L’année 2011 est une année d’émeutes et de révolutions populaires. Dans les pays arabes, non démocratiques, ce sont des révolutions, dans les pays riches du Nord, des émeutes. Celles qui viennent de se dérouler en Angleterre sont assez comparables à celles que la France a connues en 2005. La question que l’on peut se poser, c’est pourquoi les jeunesses du Nord provoquent des émeutes tandis que les jeunesses du Sud se révoltent plus politiquement ?
La réponse fournie par le premier ministre britannique Cameron n’a guère été différente de celle de Sarkozy et de la droite populaire française - de même que de l’intellectuel Finkielkraut -, la violence proviendrait d’un manque d’éducation, voire d’une culture étrangère à la culture européenne, bref d’origines immigrées incapables de se fondre dans le creuset démocratique britannique ou français. Cette réponse ne tient, d’une part, aucunement compte d’un contexte économique et social désastreux, d’autre part, cherche des causes externes à un problème interne de manière à justifier leur propre violence policière et sociale - la politique de rigueur décidée par Cameron s’apparenterait presque à un "racisme social".
Les jeunes exclus des pays du Nord ne peuvent donc se révolter politiquement dans un pays démocratique où les dirigeants ont bien été élus mais sans qu’ils soient au service des citoyens. C’est la dictature élective, une fois le dirigeant élu, il n’est plus l’élu du peuple mais celui d’une oligarchie - Sarkozy et les grands patrons, Cameron et Murdoch -, et lorsque Berlusconi déclare que son coeur saigne car son gouvernement va être contraint de prendre dans la poche des Italiens pour réduire le déficit public, il oublie de préciser qu’il s’agit de la poche des nantis. Car ainsi sont les nouveaux dirigeants démocrates, ils nient toute légitimité à la démocratie sociale. Quand la violence des plus pauvres se déclenche, ils n’ont plus alors qu’à trouver des prétextes pour l’expliquer - éducation, culture, immigration -, préférant taire les vraies causes qu’ils connaissent pourtant parfaitement.
La révolte politique n’est possible que dans des dictatures où l’aspiration à la démocratie se fait jour. Mais dans des démocraties anciennes, quand la démocratie n’est plus qu’une apparence, qu’elle n’est plus que désillusions, l’émeute survient rapidement car il y a une incompréhension, une absurdité : comment comprendre que des dirigeants élus et représentant la population oeuvrent contre cette même population ?
Les émeutiers ne sont pas anti-démocrates, ils explosent contre ce pouvoir qui ne dit pas son nom mais qui étouffe la société. Après les nombreux sursauts de la crise financière, les classes moyennes ont encore de la marge, mais les classes les plus pauvres n’en ont plus. Cameron est aussi sourd que l’odieux tyran syrien. Même s’il n’est pas criminel, cela ne l’excuse aucunement et n’en fait pas un démocrate.
Source
http://blogs.mediapart.fr/blog/christophe-lemardele/150811/emeutes-et-revolutions