Mais qu’entend-on par extractivisme ?
« Au départ, nous comprenons tous ce qu’est l’extraction des minerais de fer pour faire de l’acier, des voitures… Donc l’extraction, à priori, n’a rien de catastrophique. En réalité, si on regarde comment se font les extractions minières ou fossiles, on s’aperçoit que ce n’est pas bénin. Aujourd’hui quand on extrait du charbon, du pétrole, de l’uranium, des terres rares, on produit beaucoup de pollutions, d’expulsions, de dépossessions de territoires. Nous disons que l’extractivisme tel qu’il est pratiqué ressemble fort à un pillage. Les grandes compagnies ne paient pas la ressource, mais simplement le coût de l’extraction. Or, le pétrole, le charbon, le fer sont des biens communs. Elles ne paient pas non plus toutes les pollutions qu’elles engendrent. Donc, l’extractivisme, c’est d’abord un pillage ».
La machine s’emballe, l’observateur attentif se dit que celles et ceux qui dirigent les transnationales, nous conduisent droit dans le mur et eux avec nous. Comme le dit si bien Pierre Rabhi, ils vivent « hors sol ». Mais comment s’explique un tel cynisme ? « Nous sommes tous plus ou moins drogués à quelque chose, comme la course à pied, le shopping… Ils le sont aux profits, ils ont besoin de leur dose de profits et ils sont prêts à tout, y compris à détruire la planète sur laquelle leurs enfants, leurs petits enfants vivent ou vivrons. C’est une forme de folie du pouvoir, de l’argent » note Nicolas Sersiron.
Les populations spoliées de leurs droits
Cette course aux profits et au pouvoir semble illustrer le propos des écologistes et alternatifs qui parlent de projets inutiles destructeurs de la biodiversité, de la faune et de la flore et qui imperméabilisent les terres. « Un des moyens de faire des profits est de s’accaparer les territoires. Quand au Congo, au Brésil, on réalise de très grands barrages pour extraire le cuivre, la bauxite, cela ne profite pas aux populations autochtones. Nous assistons à la dépossession des biens communs au profit d’une minorité de personnes ». L’auteur évoque également le problème lié à la migration des populations « Il y a ceux qui fuient la guerre en Syrie ou en Irak, mais beaucoup et depuis longtemps remontent d’Afrique à cause de la misère. Ils n’ont plus rien, cela fait plusieurs siècles qu’ils leur volent leurs forêts, leurs terres, leur sous-sol… Ce sont les financiers qui achètent des terres ou les loue pour moins d’un euro par hectare et les peuples sont chassés dans les bidonvilles ». Nicolas Sersiron évoque aussi la dette illégitime « C’est un pillage des ressources financières quand vous êtes obligé de rembourser une dette dont vous n’avez pas profité. En France, nous sommes obligés de rembourser 45 milliards d’intérêts par an aux banquiers, est-ce légitime ? Avons-nous réellement profité, nous peuple français, de ces milliards accumulés ? A travers la TVA à 20%, même les plus pauvres remboursent une dette qu’ils n’ont pas contracté ».
Mais comment faire passer l’information quand un trop grand nombre de médias appartiennent à la finance ?
« Aujourd’hui si les médias, le gouvernement et la pub mentent, celui qui ne fait pas un travail personnel de recherche pour comprendre ce qui se passe est manipulé. Les gens qui travaillent sont « surbookés », on les stresse à fond pour qu’ils produisent un maximum dans un minimum de temps. Ceux qui n’ont pas d’argent sont désocialisés. Je ne vois pas comment ils pourraient trouver le temps d’effectuer des recherches comme je l’ai fait pour écrire ce livre ».
« L’agriculture productiviste ne nourrit pas le monde »
Mais que pouvons-nous penser du développement de l’agriculture intensive qui soi-disant a été conçue pour éradiquer la faim dans le monde ?
« Aujourd’hui l’agriculture productiviste ne nourrit pas le monde, elle l’affame. Elle exporte des produits subventionnés vers les populations de l’Afrique du Sud et les affame et elle rend malade celles des pays du nord. Un tiers de la population mondiale ne mange pas suffisamment pour avoir une vie active et un tiers est en surpoids. Quant à l’obésité, c’est une maladie. Ce ne sont pas des gens qui mangent trop mais qui sont rendus malades par les pesticides, les perturbateurs endocriniens, le sucre, le sel, les mauvaises graisses. Aujourd’hui, nous sommes dans une guerre de la finance contre les peuples, ce qui se passe en Grèce en est la preuve. Nous devons considérer que nous sommes des résistants. Pendant la guerre de 1940, ils résistaient au rouleau compresseur du fascisme, s’ils ne le faisaient pas, ils allaient se faire tuer. Je pense que nous sommes dans le même cas, si nous ne résistons pas, le monde va basculer avec des inégalités croissantes. »
Pour un autre modèle de société
L’auteur de « Dette et extractivisme » est partisan de la décroissance des inégalités « Quand on parle de croissance, cela veut dire plus de profits pour un certain nombre d’entre nous et moins pour d’autres. Quand on pille le cuivre en Zambie, ce ne sont pas les zambiens qui en profitent. La croissance économique, c’est le réchauffement climatique. Personne n’est capable de dire dans les sphères dirigeantes, non la croissance du réchauffement climatique, ce n’est pas possible. Il faut mettre en place une autre politique, une autre économie que celle fondée sur la compétition. Il faut faire décroître les inégalités, décroître notre consommation d’énergies fossiles qui réchauffent la planète à toute vitesse. Au rythme actuel, nous allons vers une augmentation des températures de 4 à 5 degrés d’ici la fin du siècle. Il faut prôner une autre vie qui ne soit pas fondée sur la compétition et l’accumulation, mais sur le partage, la générosité, la gratuité, la solidarité, le collectif. Il faut arrêter l’agriculture productiviste qui réchauffe la planète. Selon l’association GRAIN, notre agriculture productiviste et l’alimentation industrielle, c’est entre 44 et 57% du réchauffement climatique. Il faut sortir de cette agriculture extractiviste ».
Pourrons-nous sortir de cette impasse en changeant nos habitudes de consommation et en évitant de tout acheter dans les hyper marchés ? Ne faudrait-il pas subventionner et utiliser les circuits courts ?
Source : E-volutions Mag