l’automne, moment ou elles pourraient légalement faire la grève. Analysant que le mouvement de grève risquait de ne demeurer qu’étudiant, voire de s’épuiser, l’exécutif de l’ASSÉ avait publié une proposition de repli stratégique en vue de son congrès du 5 avril. La proposition a été rejetée, et l’exécutif, fortement critiqué, fut destitué en bloc de manière extraordinaire.
Avec le 1er Mai, une mobilisation monstre de 24 heures partout à travers le Québec réunissait syndicats, étudiant-e-s et groupes communautaires dans des centaines d’actions locales. Environ 30 syndicats qui provenaient surtout des professeur-e-s de Cégeps locaux (la plupart affiliés à la CSN) avaient voté pour une grève illégale pour la journée du 1er mai. P15 espérait toujours que les syndicats ouvriers locaux se joindraient au mouvement de grève étudiante en défiant les directions centrales, mais cela n’a pas été le cas. Malheureusement, la contestation s’est essoufflée rapidement pour se replier sur la situation de la répression à l’UQAM [1] où notamment, 9 militant-e-s faisaient face à des expulsions politiques. Si en 2012 la légalité bourgeoise avait été mise à mal, en 2015, sa force répressive a été démontrée.
L’histoire se répète : Les grèves de 2007 et de 2012.
L’Échec de 2007
Faisons un retour en arrière. En 2007, l’ASSÉ avait rapidement lancé un mot d’ordre de grève générale illimitée (GGI) après l’annonce par le gouvernement libéral de l’augmentation des frais de scolarité universitaire de 500 $ sur 5 ans. Elle lançait cet appel seule, sans les fédérations étudiantes (FECQ et FEUQ), car elle était alors encore amère de la trahison des fédérations en 2005. La grève déclenchée se voulait plus qu’une réaction au dégel des frais de scolarité. L’ASSÉ demandait des mandats de GGI à ses associations-membres sur la base de sa revendication historique pour la gratuité scolaire. Avec peu de temps de mobilisation et une revendication qui était déconnectée de la base, les votes ne passaient pas. Les assemblées générales rejetaient la GGI les unes après les autres. Une grève limitée avait été votée, mais rien d’autre ne s’ensuivit.
Cet échec avait forcé une longue discussion au sein du mouvement étudiant sur la stratégie à adopter. Une réflexion adressée au congrès de l’ASSÉ en 2009 et signée par 9 étudiant-e-s candidats à l’exécutif, dont Gabriel Nadeau-Dubois, critiquait le choix de la gratuité scolaire comme revendication de la grève. Pour ce groupe, l’ASSÉ avait fait une mauvaise analyse de la conjoncture politique. Le texte débutait avec une citation de Marx : « Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre. » Elle n’aurait pas pu être mieux choisie, tant 2007 reflète les mêmes débats idéologiques qu’en 2015.
« L’ASSÉ connaît en ce moment une des périodes les plus critiques de son histoire. Notre incapacité depuis quelques années à mettre sur pied des campagnes véritablement rassembleuses laisse le champ libre au succès grandissant des politiques de droite. (...)
En formulant des objectifs syndicaux réalistes à court terme, nous aurions mis les chances de notre côté pour rallier une base étudiante suffisante et entamer des moyens de pression de cette envergure. (...)
Le syndicalisme de combat doit articuler ses grands idéaux à des enjeux concrets comme le maintien du gel des frais de scolarité. À l’époque où le syndicalisme de combat était la norme, les syndicats ne s’engageaient pas moins dans des campagnes concrètes. Par exemple, la FTQ, la CEQ et la CSN, lors du front commun de 72, même si elles caressaient l’idéal d’un Québec socialiste où seraient socialisés les moyens de production, n’ont pas hésité à entrer en grève générale pour exiger un salaire de 100$/semaine pour l’ensemble de la fonction publique du Québec, sans nécessairement mettre à leur agenda le « Grand soir ».
Dans ce texte de réflexion, le débat porte surtout sur la question de la revendication, mais objectivement, il traite aussi de la question de l’unité. En 2007, c’est une approche sectaire face aux fédérations étudiantes qui avait été adoptée de peur que le mouvement soit "récupéré" comme en 2005. Il n’y avait pas eu non plus de véritable recherche d’allié à l’extérieur du mouvement étudiant, non plus que l’établissement d’une coalition ponctuelle de l’ASSÉ comme avec la CASSÉ en 2005 ou la CLASSE en 2012. Déçus de 2005, les militant-e-s de l’époque avaient évalué que cette fois il fallait adopter un agenda maximum pour entrer dans une grève offensive. La recherche de l’unité, qui implique des compromis avec d’autres acteurs sociaux, était vue comme un pas en arrière. La grève devait se faire sur les bases militantes de l’ASSÉ et ne pas être à la remorque de la conjoncture. Trop déconnecté de ses membres à la base et de la population en général, l’ASSÉ n’avait alors pas réussi à entrainer un mouvement qui aurait pu aiguiser la conscience de classe.
2012, 5 ans plus tard
En 2012, l’approche était complètement différente de 2007. Le mouvement étudiant s’était appuyé sur deux ans de mobilisation. La revendication était claire : l’abolition de la hausse. C’était la même revendication que la FECQ et la FEUQ, mais le discours politique de l’ASSÉ était beaucoup plus large. Il s’inscrivait dans un mouvement de contestation générale de l’austérité capitaliste. Ce discours anti-austérité très articulé était partagé par des alliés à l’extérieur du mouvement étudiant, principalement par la Coalition main rouge, une coalition d’organismes communautaires, féministes, syndicaux et étudiants. [2] Afin de faire un front uni face au gouvernement, les fédérations étudiantes n’étaient pas cette fois écartées.
Au fur et à mesure que la mobilisation grandissait tout comme la répression, le discours politique s’élargissait. Face à l’impasse, le gouvernement Charest avait déclenché des élections devant lesquelles le mouvement étudiant n’avait pas de stratégie commune. La majorité des associations de la CLASSE avaient voté dans leur assemblée générale la fin de la grève. Le 4 septembre, les Libéraux étaient défaits et le Parti Québécois était porté au pouvoir sur la promesse d’annuler la hausse et d’autres promesses sociales-démocrates qu’il trahira rapidement.
Au bout de 7 mois de grève, le mouvement étudiant n’obtenait que l’abolition de la hausse des frais de scolarité. Tout le reste du projet politique anti-austérité développé au cours de la grève avait été évacué. Pire, au final, le gouvernement avait éliminé un crédit d’impôt pour les étudiant-e-s, récupérant ainsi une partie de la hausse, et des mesures anti-manifestation tirées de la loi 78 [3] avaient été votées au niveau municipal. [4] Pour beaucoup de militant-e-s, la conclusion de 2012 constituait donc, au regard de l’énergie qui avait été investie, une grande déception.
Opportunisme de gauche
L’anarchisme est une idéologie opportuniste. L’opportunisme se définit par une tendance politique à cultiver le spontanéisme, d’attendre l’initiative des masses (opportunisme de droite), ou de se lancer dans des actions aventuristes en se coupant des masses (opportunisme de gauche). Si une tendance politique ne fait que répéter les idées dominantes, elle ne permet pas de développer la conscience de classe. Si au contraire, son discours est si en avant qu’il ne permet pas de mettre les gens en lutte et donc de les politiser - car la conscience de classe s’acquiert dans la pratique avec la lutte contre la bourgeoisie - alors elle ne change rien non plus.
L’opportunisme qui définissait P15 s’exprime à travers 4 axes.
1. Le refus de revendications économiques
2. Le fétichisme de la grève elle même au détriment de ces objectifs concrets
3. Le culte de la spontanéité
4. Le refus de l’unité
Le refus de revendications économiques
Dans l’analyse de P15, le fait qu’en 2012 la grève se soit basée sur une revendication économique précise, et donc qu’elle se soit terminée au moment de la résolution de cette revendication, était en partie ce qui expliquait la "défaite" de ce grand mouvement. Cette fois, on voulait une grève politique, qui remettait en cause plus largement la société capitaliste.
En étudiant les grèves survenues durant l’essor révolutionnaire de 1905 en Russie, Lénine expliquait que d’un point de vue marxiste, une conjonction insuffisante de la lutte économique et de la lutte politique constitue une faiblesse du mouvement, alors que le renforcement de la lutte économique donne au contraire une large base pour renforcer la lutte politique. Sans lien entre grève économique et grève politique, « un mouvement vraiment grand et visant de grandes fins est impossible … sans revendications économiques, sans amélioration directe et immédiate de sa situation, la masse des travailleurs ne consentira jamais à se représenter un progrès général du pays » [5].
Cette leçon de Lénine s’est appliquée à la grève de 2012. Le Printemps Érable n’aurait pas pu être ce qu’il a été sans sa revendication économique d’annuler la hausse des droits de scolarité qui a engendré une très large adhésion de la base étudiante. Les anarchistes confondent le fait d’avoir des revendications économiques avec l’économisme - une forme d’opportunisme de droite - qui est un refus de la lutte politique.
Dans son éditorial de Mai 2015, le journal Clarté du parti communiste du Québec fait plusieurs points importants par rapport aux revendications économiques mises de l’avant par les syndicats et rejetées comme "corporatistes" par P15 :
« La négociation du secteur public au Québec, bien que portant sur des revendications économiques pour des conventions collectives, revêt elle-même objectivement un caractère hautement politique principalement pour trois raisons :
Elle concerne et implique en même temps une grande partie de la main-d’œuvre syndiquée de la province, soit environ 35%.
Elle implique une grande majorité de femmes et son résultat rejaillit nécessairement sur la condition des femmes au Québec.
Elle met en question le budget de l’État. »
De plus, dans la conjoncture actuelle avec la crise économique, l’objectif des gouvernements est de rétablir les taux de profit des capitalistes en s’attaquant aux salaires. Non seulement la mise en échec des syndicats dans ces prochaines négociations est essentielle pour la suite du plan du gouvernement pour la privatisation de nos services publics, mais une baisse des salaires dans le secteur public aura un impact général sur tous les salaires. Le mouvement étudiant a tout intérêt à se solidariser avec les revendications syndicales des négociations actuelles au lieu d’y trouver une contradiction avec une lutte plus large, tout en basant sa propre mobilisation sur des revendications concrètes issues de sa base.
Dire qu’il faut une grève politique plus large n’est pas suffisant pour obtenir un tel mouvement. C’est l’état de la lutte des classes qui est déterminant. Aujourd’hui, sans modèle alternatif depuis la fin de l’URSS, la bourgeoisie y va d’un mouvement de bulldozer pour écraser la classe ouvrière - accolant à son agenda destructeur un renforcement de la répression politique. Pour renverser cette tendance, il faut d’abord partir des revendications concrètes et immédiates qui peuvent constituer une victoire. C’est dans la lutte pour ces réformes, à l’école politique vivante, que la conscience politique et le discours politique s’élargissent. C’est dans ces luttes que les ennemis de classe se dévoilent.
Le fétichisme de la grève elle-même au détriment de ces objectifs concrets
La théorie de libération anarchiste est axée sur l’expérience de la liberté réelle par les individus via l’existence d’une grève prolongée. C’est ce "Grand soir" libérateur qui fait tomber l’État, objet ultime de répression. C’est uniquement de l’expérience de la révolte que naît la bonne conscience de classe, peu importe l’objet de la révolte. La révolte est la révolution. Dans cette conception, le leadership politique comme celui du Parti communiste est inutile, sinon nuisible, car il constitue une autorité, donc une oppression. Cette théorie a marqué profondément P15 qui focalisait sur l’expérience de la grève elle-même et non sur ses objectifs. La grève n’était plus un moyen, mais une fin en soi.
Dans un texte de polémique traitant de la stratégie de P15, un militant, Jonathan Durand Folco, critiquait cette vision d’une grève pour faire grève. Une réponse en provenance d’un des collectifs de P15 n’a pas tardé :
« Seule cette question pourra débusquer, derrière la facticité clinquante de l’antagonisme qui oppose les « radicaux » aux « citoyens », une ligne de partage que semblent ignorer tous les Johnny de ce monde. Une ligne de partage entre, d’une part, les partisan(te)s d’une puissance destituante, pour qui la prolifération infrastructurelle du pouvoir doit être bloquée par tous les moyens et, de l’autre, les partisans(e)s d’une captation institutionnelle des dites infrastructures par le Peuple en vue d’une gestion plus solidaire et plus propre du même désastre. » [6]
Suivant cette logique "destituante", l’efficacité d’une action, telle la grève, ne s’évaluait ni au résultat de la grève, ni à son ampleur, ni à ses effets sur la conscience de classe, elle s’évaluait selon la grandeur de son opposition à tout pouvoir, toutes normes et en particulier à son opposition aux normes de l’État. En d’autres mots, selon sa légalité. Dans un autre texte signé "Collectif de débrayage", on ne peut être plus clair :
« Une grève légale ne peut rien, et n’a jamais rien pu, contre l’ère réactionnaire, contre sa déferlante qui nous engloutit jusqu’à l’effacement. Car vouloir combattre l’ère réactionnaire, lui survivre par-delà ses ordres, c’est déjà s’installer dans l’illégalité. C’est déjà se risquer aux coups de matraque. C’est déjà s’exposer à l’arbitraire de leur répression. » [7]
Une fois cette philosophie comprise, plusieurs choix stratégiques de P15 prennent tout leur sens. Il ne s’agissait pas de simples erreurs de jugement, mais des conséquences logiques d’un certain corpus idéologique.
Ce fétichisme de la forme n’est pas nouveau dans le courant anarchiste du mouvement étudiant. L’obsession à voir l’absence de structures idéales dans les associations étudiantes du CFS-FCEE [8] au Canada anglais comme l’explication essentielle du manque de mobilisation politique en constitue une autre forme. L’obligation de faire davantage d’assemblées générales ne constitue pas à elle seule une solution à ce problème - même si c’est en effet, une partie de la solution. Le contenu politique, la raison de l’assemblée, est tout aussi, sinon plus important. Les formes de lutte ou d’organisation répondent au contenu politique, à la nécessité de la lutte. Ce sont des moyens d’arriver à des fins politiques. Sans ces fins politiques, ces formes se vident d’intérêt. Que ce soit le moyen de la grève, ou le moyen de l’assemblée générale.
Le culte de la spontanéité
Fait intéressant, dans Que faire ? Lénine associe les adeptes de la spontanéité aux trade-unionistes - en d’autres mots aux « corporatistes » comme le mouvement étudiant les appellerait aujourd’hui. Il l’associe au refus de la lutte politique dans les syndicats, car si un mouvement est spontané et seulement spontané, alors il lui sera difficile de se détacher de l’idéologie dominante et seuls les intérêts immédiats se refléteront dans la lutte. Il dit :
« Mais pourquoi - demandera le lecteur - le mouvement spontané, qui va dans le sens du moindre effort, mène-t-il précisément à la domination de l’idéologie bourgeoise ? Pour cette simple raison que, chronologiquement, l’idéologie bourgeoise est bien plus ancienne que l’idéologie socialiste, qu’elle est plus achevée sous toutes ses formes et possède infiniment plus de moyens de diffusion. » [9]
Lénine explique que la spontanéité reflète bien la rage et la colère des opprimés par le système, mais qu’elle en restera là. P15 a en effet réussi a saisir cette forte colère sans aller plus loin. Dans "Les principes du léninisme", Staline résume ainsi : « La théorie de la spontanéité, c’est la théorie de la diminution du rôle de l’élément conscient dans le mouvement, l’idéologie du suivisme, la base logique de tout opportunisme. »
Ce culte du spontané ne s’exprime pas que dans les actions dites spontanées, mais dans la vision qu’ont les anarchistes de tout mouvement de lutte pour des réformes. Pour eux, il suffit de radicaliser suffisamment une telle lutte pour que la transformation révolutionnaire émane d’elle-même. Ils ne voient pas la nécessité du long travail de création d’une avant-garde politique. Les grèves font partie de la révolution, mais elles ne sont pas la révolution.
Le refus de l’unité
P15 rejette l’unité qu’il qualifie même de notion "clérico-stalinienne". L’unité de notre classe est pourtant notre arme la plus forte face à la bourgeoisie qui détient les moyens de production de la vie et de la production intellectuelle et les armes.
« Il y a une sorte de tare indécrottable qui semble accabler la gauche québécoise : la croyance en une totalité sociale à préserver, le mythe d’une Société réconciliée enfin unifiée et sans fractures. [10] »
Bien sûr qu’il existe des fractures dans la société. L’unité ne signifie pas uniformité. Il existe toutes sortes de contradictions au sein même de la classe ouvrière. Le fait de reconnaître ces contradictions et ces fractures ne remet pas en cause le fait tout aussi vrai que nous partageons aussi des intérêts communs. Le fait de refuser de travailler de manière unie ne fait pas non plus disparaître ces fractures. Il ne permet qu’à certains individus de pouvoir le croire isolé, dans leur petit groupe affinitaire.