Deux événements ont marqué l’année 2020 : la COVID-19 et le cinquantenaire de la « Crise d’Octobre ». Il y a en effet 50 ans, le Québec sortait de cette terrible année 1970 qui avait vu des membres des cellules Libération et Chénier du Front de Libération du Québec (FLQ) procéder à l’enlèvement de deux personnalités publiques : l’attaché commercial de la Grande-Bretagne, James Richard Cross et le ministre du Travail et de l’Immigration du Québec, Pierre Laporte. FLQ : un acronyme de trois lettres pour désigner une organisation politique clandestine qui a profondément marqué la décennie des années soixante et le début des années soixante-dix au Québec. Le livre de Louis Fournier retrace la chronologie historique de ce mouvement politique « radical », « extrémiste », « terroriste » et « révolutionnaire », déclaré officiellement, en octobre 1970, « association illégale » (p. 226) par le gouvernement fédéral. Ce mouvement était composé majoritairement (et pas exclusivement) de jeunes francophones issus « des milieux ouvriers et populaires » (p. 7). Fournier cite Pierre Vallières qui a écrit fort pertinemment ceci au sujet du FLQ : « Il n’y a […] jamais eu d’organisation FLQ comme telle, mais un rassemblement de groupes ou de cellules n’ayant pas ou très peu de communications entre eux, sans noyau directeur et véritable stratégie, et ne possédant en commun que le choix des trois lettres FLQ » (p. 290). Bref, un mouvement politique clandestin qui utilisait des moyens violents (près de 300 attentats à la bombe, 2 enlèvements politiques, multiples vols d’armes à feu, de bâtons de dynamite, de détonateurs et plusieurs vols de banques) en appui à ses revendications (dont les principales étaient « l’indépendance du Québec », « la révolution socialiste », « la libération des prisonniers politiques ») et qui a également été infiltré par la police ou par des agents provocateurs à la solde de différents corps policiers (la GRC et la Police de Montréal). Un mouvement qui a aussi fait des morts, autour d’une dizaine environ.
Le livre de Louis Fournier a la particularité de couvrir la totalité de ces années durant lesquelles la simple vue de ces trois lettres soulevait à gauche de la sympathie et à droite de la peur.
Durant toutes ces années pendant lesquelles le FLQ a été actif, les cibles ont principalement été les suivantes : des symboles de la Couronne britannique ou du gouvernement fédéral ; le ministère du Travail du Québec ; la Bourse de Montréal et diverses entreprises capitalistes lors de certains conflits de travail. Bref, pour l’essentiel, des symboles associés à l’oppression nationale et à l’exploitation capitaliste principalement (et non exclusivement) du peuple québécois francophone. Comme le précise Louis Fournier, cette violence du FLQ était « désespérée » (p. 323). Elle a quand même eu pour effet d’attirer le regard sur les conditions de vie et d’existence de personnes opprimées et exploitées par la structure politique dirigeante et le système économique dominant au Québec. Sont-ce ces actions qui ont été à l’origine, quelques années plus tard, de l’adoption de différentes lois au Québec (ex. la loi anti-scab et la loi qui a fait du français la langue de travail) ? Impossible à trancher tant les facteurs à l’origine de l’adoption d’une loi peuvent être multifactoriels.
Ceci étant dit, le livre de Fournier nous plonge dans cette histoire agitée et mouvementée de la fin des années cinquante, de toute la décennie des années soixante et du début des années soixante-dix. Ces années marquées par un contexte international particulier : celui des actions spectaculaires de divers groupes comme les Black Panthers et les Weather Underground aux USA, l’IRA en Irlande, l’ÉTA au Pays basque, divers groupes de guérillas en Amérique latine, les luttes de libération au Vietnam, en Palestine et les luttes révolutionnaires à Cuba et en Algérie.
Le livre se divise en cinq parties et comporte 30 chapitres qui vont de la genèse du FLQ au paroxysme de la crise d’Octobre et qui portent également sur les dernières années d’existence de ce mouvement complètement manipulé et infiltré à la fin par la police.
Ce livre est une excellente chronologie historique et événementielle des années durant lesquelles des personnes posaient des gestes impatients au nom du FLQ. Ce récit, qui en couvre beaucoup de cette histoire souterraine ne peut pas prétendre faire « toute la lumière » sur le FLQ. À ce sujet, l’auteur mentionne à juste titre ce qui suit : « l’histoire d’un mouvement clandestin ne pourra jamais être racontée entièrement » (p. 7). Il reste encore aujourd’hui à écrire la place que certaines femmes ont jouée et occupée au sein du FLQ. Car le FLQ n’a pas été uniquement une affaire de « gars du FLQ ».
Deux erreurs à corriger
Dans la section « Du même auteur » (p. 4), figure le titre suivant : Histoire du mouvement ouvrier au Québec. 150 ans de luttes, CSN-CEQ, 1984. À la page 5 de cet ouvrage coédité par la CSN et la CEQ, il est mentionné que ce livre est « le fruit d’un ouvrage collectif » de huit auteurs. Nommons-les : Béatrice Chiasson, Michel Doré, Hélène David, Louis Fournier, Jean-Marc Montagne, Hélène Paré, Stanley-Bréhaut Ryerson et Céline Saint-Pierre.
À la page 336, il est mentionné ceci :
« 1976
24 juillet : François Schirm libéré de jour sous conditions après 14 ans d’emprisonnement, record du FLQ. »
[…]
« 1978
24 juillet : François Schirm est libéré de jour sous condition après 14 ans d’emprisonnement, record du FLQ. »
Il faut choisir ici, comme année de libération conditionnelle de jour, l’année 1978 (p. 65).
Pour conclure
FLQ, trois lettres qui ont marqué l’histoire du Québec de 1962 à 1972 et dont on soulignait le cinquantième anniversaire de la Crise d’octobre cette année. À ce moment-ci, une question se pose : pendant combien d’années vivrons-nous dans la présente crise sociosanitaire du virus COVID-19 ? NulLE ne le sait.
Yvan Perrier
28 décembre 2020
11h40
yvan_perrier@hotmail.com
Ajout
15 janvier 2021
16h15
Voici un extrait d’un courriel que je viens de recevoir de la part de l’auteur Louis Fournier :
"Je vous signale que mon livre est plus qu’une simple « chronologie » des événements, comme vous l’écrivez à deux reprises, mais aussi une tentative de mise en contexte et d’explication de ces événements. Ce n’est pas un essai mais c’est quand même un livre d’histoire.
Les deux erreurs que vous indiquez ont déjà été corrigées lors de la réimpression de l’ouvrage, début décembre, ainsi que d’autres erreurs et coquilles que vous n’avez apparemment pas repérées.
Concernant l’Histoire du mouvement ouvrier au Québec, les mots En collaboration figuraient dans les deux éditions antérieures, celles de 1982 et de 1998, et ils ont malheureusement sauté dans la troisième édition. Vous pourrez le vérifier.
Concernant la présence des femmes au sein du FLQ, j’en ai dénombre au maximum 20, sur quelque 250 militants connus du FLQ dont les noms apparaissent dans l’index des noms de mon livre. Si vous avez des informations additionnelles à ce sujet, je serais évidemment intéressé à les connaître, n’hésitez pas à me contacter. »
Je confirme que le livre de monsieur Fournier sur le FLQ (FLQ : Histoire d’un mouvement clandestin) est plus qu’une « simple « chronologie » » des événements qui se sont produits au Québec de 1962 à 1972. Il s’agit selon moi d’un récit incontournable pour quiconque s’intéresse à ces événements politiques violents. Je confirme également que nous retrouvons dans ce livre unique en son genre "une tentative de mise en contexte et d’explication de ces événements ». Se pose quand même une question : où le ranger parmi les différentes écoles historiques ? Cette question reste ouverte pour les spécialistes en historiographie.
Yvan Perrier
Zone contenant les pièces jointes
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