D’emblée, il nous est important de souligner que cette enquête n’est pas une étude sur la violence conjugale, qui constitue « un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle », telle que définie par le Gouvernement du Québec dès 1995 (2).
En effet, les résultats de l’étude ne distinguent pas la violence exercée dans le but de dominer l’autre (la violence conjugale) des autres types de violences en contexte de relations intimes, comme la violence situationnelle ou la résistance violente. Selon le rapport, le fait de subir deux actes de violence physique au cours de sa vie, sans considérer le contexte, qualifie une personne comme victime de violence entre partenaires intimes (VPI). En considérant des occurrences isolées d’actes de violence, sans évaluer les motivations, la dynamique de pouvoir et leurs conséquences, l’enquête ne parvient pas à saisir la véritable nature de la violence conjugale, sa complexité et ses subtilités. Le rapport indique d’ailleurs lui-même qu’il n’est tout simplement pas possible d’affirmer hors de tout doute qu’il s’agit de violence entre partenaires intimes dans ses résultats.
La façon dont a été intégrée la notion de contrôle coercitif dans l’enquête est également questionnée, car elle ne parvient pas à mettre en lumière un schéma de comportements, souvent invisible et insidieux, mais essentiel pour comprendre la privation de libertés, la microrégulation du quotidien et le climat de terreur permanent, au-delà des actes.
En comptabilisant des actes de violence situationnelle ou de résistance au même titre que des actes de violence conjugale, l’enquête crée une confusion et renforce la thèse de la symétrie de la violence entre les hommes et les femmes. Les gestes de l’agresseur et ceux d’une victime qui se défend dans un contexte de violence conjugale sont comptabilisés sans distinction. Nous exprimons nos inquiétudes quant à l’utilisation de ces statistiques, craignant qu’elles ne minimisent la réalité de la violence conjugale, qui appelle des interventions et des moyens adaptés pour la combattre. Une mauvaise utilisation de celles-ci pourrait mettre en danger la sécurité des femmes violentées et de leurs enfants.
En conclusion, le RMFVVC, la FMHF, l’Alliance MH2, L’R des centres de femmes ainsi que SAS-Femmes appellent le Secrétariat à la condition féminine à demander à l’ISQ des changements dans la méthodologie, pour les enquêtes ultérieures, afin de se doter d’instruments de mesure plus sensibles pour capter la violence conjugale dans sa complexité. Les signataires appellent également à une collaboration plus étroite avec les groupes experts pour garantir une compréhension exhaustive de la violence conjugale au Québec afin de dresser un portrait plus juste.
Notes
(1) Dans l’enquête, le concept de « violence entre partenaires intimes » est utilisé de façon équivalente à « violence conjugale ».
(2) Gouvernement du Québec (1995). Politique d’intervention en matière de violence conjugale : prévenir, dépister, contrer la violence conjugale, [En ligne], Québec, Gouvernement du Québec, 78 p. [https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2000/00-807/95-842.pdf]
Source
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC)
Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF)
L’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale (Alliance MH2)
L’R des centres de femmes du Québec
Marie-Marthe Cousineau, pour SAS-Femmes, Collectif de recherches et d’actions pour la sécurité, l’autonomie et la santé de toutes les femmes
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