Édition du 17 décembre 2024

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Le mouvement des femmes dans le monde

Finlande : quel engagement en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes ?

En décembre 2019, Sanna Marin, 34 ans, vice-présidente du parti social-démocrate de Finlande (SDP) est devenue la plus jeune cheffe d’État en exercice au monde. Son gouvernement de centre gauche se compose de cinq partis, tous dirigés par des femmes, dont quatre n’ont pas plus de 35 ans. Le cabinet est majoritairement composé de femmes. Même le Parlement est proche de la parité entre les sexes, comptant 93 femmes sur un total de 200 députés.

Photo : La Première ministre finlandaise Sanna Marin (au centre, à droite), aux côtés de la ministre de l’Éducation Li Andersson, de la ministre des Finances Katri Kulmuni et de la ministre de l’Intérieur Maria Ohisalo, après la première réunion du nouveau gouvernement, le 10 décembre 2019, dans la capitale finlandaise, Helsinki.
(Reuters/Lehtikuva Lehtikuva)

Tiré de Equal Times.

Le gouvernement Marin a fait de la Finlande un exemple pour l’égalité entre les hommes et les femmes à travers le monde, bien que ce pays soit depuis longtemps considéré comme l’un des plus égalitaires au monde, les femmes s’étant vu accorder le droit de vote et d’éligibilité dès 1906.

Les femmes comptent pour la moitié des diplômés universitaires en Finlande, tandis que leur taux de participation au marché du travail par rapport aux hommes est de 88,5 % – la moyenne est de 65,8 % au niveau mondial et de 81 % dans l’UE. Anu-Tuija Lehto, conseillère juridique auprès de l’Organisation centrale des syndicats finlandais (SAK), explique que l’un des principaux facteurs ayant contribué à l’égalité des genres en Finlande a été de permettre aux femmes de participer pleinement à la vie active. Les services publics de garde d’enfants sont, par exemple, tout à fait abordables et les congés parentaux particulièrement avantageux. Elle précise : « En Finlande, les cantines scolaires sont gratuites, contrairement aux autres pays du centre et du sud de l’Europe, où une personne doit rester à la maison pour préparer le repas des enfants ».

Malgré cela, la Finlande ne représente pas le pays idéal en matière d’égalité. Le salaire des femmes correspond en moyenne à 83 % de celui des hommes. On observe sur le marché du travail un niveau élevé de ségrégation entre les hommes et les femmes, où ces dernières représentent 90 % du personnel dans des secteurs tels que la garde d’enfants, les soins de santé et le nettoyage, alors que les hommes sont prédominants, dans une mesure identique, dans les secteurs de la construction et du transport.

La violence à l’égard des femmes demeure un problème de société majeur. En 2016, deux tiers des personnes handicapées ont déclaré avoir été victimes de discrimination.

Et le rapport 2019 de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance indique : « Les propos haineux racistes et intolérants dans le discours public sont en hausse et visent principalement les demandeurs d’asile et les musulmans ».

Anu-Tuija Lehto estime qu’une discussion informelle entre collègues durant la pause-café est un bon point de départ pour commencer à éliminer les attitudes sexistes ou racistes : « Nous devons faire en sorte que les femmes ne soient plus victimes de discrimination dans leur carrière, en cas de licenciement ou dans toute autre circonstance. Si l’on souhaite changer les attitudes, nous devons agir concrètement sur le lieu de travail. » Si la loi finlandaise en matière d’égalité des genres remonte à plus de 30 ans, d’autres formes d’égalité ont dû attendre les années 2000 pour être inscrites dans la législation, à la suite des prescriptions des directives européennes.

Alors que l’État finlandais garantit à chaque enfant le droit d’accéder à des structures d’accueil, le précédent gouvernement de coalition de centre droit avait néanmoins limité le nombre d’heures par semaine auxquelles avaient droit les parents sans emploi. Même si, concrètement, il s’agissait d’une mesure relativement peu significative, le pays s’écartait du principe selon lequel tous les enfants ont droit à un traitement équitable. Cette politique a rapidement été révisée l’année suivante.

Iiris Suomela, qui siège actuellement au Parlement finlandais pour la Ligue verte (les Verts), explique à Equal Times : « Les allocations pour la garde d’enfants à domicile, la plus petite des prestations parentales, sont principalement accordées aux femmes, en particulier celles qui sont le moins éduquées et dont les revenus sont les moins élevés. D’un point de vue intersectionnel, la situation n’est donc pas très concluante. »

97 % des bénéficiaires des allocations pour la garde d’enfants à domicile sont des femmes. Un cinquième des pères de famille n’utilisent pas de prestations parentales, ce qui place la Finlande derrière les autres pays nordiques. Le gouvernement a promis d’améliorer la qualité des garderies en réduisant la taille des groupes et en introduisant des normes de qualité, et de réformer le système de congé parental pour encourager davantage de pères de famille à rester à la maison, en accordant aux deux parents un quota de congés non transférable.

Ascension des femmes au pouvoir politique

Comment les initiatives de la Finlande visant l’égalité des genres se traduisent-elles dans les plus hautes sphères du pouvoir ?

Doctorante étudiant les changements politiques, sociétaux et régionaux à l’université d’Helsinki, Theodora Järvi voit la représentation proportionnelle comme l’un des principaux facteurs favorisant l’ascension des femmes dans la politique finlandaise :

« Le système électoral finlandais permet l’ascension des individus, contrairement aux systèmes où les votes vont aux partis. Sur la base d’une liste établie en interne, le parti décide qui va au Parlement, alors que le système finlandais des listes ouvertes permet aux électeurs de changer cela, pour autant que le parti récolte un soutien suffisant. »

Iiris Suomela explique qu’il est dans l’intérêt des partis d’établir une liste de candidats diversifiée : « Le système électoral exige de proposer des candidats ayant des profils différents. Par exemple, dans ma circonscription, il y en avait 19. Les candidats doivent être issus de milieux différents, car les électeurs sont, eux aussi, issus de milieux différents. »

Theodora Järvi souligne que les figures de proue des partis au pouvoir ont obtenu la plupart de leurs voix au sein de leur propre formation politique ou circonscription, à l’exception des Verts, dont la dirigeante Maria Ohisalo est arrivée deuxième du scrutin, derrière Pekka Haavisto, ministre de longue date et ancien dirigeant du parti. « Il est important de noter que ces hautes attributions reflètent le choix des électeurs, pas uniquement les préférences internes des partis », explique Theodora Järvi.

À 25 ans, Iiris Suomela, qui exerce un premier mandat, est la plus jeune députée du Parlement actuel. Selon elle, les femmes se heurtent à de nombreuses difficultés en politique. Se référant à un incident récent, au cours duquel Li Anderson, ministre de l’Éducation et dirigeante du parti Alliance de gauche, a insulté un opposant politique, elle explique :

« Les normes comportementales pour les femmes sont très strictes. Lorsqu’une femme ministre jure à la télévision, c’est l’indignation générale. Mais lorsqu’un homme d’âge moyen, de l’autre bord politique, recourt à un langage abusif ou est soupçonné d’avoir commis un crime, la réaction n’est pas la même. »

En revanche, plusieurs parlementaires du parti d’extrême droite des Finlandais (le plus grand parti d’opposition) font l’objet d’une enquête ou ont été condamnés pour « incitation à la haine à l’égard d’un groupe ethnique ».

Iiris Suomela souligne également que les crises politiques offrent souvent un terrain favorable au développement des attitudes sexistes. Première femme à avoir été à la tête d’un gouvernement en Finlande, Anneli Jäätteenmäki n’a occupé son poste de Première ministre que deux mois en 2003, avant d’être contrainte de démissionner. Au cours des années 2000, trois autres femmes ministres ont connu le même sort et ont dû céder à la pression de l’opinion publique dans un pays où les scandales politiques sont plutôt rares. « Les situations de crise se révèlent souvent fatales aux femmes qui occupent des postes ministériels, au contraire des hommes », souligne la députée, ajoutant que « le sexisme contribue à faire des femmes des boucs émissaires ».

Mais Iiris Suomela estime que l’égalité de traitement est une question de démocratie : « Si les électeurs choisissent de placer certaines personnes à des postes décisionnels et que, par la suite, celles-ci ne bénéficient pas d’un traitement égalitaire, nous devons considérer cela comme un manque de respect à l’égard de milliers de citoyens ».

La Première ministre Sanna Marin a grandi dans une famille modeste, entourée de sa mère et de la compagne de cette dernière. Elle est aussi la première membre de la famille à être allée à l’université. Maria Ohisalo, dirigeante des Verts, a déclaré avoir grandi dans la pauvreté, dans l’ombre de l’alcoolisme de son père – une expérience qui contraste avec l’image de la classe moyenne généralement associée aux responsables politiques, que ce soit en Finlande ou ailleurs.

Une coalition fragile proposant un programme ambitieux

Au lendemain des élections d’avril 2019, les cinq partis de la coalition finlandaise ont négocié un programme ambitieux visant à faire de la Finlande un pays neutre en carbone d’ici 2035, parmi d’autres mesures destinées à améliorer l’égalité et stimuler l’investissement dans l’État-providence. Anu-Tuija Lehto (SAK) affirme que les syndicats sont satisfaits du programme du gouvernement et de ses nombreuses références à l’égalité : « Il est clair que les femmes ont participé à son élaboration ».

Bon nombre de Finlandais semblent d’accord : au mois de février, un sondage a révélé que 64 % de la population était satisfaite du gouvernement de Sanna Marin. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de tensions internes. Le gouvernement de coalition n’était au pouvoir que depuis six mois lorsque le Premier ministre qui l’a formé, Antti Rinne, a dû démissionner après que le Parti du centre lui a retiré sa confiance, à la suite d’une grève massive des services postaux. Sanna Marin, vice-présidente de son parti à l’époque, a été félicitée pour sa performance durant la campagne électorale, lorsque, proposée comme candidate à une époque où Antti Rinne était en congé de maladie, elle a rapidement gravi les échelons pour diriger le gouvernement lors de la démission de ce dernier.

Une large coalition a été formée avec des partis ayant des priorités différentes. Ils se sont rassemblés autour des valeurs sociales démocrates et des droits humains, après l’arrivée en deuxième position du Parti des Finlandais, avec seulement 0,2 % d’écart par rapport aux sociaux-démocrates, vainqueurs des élections.

Le Parti du centre, en particulier, s’appuyant sur un électorat dans les zones rurales et perdant des voix au profit des populistes de l’extrême droite, est souvent perçu comme étant en désaccord avec les Verts, qui attendent des objectifs climatiques plus ambitieux.

Depuis les élections, le Parti des Finlandais a continué de grimper dans les sondages. Parti le plus populaire avec 20 % des voix, il inonde la scène médiatique avec un flux constant de propos racistes et offensants, comme son éloge de l’incendie criminel qui a détruit un bâtiment destiné aux demandeurs d’asile, ou celui de l’épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo.

Iiris Suomela commente : « La popularité est importante lorsqu’elle permet d’élaborer des politiques que vous approuvez. Si ce soutien devient trop important, il peut amener d’autres partis à adhérer à des politiques qui accentuent les inégalités et nourrissent les préjugés, ce qui peut faire progresser ces objectifs plus encore que le parti ne pourrait le faire en étant au pouvoir. Nous devons avoir le courage de respecter ce que souhaite la majorité des citoyens, autrement dit une politique qui promeut les droits humains, l’égalité et le respect de l’environnement. Nous devons avoir le courage de montrer que la politique fonctionne et qu’elle peut améliorer la vie des gens. Il ne s’agit pas d’un jeu où il n’y a ni gagnant ni perdant, où nous devons bafouer les droits des autres pour obtenir quelque chose de meilleur. »

Cet article a été traduit de l’anglais.

Fanny Malinen

Journaliste indépendante basée à Londres, Fanny Malinen écrit et milite pour la justice sociale et économique. Elle s’intéresse plus particulièrement aux thèmes de la dette et de la financiarisation et la recherche d’alternatives durables.

Twitter : @fannymalinen

https://www.equaltimes.org/fanny-malinen

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