Des syndicalistes du Maghreb, de Belgique, de France, des associations latinos, le mouvement sahraoui (tiens, pas de clash avec des syndicats marocains financés par leur gouvernement, cette année…), une colonie de Palestiniens aux inlassables slogans, des groupes écologistes, une association de retraités tunisiens… Et des collectifs de défense des droits des femmes. Ce forum social mondial semble fermement inscrit sous les auspices de leurs revendications, on vous en reparlera.
Une marche aussi alléchante, il fallait s’y attendre : à peine élancée de la désormais Place du 14 janvier 2011, date emblématique du renversement du régime de Ben Ali, c’est le débordement. Encadré par des « Ligues de protection de la révolutions », ces groupes mis en place par le régime islamiste de Ennahda, des mères et de pères de « martyres « — leurs enfants tués durant cette période sanglante —, se précipitent en tête du défilé pour squatter l’attention des caméras. Tout rentre rapidement dans l’ordre.
Près de 20 000 personnes ont marché ce mardi 26 mars jusqu’au stade olympique de El Menzah. Un peu longuet… le défilé s’étire. De quoi faire quelques arrêts incontournables : devant l’ambassade d’Algérie, pour saluer de la voix et du geste la police du pays, qui a bloqué à la frontière des dizaines de ressortissants en route vers le forum. Ou le long des murs du consulat du Maroc, que les Sahraouis conspuent.
Au bout, les organisateurs du FSM avaient exclusivement réservé la tribune d’ouverture à des militantes, une dizaine d’oratrices percutantes venues du Mali, des États-Unis, d’Afrique du Sud, etc. Et de Tunisie bien sûr. Dont Basma Belaïd, l’épouse de Chokri, le leader de gauche assassiné le 6 février par un groupe salafiste, et dont des milliers de portraits sont brandis dans la ville, affiches, tracts, et même posters au format des panneaux publicitaires. La voix est claire et forte, d’une dignité folle. Acclamée. En Tunisie, Basma est devenue une icône. Les extrémistes ont du souci à se faire.
Les femmes ne cèderont la place qu’à un seul homme — et lequel ! Le chanteur brésilien (et ex-ministre de la culture) Gilberto Gil, prince noir de l’élégance musicale, invité à offrir un concert de clôture de la journée. Environ 300 Brésiliens sont venus au FSM. Au fil des minutes, ils percolent à travers la foule pour s’agglutiner aux premiers rangs, en communion avec celui qui, à 70 ans révolus, est aussi une icône dans sa catégorie.
La jeunesse tunisienne l’a bien compris et entre dans la transe : on sait aussi bouger, en Méditerranée Sud. Un ami journaliste français, qui vit à Tunis depuis deux ans, nous confie qu’il s’agit d’un petit événement dont la portée dépasse le FSM : « c’est la première fois que je les vois se lâcher comme ça. D’habitude, les concerts sont lestés d’une sorte de gravité, comme si une certaine retenue convenait à l’époque que traverse le pays. »