Or cette situation n’est pas sans en rappeler une autre : le déclenchement des élections législatives françaises les 23 et 30 juin 1968 en réaction au vaste mouvement de grève et de contestation de mai 68 et suite à la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président d’alors, Charles de Gaulle. A la lumière de la situation actuelle au Québec, les résultats de ces élections sont on ne peut plus troublants : la droite alors au pouvoir a en effet acquis une large victoire briguant ainsi près de 60% des sièges alors même qu’un de ses thèmes de campagne principaux était la défense de l’ordre.
Bien que la comparaison entre les deux mouvements n’est sûrement pas tenable jusqu’au bout, elle peut néanmoins constituer un outil important pour dessiner une voie que le mouvement de grève pourrait suivre face à un déclenchement d’élections.
Et de fait, face à cet exemple de mai 68, la question qu’on pourrait se poser est la suivante : comment agir de manière telle à ce que ce ne soit pas le gouvernement libéral qui soit réélu ? Quelle position les étudiants en grève devraient-ils tenir pour empêcher une réélection de la droite qui donnerait un coup d’arrêt au mouvement de contestation pour quelques temps ?
Une chose serait à éviter me semble-t-il : que la campagne électorale du Parti Libéral se cristallise autour du mouvement étudiant et de la lutte contre la hausse des frais de scolarité, que le gouvernement libéral se construise un capital de sympathie là-dessus et qu’ainsi soit oublié tous les autres sujets qui pourraient mettre à mal le gouvernement : Plan Nord, corruption, commission Charbonneau, etc… Une des avenues possibles est donc de continuer à élargir le mouvement, de continuer à l’ouvrir aux autres revendications populaires, de faire en sorte que ce beau slogan « La grève est étudiante. La lutte est populaire ! » acquiert une effectivité.
Il me semble en effet qu’une des plus grandes réussites du mouvement de grève étudiant est quelque chose qu’on pourrait décrire comme un nouveau surgissement de la gauche. Et c’est là-dessus que pourrait se poursuivre la contestation actuelle : réaffirmer les principes de justice et d’équité propres à la gauche, puis construire à partir de ces principes un large front anti-libéral, un large front critique vis à vis des politiques profondément injustes et socialement destructrices de droite.
Bref, il ne s’agirait pas pour le mouvement étudiant de prendre le bord de tel ou tel parti mais de continuer à défendre des idées de gauche qui répandent aujourd’hui un nouveau souffle sur le Québec, il s’agirait de poursuivre cette réactivation de la gauche que le mouvement étudiant s’est employé magistralement à faire depuis fin février et ainsi continuer d’avancer sans jamais reculer, la seule chose à faire reculer étant le parti libéral.
Blandine Parchemal, doctorante en philosophie à l’Université de Montréal.