En quelques jours, les nouvelles concernant ce combat se sont diffusées largement et sur une vaste échelle, entraînant y compris l’attention du président élu Barack Obama qui a déclaré que le combat de ces travailleurs était juste.
L’occupation de la fabrique Republic a commencé l’après-midi du 5 décembre lors du changement d’équipe. Les travailleurs ont voté qu’ils resteraient dans l’usine et n’accepteraient pas sa fermeture dans un délai de trois jours, sans que les vacances soient payées et sans que les indemnités de licenciement exigées par la loi fédérale et de l’Etat de l’Illinois soient versées.
Les travailleurs sont organisés dans le syndicat United Electrical, Radio and Machine Workers of America (UE), [section] Local 1110. Ils étaient prêts à être arrêtés et ont élaboré une déclaration concernant la violation de la loi par les propriétaires de l’entreprise et portant aussi sur le refus de la principale banque faisant crédit à cette firme, Bank of America, d’étendre la ligne de crédit à Republic afin de lui permettre de fonctionner et d’assurer le financement de ce que la direction doit aux travailleurs.
Les travailleurs de Republic sont en colère face à la Bank of America (BoA) qui a reçu 25 milliards du gouvernement fédéral, en tant qu’une fraction du sauvetage des banques de Wall Street, c’est-à-dire de l’argent des contribuables qui a été versé aux banques spécialement dans le but de stimuler leurs prêts. Or, les dirigeants de la filiale de Chicago de la BoA restent assis sur leur argent alors que l’entreprise Republic s’apprête à jeter les travailleurs à la rue et à couper leur assurance maladie.
Dès lors, les travailleurs ont affirmé que la décision d’occuper l’usine a été facile, quelles qu’en soient les conséquences. Soudainement, l’occupation d’une entreprise américaine – quelque chose qui renvoyait généralement à l’histoire poussiéreuse des livres concernant les années 1930 et aux discours nostalgiques effectués lors de congrès syndicaux – devenait une réalité. Si les propriétaires de la firme Republic ont pris en considération l’appel à la police afin d’évacuer les travailleurs, ils ont peut-être aussi pensé qu’il était préférable de ne pas le faire étant donné leur violation évidente de la loi.
En quelques heures, selon Mark Meinster, représentant du syndicat UE International, la société est arrivée à un « accord » avec le syndicat : les travailleurs maintiendraient la fabrique propre et sûre, et un certain nombre de gardes d’une compagnie de surveillance se tiendraient éloignés de la cafétéria où les travailleurs se sont installés.
Les travailleurs ont une autre raison très concrète et pratique de surveiller leur entreprise : s’assurer que la direction ne puisse pas déplacer les machines clés pour la production. Au cours des dernières semaines, des équipements importants et très chers ont disparu, y compris des presses nouvelles qui avaient été déchargées sur une plate-forme durant un jour, mais qui n’ont pas été installées. « Ils nous ont répondu qu’ils avaient simplement fait une opération de réception et de renvoi », nous explique le vice-président du Local 1110, Melvin Maclin, se référant ainsi à la pratique ayant trait à la réception de matériel et à son renvoi le même jour. « Or, durant vingt ans, ils n’avaient jamais pratiqué cette technique [cross-docking]. » Maclin et d’autres travailleurs soupçonnent que les propriétaires, soit aient vendu l’équipement, soit préparent la relance de la production dans une autre fabrique qui ne soit pas syndiquée, une pratique qui a commencé dans les entreprises de transport à la fin des années 1980 et qui a été adoptée par d’autres secteurs depuis lors.
Les travailleurs de Republic sont déterminés à ce que cela ne se passe pas cette fois sans un combat. Quelques heures après le début de l’occupation, le vendredi 5 décembre en fin d’après-midi, des syndiqués de la région, des militants du mouvement pour les immigrés sont arrivés et ont organisé la solidarité devant l’entrée en apportant des poulets grillés, des sodas, du café. D’autres arrivaient sans s’arrêter pour la fouille de leurs sacs [cf. les gardes], afin de donner de l’argent aux syndicalistes pour qu’ils puissent acheter ce dont ils avaient besoin. Au même moment, une demi-douzaine de véhicules de télévision se trouvaient sur la rue devant l’entreprise et des journalistes préparaient des retransmissions en direct.
Des courriels, des messages et des reportages passant dans les médias dominants et indépendants ont commencé à circuler dans Chicago afin d’organiser une veillée de soutien devant la firme le samedi dès midi. A l’heure prévue, il y avait plus de 300 membres des syndicats et militants sur le lieu et une cérémonie (prières) a stimulé une solidarité vivante et la récolte de fonds. Le révérend C.J. Hawking du Comité de Chicago de l’Interfaith Worker Justice a dirigé la prière et a animé la foule avec son ardent message pro-ouvrier.
Plusieurs travailleurs de Republic ont expliqué aux personnes présentes pourquoi ils avaient décidé de mettre cette limite. Le député démocrate Luis Gutierrez du district de l’Illinois, qui avait essayé d’être un intermédiaire pour organiser une réunion entre la direction de Republic, BoA et le syndicat – les propriétaires ne sont pas venus –, a été l’orateur le plus significatif. « Quelqu’un m’a dit : ‘Ces fenêtres ne leur appartiennent pas.’ Qu’est-ce que vous entendez en disant qu’elles se trouvent avec les travailleurs ? » Gutierrez a affirmé à la foule rassemblée : « Il me semble que c’est le travail des ouvriers qui a permis de fabriquer ces fenêtres. C’est leur créativité, leur travail, leur engagement à produire avec qualité qui ont fait le succès de cette entreprise… Ces fenêtres appartiennent aux travailleurs jusqu’à ce qu’ils soient payés. »
Des figures historiques des luttes ouvrières ont aussi pris la parole, telles que Rich Berg, président du Local 743 des Teamsters [travailleurs des transports], qui a pris ses fonctions cette année après une longue bataille pour la démocratie dans un syndicat connu pour sa corruption. D’autres orateurs sont intervenus, y compris James Thindwa, directeur du Chicago Jobs with Justice, et Jesse Sharkey, un délégué du syndicat des enseignants de Chicago et membre du Caucus of Rank-and-File Educators (CORE), un regroupement visant à la réforme du syndicat. Le président pour la région ouest de l’UE, Carl Rosen, a clos le meeting.
Dès ce samedi après-midi, l’occupation de Republic est devenue un événement connu internationalement. Les médias dominants, généralement silencieux sur les thèmes ayant trait au travail, se sont intéressés et ont fait passer l’essentiel du message : BoA a obtenu 25 milliards d’argent venant des contribuables, mais cette banque veut couper les crédits à une firme viable et jeter à la rue plus de 250 travailleurs.
Dimanche matin, on a vu Jesse Jackson apporter 200 dindes aux travailleurs au moment où l’appareil d’UE mettait au point un système de distribution de nourriture. Lors d’une conférence de presse, Jesse Jackson a affirmé : « Ces travailleurs méritent leur salaire, méritent une notification correcte, méritent une assurance maladie. » « Cela pourrait être le début d’un long combat de résistance ouvrière, finalement », a-t-il ajouté. La députée démocrate Jan Schakowsky [du 9e district de Chicago] est aussi arrivée pour visiter l’entreprise et a manifesté son soutien.
Barack Obama s’est senti obligé lors de sa propre conférence de presse à faire référence à la lutte des travailleurs de Republic : « Les travailleurs qui demandent le paiement des salaires et des bénéfices [sécurité sociale, assurance maladie] qu’ils ont gagnés sont absolument dans leur droit, je pense ; et je comprends que ce qui leur arrive reflète ce qui est en train de se passer dans toute l’économie. »
Au moment où les figures politiques dominent dans le traitement des médias, les gens réunis devant l’entreprise ont mis en place une solidarité permanente, avec des meetings rassemblant des syndicalistes, des activistes des mouvements sociaux et des étudiants. Le dimanche, un jeune conducteur de bus de Chicago et militant syndicaliste était là pour manifester son soutien et informer que les autorités de la ville responsables des transports étaient en train d’envisager la suppression d’emplois dans ce secteur.
Rich De Vries, responsable financier du Local 705 des Teamsters, a aussi visité l’entreprise, au même titre que Gerald Colby, président de l’Union nationale des écrivains, qui est venu aussi comme membre d’une délégation du U.S. Labor Against the War dont la direction avait une réunion durant ce week-end dans les environs de Chicago. Colby déclara : « Ce combat montre que les travailleurs n’accepteront pas de se faire marcher sur les pieds ; ils vont se dresser pour défendre leurs droits et leurs droits sur le lieu de production. » James Thindwa de Jobs with Justice a fait la même remarque : « Cela représente la fin d’une période où la cupidité des grandes entreprises était la norme. C’est le début de quelque chose de nouveau. » (8 décembre 2008, traduction A l’encontre)
L’auteur est membre de l’ISO et animateur de l’hebdomadaire Socialist Worker.
Source de l’article : http://alternatives-international.net/article2778.html