Tiré du site du CADTM.
Au total, un tiers du Pakistan, soit une superficie équivalente à celle du Royaume-Uni, a été inondé. Pourtant, les dettes et les paiements extérieurs du pays limitent considérablement la capacité du gouvernement à aider la population touchée par ces terribles inondations. Après les dernières méga-inondations de 2010, le pays vacille à nouveau sous l’effet d’une catastrophe d’une ampleur inimaginable.
Il est intéressant de mentionner que le Pakistan est l’un des 52 pays confrontés à une grave crise de la dette [2]. Le problème le plus important auquel l’économie du pays est confrontée est le service de sa dette extérieure. Le gouvernement doit verser environ 38 milliards de dollars au FMI, à la Banque mondiale et à d’autres institutions financières – dont font partie plusieurs banques chinoises – d’ici à la fin de l’exercice financier actuel.
Selon le Fonds monétaire international (FMI), la dette extérieure du Pakistan atteindra 138,568 milliards de dollars en 2022-2023, contre 129,574 milliards de dollars en 2021-2022 [3]. Le pays a dû payer 15,071 milliards de dollars au titre du service de la dette extérieure au cours de l’exercice 2022, contre 13,424 milliards de dollars en 2021. En 2022, la répartition entre le principal et les intérêts montre que 12,093 milliards de dollars ont été versés au titre du remboursement du capital emprunté et 2,978 milliards de dollars au titre du paiement des intérêts. En outre, de 2018 à 2020, le Pakistan a déjà payé environ 65 millions de dollars de surtaxes imposées par le FMI. Entre 2021 et 2030, il est probable qu’il doive payer 392 millions de dollars en plus du paiement d’une dette qui s’alourdit. Les créanciers réclamant un service de la dette de 38 milliards de dollars cette année mettent des millions de vies en danger.
Contraint par des options limitées, le Pakistan envisage de solliciter une nouvelle fois un prêt d’urgence du FMI car les premières estimations suggèrent que les terribles inondations pourraient avoir causé près de 10 milliards de dollars de pertes et que le taux de croissance économique pourrait ralentir à hauteur de 2 % pour l’année en cours [4]. Il est tout aussi important de mentionner qu’en avril 2020, le FMI avait approuvé un financement d’urgence de 1,4 milliard de dollars pour le Pakistan dans le cadre de l’instrument de financement rapide (IFR). L’objectif était le suivant : aider le pays à faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19.
Si l’aide d’urgence est indispensable dans cette situation, il faut comprendre ce qui est en jeu au Pakistan. À court d’argent, le pays a été contraint de signer un accord avec le FMI le 22 août dernier pour un prêt de sauvetage de 4,2 milliards de dollars dans le cadre du mécanisme élargi de crédit (MEDC) [5]. Ce prêt est assorti de conditions très strictes, telles qu’une augmentation considérable des prix du pétrole, du gaz et de l’électricité et des coupes drastiques dans les dépenses sociales, frappant en priorité des millions de travailleur·euses. Sans oublier que dans les 12 prochains mois, le Pakistan aura besoin d’au moins 41 milliards de dollars pour rembourser sa dette alors que l’inflation est de 26%, le deuxième taux le plus élevé en Asie.
Bien que les dernières inondations soient d’une nature différente de celles de 2010 – ces dernières étaient des crues soudaines alors que celles auxquelles le Pakistan fait face actuellement sont des crues fluviales – dans les deux cas, on peut affirmer que les dommages causés par les deux catastrophes sont le résultat du changement climatique et de politiques de développement très critiquables. Au cours des 17 dernières années, le Pakistan a connu trois crises majeures - avant la crise actuelle. Bien que la nature et l’ampleur de ces crises aient été différentes, deux d’entre elles ont été causées par des risques naturels – le tremblement de terre de 2005, qui a touché 3,5 millions de personnes, et les inondations de 2010, qui ont frappé plus de 20 millions de personnes.
Un autre aspect essentiel de cette catastrophe en cours est le terrible impact du changement climatique sur le Pakistan. Le pays, qui produit moins de 1 % des émissions mondiales de CO2, est l’un des États qui subissent les pires conséquences de la crise climatique. Au cours des 20 dernières années, il a été régulièrement classé parmi les dix pays les plus vulnérables par l’Indice mondial des risques climatiques (IRC). Les catastrophes climatiques, qui touchent des millions de personnes au Pakistan, vont être de plus en plus nombreuses et de plus en plus graves. Aujourd’hui, ces inondations sont provoquées par des pluies torrentielles de 400 à 500 % supérieures à la normale et par la fonte des glaciers ; à l’avenir, c’est la pénurie d’eau qui fera peser un plus grand risque sur la survie de millions de personnes.
Les multiples crises liées au Covid-19, ses impacts économiques, l’exacerbation des difficultés pré-pandémiques et la hausse des catastrophes liées au climat sont déjà des raisons plus que suffisantes pour justifier l’annulation des dettes du Pakistan. Les terribles inondations qui ont frappé le pays ont rendu cette mesure encore plus urgente. Il serait tout à fait inhumain pour les prêteurs – publics et privés – de ne pas répondre à cette demande.
Dans de telles circonstances, une annulation immédiate de la dette est une demande minimale puisque le Pakistan n’est plus en mesure de rembourser ses prêts et que ces inondations ont aggravé la situation économique du pays. Dans le contexte actuel, compte tenu de la règle de l’ONU sur « l’état de nécessité », le Pakistan doit être autorisé à utiliser les fonds disponibles pour répondre aux besoins vitaux des 33 millions de personnes touchées par les inondations et non pour rembourser sa dette, sans être poursuivi pour manquement à ses engagements.
Enfin, et surtout, les pays riches doivent assumer une part proportionnelle à leurs responsabilités dans les actions mondiales en faveur du climat, afin de mettre un terme au changement climatique catastrophique dont le Pakistan est la pire victime. Il est grand temps de leur rappeler leurs obligations en matière de financement de la lutte contre le réchauffement climatique, afin de remédier aux pertes et aux dommages tels que ceux que subit actuellement le peuple pakistanais.
Double peine pour le Pakistan, noyé sous les inondations et les dettes
6 septembre par Abdul Khaliq
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Source : « Pakistan floods » by IRIN Photos is licensed under CC BY-NC-ND 2.0. To view a copy of this license, visit https://creativecommons.org/licenses/by-nd-nc/2.0/jp/?ref=openverse.
Les inondations dévastatrices qui ont frappé le Pakistan ont tué plus de 1 200 personnes, dont 400 enfants, depuis le 14 juin. Elles ont déplacé environ 33 millions de personnes et compromis les moyens de subsistance de la population avec la perte d’environ un million de têtes de bétail. En outre, les inondations ont emporté au moins un million de maisons et endommagé autant d’hectares de terres agricoles, soit 45 % des cultures du Sind, du sud du Pendjab et du Baloutchistan, laissant présager une pénurie alimentaire imminente. Ces inondations sans précédent ont frappé l’économie pakistanaise de plein fouet, provoquant des pertes de l’ordre de 10 milliards de dollars [1] selon les premières estimations. Au total, un tiers du Pakistan, soit une superficie équivalente à celle du Royaume-Uni, a été inondé. Pourtant, les dettes et les paiements extérieurs du pays limitent considérablement la capacité du gouvernement à aider la population touchée par ces terribles inondations. Après les dernières méga-inondations de 2010, le pays vacille à nouveau sous l’effet d’une catastrophe d’une ampleur inimaginable.
Il est intéressant de mentionner que le Pakistan est l’un des 52 pays confrontés à une grave crise de la dette [2]. Le problème le plus important auquel l’économie du pays est confrontée est le service de sa dette extérieure. Le gouvernement doit verser environ 38 milliards de dollars au FMI, à la Banque mondiale et à d’autres institutions financières – dont font partie plusieurs banques chinoises – d’ici à la fin de l’exercice financier actuel.
Selon le Fonds monétaire international (FMI), la dette extérieure du Pakistan atteindra 138,568 milliards de dollars en 2022-2023, contre 129,574 milliards de dollars en 2021-2022 [3]. Le pays a dû payer 15,071 milliards de dollars au titre du service de la dette extérieure au cours de l’exercice 2022, contre 13,424 milliards de dollars en 2021. En 2022, la répartition entre le principal et les intérêts montre que 12,093 milliards de dollars ont été versés au titre du remboursement du capital emprunté et 2,978 milliards de dollars au titre du paiement des intérêts. En outre, de 2018 à 2020, le Pakistan a déjà payé environ 65 millions de dollars de surtaxes imposées par le FMI. Entre 2021 et 2030, il est probable qu’il doive payer 392 millions de dollars en plus du paiement d’une dette qui s’alourdit. Les créanciers réclamant un service de la dette de 38 milliards de dollars cette année mettent des millions de vies en danger.
Les créanciers réclamant un service de la dette de 38 milliards de dollars cette année mettent des millions de vies en danger
Contraint par des options limitées, le Pakistan envisage de solliciter une nouvelle fois un prêt d’urgence du FMI car les premières estimations suggèrent que les terribles inondations pourraient avoir causé près de 10 milliards de dollars de pertes et que le taux de croissance économique pourrait ralentir à hauteur de 2 % pour l’année en cours [4]. Il est tout aussi important de mentionner qu’en avril 2020, le FMI avait approuvé un financement d’urgence de 1,4 milliard de dollars pour le Pakistan dans le cadre de l’instrument de financement rapide (IFR). L’objectif était le suivant : aider le pays à faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19.
Si l’aide d’urgence est indispensable dans cette situation, il faut comprendre ce qui est en jeu au Pakistan. À court d’argent, le pays a été contraint de signer un accord avec le FMI le 22 août dernier pour un prêt de sauvetage de 4,2 milliards de dollars dans le cadre du mécanisme élargi de crédit (MEDC) [5]. Ce prêt est assorti de conditions très strictes, telles qu’une augmentation considérable des prix du pétrole, du gaz et de l’électricité et des coupes drastiques dans les dépenses sociales, frappant en priorité des millions de travailleur·euses. Sans oublier que dans les 12 prochains mois, le Pakistan aura besoin d’au moins 41 milliards de dollars pour rembourser sa dette alors que l’inflation est de 26%, le deuxième taux le plus élevé en Asie.
Bien que les dernières inondations soient d’une nature différente de celles de 2010 – ces dernières étaient des crues soudaines alors que celles auxquelles le Pakistan fait face actuellement sont des crues fluviales – dans les deux cas, on peut affirmer que les dommages causés par les deux catastrophes sont le résultat du changement climatique et de politiques de développement très critiquables. Au cours des 17 dernières années, le Pakistan a connu trois crises majeures - avant la crise actuelle. Bien que la nature et l’ampleur de ces crises aient été différentes, deux d’entre elles ont été causées par des risques naturels – le tremblement de terre de 2005, qui a touché 3,5 millions de personnes, et les inondations de 2010, qui ont frappé plus de 20 millions de personnes.
Le Pakistan, qui produit moins de 1 % des émissions mondiales de CO2, est l’un des États qui subissent les pires conséquences de la crise climatique
Un autre aspect essentiel de cette catastrophe en cours est le terrible impact du changement climatique sur le Pakistan. Le pays, qui produit moins de 1 % des émissions mondiales de CO2, est l’un des États qui subissent les pires conséquences de la crise climatique. Au cours des 20 dernières années, il a été régulièrement classé parmi les dix pays les plus vulnérables par l’Indice mondial des risques climatiques (IRC). Les catastrophes climatiques, qui touchent des millions de personnes au Pakistan, vont être de plus en plus nombreuses et de plus en plus graves. Aujourd’hui, ces inondations sont provoquées par des pluies torrentielles de 400 à 500 % supérieures à la normale et par la fonte des glaciers ; à l’avenir, c’est la pénurie d’eau qui fera peser un plus grand risque sur la survie de millions de personnes.
Les multiples crises liées au Covid-19, ses impacts économiques, l’exacerbation des difficultés pré-pandémiques et la hausse des catastrophes liées au climat sont déjà des raisons plus que suffisantes pour justifier l’annulation des dettes du Pakistan. Les terribles inondations qui ont frappé le pays ont rendu cette mesure encore plus urgente. Il serait tout à fait inhumain pour les prêteurs – publics et privés – de ne pas répondre à cette demande.
Une annulation immédiate de la dette est une demande minimale puisque le Pakistan n’est plus en mesure de rembourser ses prêts et que ces inondations ont aggravé la situation économique du pays
Dans de telles circonstances, une annulation immédiate de la dette est une demande minimale puisque le Pakistan n’est plus en mesure de rembourser ses prêts et que ces inondations ont aggravé la situation économique du pays. Dans le contexte actuel, compte tenu de la règle de l’ONU sur « l’état de nécessité », le Pakistan doit être autorisé à utiliser les fonds disponibles pour répondre aux besoins vitaux des 33 millions de personnes touchées par les inondations et non pour rembourser sa dette, sans être poursuivi pour manquement à ses engagements.
Enfin, et surtout, les pays riches doivent assumer une part proportionnelle à leurs responsabilités dans les actions mondiales en faveur du climat, afin de mettre un terme au changement climatique catastrophique dont le Pakistan est la pire victime. Il est grand temps de leur rappeler leurs obligations en matière de financement de la lutte contre le réchauffement climatique, afin de remédier aux pertes et aux dommages tels que ceux que subit actuellement le peuple pakistanais.
Notes
[1] https://epaper.dawn.com/DetailImage.php?StoryImage=02_09_2022_001_006
[2] Le Pakistan dans une spirale d’endettement parfaite avec les pires impacts de la pandémie
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