Si, en soi, la construction d’un nouvel amphithéâtre à Québec et le retour éventuel d’une équipe de la Ligue nationale de hockey dans la Vieille Capitale ne semblent pas poser problème pour une majorité de Québécois, c’est la manière de faire les choses qui dérange et soulève des questions.
Loin de concerner strictement les citoyens de la ville de Québec, le sujet est d’intérêt pour l’ensemble des Québécois. En effet, le gouvernement Charest s’est engagé à verser 200 millions de dollars pour la construction de l’amphithéâtre et le projet de loi visant à protéger l’entente entre la Ville de Québec et Quebecor Media contre toute contestation judiciaire, une fois adopté par l’Assemblée nationale, pourrait inciter d’autres élus municipaux à imiter le maire Labeaume.
Les échanges en commission parlementaire sur le projet de loi 204 ont mis en lumière deux enjeux fondamentaux : le bien-fondé, en termes d’intérêt public, de l’entente de gestion entre la Ville de Québec et Quebecor Media d’une part, et la légitimité d’une loi d’exception visant à bâillonner, au plan juridique, les citoyens d’autre part.
Le financement de 200 millions de dollars, accordé par Québec pour la construction de l’amphithéâtre, devait servir à doter Québec d’un équipement collectif au service des citoyens et non pas à aider une entreprise privée à attirer un club de hockey sur lequel compte Quebecor pour assurer le succès de sa nouvelle chaîne spécialisée en sports. Or, tout l’argumentaire du maire de Québec et du président de Quebecor pour défendre leur dossier réduisait le projet à ce seul aspect. Or, si l’amphithéâtre de Québec doit servir essentiellement à loger une équipe de la LNH on voit mal pourquoi ce sont des fonds publics qui devraient servir à en défrayer le coût de construction, alors que le Centre Bell à Montréal a été financé exclusivement par des fonds privés.
C’est d’ailleurs au nom de l’intérêt public que des citoyens de la Vieille Capitale se sont adressés aux tribunaux pour contester la légalité de l’entente entre la Ville de Québec et Quebecor Media. Non seulement considèrent-ils préjudiciable pour les concitoyens la teneur même de l’entente, mais aussi le processus utilisé pour y parvenir. Les opposants soutiennent en effet que la façon de procéder pour aboutir à cet accord ne respecte pas les dispositions de la Loi des cités et villes concernant les appels d’offres.
Le projet de loi 204, dans sa formulation actuelle, mettrait à l’abri des contestations judiciaires, non seulement l’entente de principe entre la Ville de Québec et Quebecor, mais aussi tous les contrats, même ceux à venir, découlant de cette entente. Dans ces conditions, on ne peut que saluer la fin de non recevoir opposé par le député Amir Khadir à l’égard de ce projet de loi et comprendre le malaise manifesté par des députés de tous les partis d’opposition pressés d’adopter une loi dont l’importance et l’urgence étaient loin d’être évidentes.
Les hommes et le femmes politiques se plaignent avec raison de l’image négative que se font d’eux beaucoup de citoyens Les élus qui se sont prêtés avec complaisance et désinvolture à une opération précipitée pour entériner un projet aussi discutable et le soustraire à un véritable examen auront, malheureusement, contribué à renforcer cette image.
Luc Dufresne et Jean-Claude Landry
(Cette article nous a été envoyée par la Gazette de la Mauricie. Nous les en remercions. Presse-toi à gauche)