Édition du 17 décembre 2024

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Politique québécoise

Dix bonnes raisons pour dire non à la réfection de Gentilly-2

La reconstruction du réacteur nucléaire Gentilly-2 est une entreprise insensée à plusieurs niveaux.

Nous devons absolument arrêter ce projet, et nous précisons ici dix des meilleures raisons qui justifient, pour nous, cette prise de position.
Avant d’aller plus loin, il faut rappeler et insister sur le fait qu’il n’est pas trop tard pour agir. Malgré les annonces officielles, tout n’est pas joué. Hydro-Québec n’a pas encore obtenu de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) la revue de son Examen intégré de Sûreté (EIS). Les seules choses sur lesquelles Hydro-Québec travaille en ce moment sont l’agrandissement de l’aire de stockage de déchets, qui est nécessaire de toute façon, et la préparation ultérieure du projet de reconstruction.

1. Les études prouvant les impacts sérieux sur la santé

Plusieurs auteurs d’études internationales et canadiennes concluent que le nucléaire civil a des impacts sérieux sur la santé. Ces études montrent surtout une élévation des taux de leucémie et de mortalité par leucémie chez les enfants. S’il est vrai que cette incidence élevée n’a pas été notée clairement autour de Gentilly-2, cela est dû au fait que, le bassin de la population ciblée étant relativement petit, il est statistiquement très difficile de mettre en évidence une telle relation. Par contre, trois très grosses études récentes qui regroupent des millions d’individus vivant à proximité de 200 installations nucléaires démontrent hors de tout doute une association entre l’incidence de leucémies infantiles, la mortalité par leucémie et la présence d’une installation nucléaire, et ce, jusqu’à 15 km en périphérie des centrales1 .

2. Les risques de cancer

Les risques pour les travailleurs du nucléaire et leurs enfants sont également bien documentés au Canada et ailleurs dans le monde. Au Canada, il a été démontré pour ces groupes cibles et la population environnante une élévation de l’incidence de leucémies, de cancers du sein, du poumon, de la vessie, de la thyroïde et de malformations congénitales, et ce, de façon parfois statistiquement significative, parfois non2 . Une étude exhaustive3 fait état d’une élévation marquée des leucémies et des cancers solides chez les travailleurs du nucléaire au Québec, en Ontario et au Nouveau-Brunswick.

3. Le tritium produit par les CANDUS

Le tritium est produit en très grande quantité par les CANDUs (CANDU = Canadian Deutérium , Technologie mise au point par énergie atomique du Canada ; Gentilly-2 est une technologie CANDU). Le tritium est une forme instable d’Hydrogène qui peut s’associer à l’oxygène pour former une molécule d’eau radioactive qui a un pouvoir radiobiologique important. Elle s’intègre rapidement dans nos cellules, se lie à l’ADN et attaque les cellules en développement rapide causant parmi les animaux de laboratoire mutations, avortements spontanés, anomalies congénitales, et cancers.

Or, les niveaux de tritium tolérés dans l’eau potable au Canada sont trop élevés : (7000 Bq/L), comparés aux taux américains (740 Bq/L) et européens (100 Bq/L). Ceci est inacceptable. À titre comparatif, les agences de santé de la Californie et du Colorado préconisent la réduction des niveaux de tritium à 15 Bq/l pour la Californie et 18 Bq/l pour le Colorado. Au Canada, deux commissions gouvernementales (ACES et ODWAC) préconisent une réduction de la norme permise à 20 Bq/l.

4. Les problèmes de stockage à long terme des déchets nucléaires

Il n’y a au monde aucune solution satisfaisante pour le stockage à long terme des déchets nucléaires. Ils resteront radioactifs pendant des milliers d’années, et il est illusoire et prétentieux de penser que nous réussirons à faire des contenants qui résisteront pour d’aussi longues périodes. Tôt ou tard l’eau s’infiltrera et les produits radioactifs entreront dans l’écosystème.

Reconstruire Gentilly-2 ajouterait 2500 tonnes de déchets de combustibles irradiés aux 2500 tonnes actuellement entreposées de manière temporaire sur le site d’Hydro-Québec. Et que dire des milliers de tonnes des déchets radioactifs autres que le combustible irradié ? Le renouvellement de l’adhésion au nucléaire qu’implique la reconstruction de G-2 ferait du Québec, parmi les autres provinces qui ont des installations nucléaires, un candidat pour enfouir tous les déchets nucléaires canadiens de combustibles irradiés.

En effet, la Société de Gestion des Déchets Nucléaires (SGDN) mandatée par le gouvernement fédéral pour sélectionner ce site permanent confirme la possibilité que celui-ci pourrait se retrouver en territoire québécois. Par ailleurs, à moins que ne cesse la production de nouveaux déchets radioactifs, le concept de stockage géologique ne solutionnera aucunement les problèmes de sûreté découlant de la gestion temporaire. Le concept actuel proposé par la SGDN implique que pour des fins de refroidissement au moins 90% de la radioactivité des déchets de combustibles irradiés devront toujours rester à proximité des centrales.

Après les 7 à 10 ans de refroidissement sous l’eau, ces déchets devront être transportés sur de grandes distances, exposant à de réels dangers les populations habitants sur le passage de ces convois. En plus des risques d’accidents reliés aux différents modes de transport de ces déchets, il est important de noter que ceux-ci ont été identifiés comme d’excellentes cibles par les groupes terroristes.

5. Les activités polluantes de l’exploitation d’uranium

L’énergie nucléaire n’est pas une énergie « verte ». En plus des retombées polluantes découlant de l’opération de la centrale, l’exploitation, l’enrichissement et le retraitement de l’uranium sont des activités extrêmement polluantes, qui exposent dangereusement la population au rayonnement, qui détériore l’environnement de façon marquée et génère une quantité significative de gaz à effet de serre.
En territoire québécois, nous devons nous opposer à toute activité favorisant l’ensemble de la filière nucléaire de l’exploration-exploitation de l’uranium à la production électronucléaire et gestion permanente des déchets.

6. Les problèmes de sécurité des réacteurs CANDUS

Les réacteurs CANDU’s ont de sérieux problèmes de conception qui les rendent dangereux, ce qui a été reconnu par la CCSN. En effet, l’un de ces problèmes désigné sous l’appellation de « coefficient positif de réactivité », implique que s’il y a perte de liquide de refroidissement, la puissance du réacteur peut croître soudainement et causer une perte de contrôle du réacteur pouvant entraîner une fonte du cœur du réacteur.

Or, une nouvelle réglementation internationale préconise que les nouveaux réacteurs et ceux qui sont à reconstruire possèdent un coefficient négatif de réactivité afin que le réacteur puisse ralentir de lui-même et ne pas se détruire en cas d’urgence. Ce problème est majeur, comme l’a démontré l’accident de Tchernobyl en 1986, et n’a toujours pas été résolu par les ingénieurs d’Énergie Atomique du Canada. Notons que les deux nouveaux réacteurs de 10 mégawatt chacun, les MAPPLE’s. construits par ÉACL à Chalk River il y a quelques années, ont été jugés trop dangereux pour les opérer à cause d’un coefficient positif de réactivité.

7. Le risque d’accidents

Le risque d’accidents dans l’industrie persistera toujours. À la vitesse avec laquelle un tel accident peut survenir dans une centrale, il est impossible d’être certain que les systèmes d’urgence puissent réagir à temps pour éviter la catastrophe.

Il est admis que plus de 50% des incidents à risques répertoriés lors des opérations des centrales nucléaires sont d’origine humaine. Aucune autre industrie ne nous expose à des risques aussi gigantesques. Les compagnies d’assurance refusent d’ailleurs de prémunir leurs clients domestiques et commerciaux contre les risques d’origine nucléaire.

8. Un réacteur nucléaire n’est pas essentiel pour la production d’isotopes radioactifs

À l’encontre de la croyance populaire, un réacteur nucléaire n’est pas essentiel pour la production d’isotopes radioactifs. Des accélérateurs/cyclotrons situés à proximité des hôpitaux pourraient alternativement être construits à moins du dixième du coût requis par un réacteur nucléaire. Ils ne génèrent pas de déchets nucléaires et n’utilisent pas d’uranium hautement enrichi, celui qui s’utilise dans les bombes atomiques.

Ces faits ont été rapportés récemment par un groupe d’experts canadiens et le gouvernement du Canada en reconnaît la pertinence. L’Université de Sherbrooke possède d’ailleurs son propre cyclotron et a démontré sa capacité de produire les isotopes médicaux. L’opération de ce cyclotron fait la démonstration des avantages offerts par cette technologie. D’ici quelques années, il serait tout à fait possible d’en construire plusieurs au Canada.

9. Les coûts exorbitant liés à la réfection de la centrale

Les coûts estimés par Hydro-Québec pour la réfection de Gentilly-2 sont de 1.9 $ milliard de dollars. Ce montant n’inclut pas véritablement une évaluation pertinente pour la gestion de tous les déchets radioactifs. Or, toutes les analyses indépendantes aussi bien au Québec qu’à l’étranger prévoient plutôt des coûts beaucoup plus élevés (3 à 5 fois selon certains estimés).

Ces montants devront être absorbés par la société québécoise dont les finances sont déjà en mauvais état, avec comme conséquence possible un risque élevé d’une décote financière d’Hydro-Québec et du gouvernement. En 2005, le Ministère des ressources naturelles et le BAPE recommandaient une évaluation indépendante de celle proposée par Hydro-Québec.

10. Pas de pertes d’emplois liées à la fermeture de la centrale

Quelque huit cents personnes travaillent actuellement au site nucléaire de Gentilly. La société d’état a reconnu dans le passé qu’il n’y aurait pas chez Hydro-Québec de pertes d’emplois liées à la fermeture de la centrale. Pour Hydro-Québec, la relocalisation du personnel et l’attrition dû au départ des employés en fin de carrière éviteront les pertes d’emplois faussement attribués à l’arrêt du projet de réfection pour le bénéfice du déclassement du réacteur.

En plus des activités de mise en dormance de Gentilly 2 et des préparatifs nécessaires à son déclassement, un changement de mission à la réfection de G-2 rendrait possible le maintien et développement de nombreux et nouveaux emplois afin d’assumer de manière sécuritaire le déclassement et la gestion intérimaire des déchets radioactifs entreposés sur le site d’H-Q ainsi que le monitorage de la radioactivité durant les opérations de déclassement du réacteur tant sur le site nucléaire que sur l’ensemble du territoire québécois.

L’expertise en déclassement des centrales est une opportunité à ne pas négliger car un très grand nombre de centrales dans le monde sont vieillissantes et nécessiteront à court terme une expertise qu’Hydro-Québec et son principal sous-traitant, SNC-Lavalin, pourraient acquérir et exporter.

Le marché mondial du déclassement des infrastructures nucléaires civiles et militaires est évalué selon le journal Le Monde à 100 milliards de dollars. Cette opportunité, malheureusement non considérée par les gestionnaires d’Hydro-Québec, aurait entre autres comme avantage d’atténuer les risques à la santé des centaines de travailleurs qu’il est prévu d’affecter aux travaux de reconstruction du cœur du réacteur et du système caloporteur.

Rappelons qu’Ontario Power Generation (OPG) a décidé tout récemment de ne pas procéder à la réfection de quatre de ses réacteurs nucléaires à Pickering les jugeant périmés et trop coûteux à reconstruire. En contrepartie, le gouvernement ontarien a prévu d’investir 8 milliards de dollars dans le financement d’infrastructures de production de composants solaires et éoliens dédiés à son marché intérieur et à l’exportation. L’Ontario prévoit ainsi créer entre 20 000 et 50 000 emplois dans le secteur des énergies renouvelables.

En conclusion

Nous sommes donc d’avis qu’il faut agir rapidement pour faire sortir le Québec du nucléaire et promouvoir pour le Québec une alternative au nucléaire. À cet effet, une proposition issue du milieu municipal québécois est exemplaire. Elle exprime la vision d’un futur énergétique socialement responsable dans une résolution qui incite le gouvernement à mettre fin au projet de reconstruction de Gentilly-2, à prohiber l’exploration / exploitation de l’uranium au Québec et à interdire par une loi tout projet de gestion permanente de déchets radioactifs sur le territoire québécois pour se tourner résolument vers la conservation de l’énergie, l’efficacité énergétique et la production de nouvelles énergies d’une manière décentralisée par les énergies vertes.

Le maire Gaétan Ruest d’Amqui, initiateur de ce projet a déjà rallié en moins d’un an plus d’une centaine de municipalités à ce projet. Il nous faut promouvoir l’adoption de cette résolution dans nos municipalités respectives.

Par ailleurs, les orientations de la Stratégie énergétique du Québec (2006-2015) et le Plan stratégique 2009-2013 d’Hydro-Québec doivent être revues et corrigées pour tenir compte des dangers de toute la filière nucléaire. Nous devons exiger du gouvernement une vaste consultation populaire sur la pertinence ou non pour le Québec d’adhérer à l’ensemble de la filière nucléaire.

À cet effet rappelons cette recommandation du BAPE datant de 2005 :
La commission est d’avis que le sort de la centrale de Gentilly-2, au-delà du strict choix énergétique, constitue un choix de société et devrait reposer sur des valeurs prioritaires en matière de développement durable, dont le but ultime est l’amélioration de la qualité de vie de chacun.

D’avantage qu’une simple question d’énergie, il s’agit ici de choix fondamentaux de société, et cela ne peut et ne doit pas se décider derrière les portes closes du gouvernement, d’Hydro-Québec, et des compagnies intéressées. En préconisant l’abandon de la filière nucléaire civile le Québec joindra le rang des sociétés qui souhaitent offrir aux générations présentes et futures un monde sécuritaire et libre d’armement nucléaire.

Baker, 2007 – Mangano 2008 – Kaatsch 2008 [↩]
Clarke, 1989 – McLaughlin 1992 – Johnson 1991 – Green 1997 – Whitby 2007 [↩]
Zablotska, 2004 [↩]

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