Les Éditions Écosociété et les auteurs de Noir Canada, Alain Deneault, Delphine Abadie et William Sacher, déposent aujourd’hui une requête sur la base des nouvelles dispositions au Code de procédure civile adoptées l’an dernier pour mettre un frein aux poursuites-bâillons (loi 9). Après plusieurs mois consacrés à la préparation de leur dossier, ils demandent à la Cour Supérieure du Québec de déclarer abusive la poursuite en diffamation de Barrick Gold et d’ordonner son rejet.
Pour la publication d’un livre, qui fait une analyse critique de données publiques et sérieuses sur les conséquences de la présence canadienne en Afrique, la multinationale leur réclame cinq millions à titre de dommages moraux et compensatoires et un million à titre de dommages punitifs. En matière de diffamation, les tribunaux québécois ont pourtant établi un plafond de l’ordre de 25 000$ en ce qui a trait à l’octroi de dommages moraux à une société.
Le procès pour diffamation intenté par Barrick Gold contre les Éditions Écosociété et les auteurs de Noir Canada doit s’étendre sur quarante jours d’audition entre septembre et décembre 2011. Les auteurs de Noir Canada n’ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour assumer les frais qu’exige un tel procès. Les quatre employées de la maison d’édition Écosociété risquent quant à elles de voir leur travail éditorial sérieusement compromis au cours de la prochaine année en raison de cette assignation en justice.
En outre, les contribuables québécois seront sommés d’assumer les frais onéreux que suppose un procès aussi lourd : environ 10 000$ par jour d’audience pour un total de 400 000$. Pendant ce temps, Barrick Gold qui fait état d’un profit record de 837 millions de dollars US au dernier trimestre, continuera de profiter des déductions fiscales accordées aux personnes morales relativement à leurs dépenses juridiques.
Si la Cour ne devait pas reconnaître à sa face même le caractère abusif de la poursuite, alors les défendeurs lui demandent d’ordonner à Barrick Gold de verser une provision pour couvrir les frais de l’instance, comme le prévoit la loi 9, afin que les auteurs de Noir Canada puissent minimalement disposer de ressources pour se défendre.
La requête déposée aujourd’hui devrait être entendue dans les prochains mois. Nous voyons là une occasion pour la Cour de réaffirmer l’importance de protéger la liberté d’expression et de dissuader ceux qui seraient tentés d’utiliser les tribunaux pour faire taire les critiques à leur endroit. Il est essentiel de rejeter la poursuite de Barrick Gold pour immuniser les auteurs et éditeurs contre une telle forme de censure. Ultimement, c’est l’intérêt du public qui est ici en cause, ainsi que la fragile liberté de parole sans laquelle sont vaines toute liberté de conscience et toute pensée critique.