1- Depuis plus d’un quart de siècle, la mondialisation capitaliste néolibérale n’a cessé d’étendre sa domination sur la planète toute entière. Les processus qu’elle met en œuvre accélèrent la marchandisation du monde au profit d’une minorité et confisquent la citoyenneté et la souveraineté des peuples et des États. Ils aggravent l’insécurité économique et les inégalités sociales au Nord et au Sud et creusent davantage le fossé qui sépare les pays riches et les pays dits pauvres.
Les peuples du Sud, sont tout particulièrement soumis au régime dévastateur des politiques d’ajustement structurel et des politiques de libre échange qui empêchent leur développement solidaire, détruit leur environnement et les prive de leur souveraineté en les fragilisant davantage et en aggravant leur dépendance aux pôles économiques dominants du Nord.
Le sort de l’humanité est désormais décidé par une poignée de transnationales et par des institutions financières internationales sur lesquels les peuples n’ont aucun contrôle.
Depuis 2008, sur fond de crise du système capitaliste mondial, ces politiques sont étendues aux pays de la rive nord de la méditerranée, nommées avec mépris PIGS (cochons en anglais).
En Tunisie, cette politique a été imposée depuis 1986 par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, avant d’être renforcée, à partir de 1995, par l’Accord d’Association imposée, lui aussi, par l’Union Européenne et ses États membres et dont l’application a été garantie par la dictature politique.
A l’heure actuelle, ces différents acteurs de la mondialisation capitaliste néolibérale tentent d’imposer la poursuite des mêmes politiques tout en cherchant à profiter de la crise révolutionnaire pour les approfondir et les étendre davantage. Il s’agit surtout de barrer la route aux aspirations et la volonté de changement radical exprimées massivement par les classes populaires, notamment la jeunesse, au cours de l’insurrection révolutionnaire de décembre-janvier 2011.
2- En chassant le dictateur, celle-ci a désarmé l’ordre capitaliste néolibéral local et permis de réaliser certains acquis, sans pour autant le renverser. Le régime social, qui est le produit historique de la domination étrangère et, plus récemment, de la restructuration capitaliste néolibérale mondiale, est toujours debout. Mais, la crise révolutionnaire que l’insurrection a ouvert demeure active. La victoire de la révolution démocratique et sociale en Tunisie, comme dans les autres pays de la région, demeure possible.
3- La révolution tunisienne a marqué le début de la révolution arabe. A ce jour, quatre dictateurs, dont la durée moyenne au pouvoir dépassait 30 ans, ont été éliminés. Ces bouleversements politiques sont, sans aucun doute, les plus importants que connaisse la région arabe depuis des décennies. La Tunisie et toute la région arabe et maghrébine vivent à l’évidence un tournant dans leur histoire.
C’est, au sens même du mot, un moment « historique ». En effet, les peuples de la région, qui n’ont cessé de lutter, se dressent aujourd’hui contre leurs oppresseurs directs, en faisant irruption sur la scène politique pour reprendre leur destin en mains.
4- La dette qui a servi sous la dictature comme outil de soumission politique et de mécanisme de transfert de revenus du travail au capital local et, surtout, mondial, sert actuellement à la contre-révolution pour maintenir l’économie néocoloniale et la domination étrangère sur la Tunisie. Ailleurs, en Égypte, au Maroc, en Grèce, à Chypre, dans l’État espagnol et dans bien d’autres pays du bassin méditerranéen, la dette continue de servir les intérêts d’une minorité contre les intérêts de l’écrasante majorité. Elle est partout, le prétexte pour l’application de politiques d’austérité imposées par les Institutions financières internationales et les États capitalistes qui violent les droits humains.
5- Partout, au Nord comme au Sud, ce sont les mêmes logiques de profit, de domination et de destruction de la planète qui continuent d’être imposées à l’ensemble des peuples et à la nature. La révolution tunisienne, la révolution arabe, les luttes héroïques de tous les peuples de la planète contre l’ordre capitaliste néolibéral, notamment ceux des peuples grecs, portugais, basque, catalan et dans l’État espagnol sont autant d’actes politiques fondateurs de ce nouvel ordre mondial social, démocratique, féministe, solidaire, pacifique, qui garantit la souveraineté populaire et l’autodétermination des peuples et respecte la nature pour lequel militent nos partis respectifs.
6- Mais, face à cette volonté populaire de changement radical, les classes dominantes, les transnationales et la finance mondiale font bloc, contre attaquent et tentent de mettre en œuvre des politiques encore plus antisociales et antidémocratiques pour briser cet élan populaire libérateur et pour continuer à faire supporter le coût de la crise du système capitaliste mondial aux mêmes victimes ; l’ensemble des peuples et la planète.
7- Nous croyons que les partis politiques progressistes de la région méditerranée doivent, eux-aussi, unir leurs efforts et leurs actions aussi bien au niveau régional que international afin d’appuyer et de soutenir les luttes des peuples et des classes exploitées et opprimés qui aspirent à la liberté, à la dignité et à la justice sociale. Nous soutenons la lutte révolutionnaire du peuple syrien pour conquérir la liberté, la démocratie, la justice sociale, l’égalité et la dignité nationale. Nous condamnons toute intervention étrangère de nature à s’opposer à la réalisation de ces objectifs.
Dans le but d’agir en commun dans ce sens, les partis politiques progressistes de la région méditerranée qui participent à la rencontre méditerranéenne de Tunis contre la dette, les politiques d’austérité et la domination étrangère, pour une méditerranée libre, démocratique, sociale, solidaire et respectueuse de l’environnement, s’engagent à :
* soutenir les processus de lutte des mouvements sociaux, des syndicats et des associations, pour un audit citoyen de la dette ;
* promouvoir des propositions d’annulation de la dette illégitime ;
* intégrer la revendication de l’audit de la dette et l’annulation de la dette illégitime dans nos programmes politiques, et soutenir la lutte des peuples pour leur souveraineté et leur autodétermination ;
* construire un réseau de soutien mutuel entre les peuples pour aider les pays qui choisissent de ne pas payer la dette illégitime ;
* mettre en place un réseau de communication pour faciliter l’échange d’informations et d’expériences ;
* mettre en place une coopération concrète visant à la construction des outils de lutte et de mobilisation nécessaires à la défense de nos objectifs ;
* organiser une deuxième rencontre dans l’État Espagnol.
Les partis politiques progressistes de la région méditerranée qui ont participé à la rencontre méditerranéenne de Tunis, ont tenu à saluer le FSM qui s’est tenu à Tunis du 26 au 30 mars qui a été une réussite et a permis, à son tour, d’avancer vers la réalisation des objectifs inscrits dans la charte de Porto Alegre.
Enfin, nous condamnons vivement l’assassinat de Chokri Belaid, Secrétaire général du Parti Patriote Démocratique Unifié et dirigeant du Front Populaire, que nous qualifions de crime politique. Nous réclamons que la vérité soit dite sur tous ceux qui sont impliqués dans ce crime odieux.
Premières organisations signataires (ordre alphabétique)
Notes
|1| Intitulé complet de la conférence : Rencontre méditerranéenne de Tunis contre la dette, les politiques d’austérité et la domination étrangère, pour une méditerranée libre, démocratique, sociale, solidaire et respectueuse de l’environnement. Voir : Pauline Imbach, « Tunis : Un front commun d’organisations politiques contre la dette est né », http://cadtm.org/Tunis-Un-front-com... publié le 25 mars 2013