Édition du 17 décembre 2024

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Québec

Demander l'aide sociale à 18 ans, un projet de vie ?

Depuis le dépôt du projet de loi 70, les deux ministres de l’Emploi et de la Solidarité sociale qui se sont succédé, messieurs François Blais et Sam Hamad, ont justifié l’introduction du Programme objectif emploi par l’idée qu’il faut briser le cycle de la dépendance à l’aide sociale.

L’auteur est porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté.

Ils argumentent, notamment, que ce n’est pas normal qu’un jeune de 18 ans, issu d’une famille vivant de l’aide sociale, ait comme « projet de vie » d’être à l’aide sociale. Rétablissons quelques faits.

Qui est ce jeune ?

Dans les quelque 317 000 ménages à l’aide sociale, il y a environ 52 000 familles avec enfants. Parmi ces familles, 72 % sont monoparentales. On peut donc affirmer que ce fameux jeune de 18 ans provient d’une famille monoparentale et qu’il vit avec sa mère.

Il n’est évidemment pas aux études à temps plein, puisque si c’était le cas, il n’aurait tout simplement pas droit à l’aide sociale. Il s’agit d’un jeune qui a, au mieux, un secondaire 5. Cela correspond bien aux statistiques de l’aide sociale qui démontrent que la très grande majorité des adultes assistés sociaux n’ont aucun diplôme ou un diplôme d’études secondaires.

Ce jeune n’a pas d’emploi ou il occupe un emploi précaire qui ne lui permet pas de subvenir à ses besoins. En effet, s’il travaille, c’est moins de 15 heures par semaine et au salaire minimum. Cela n’est pas étonnant étant donné sa scolarité.

Qu’arrive-t-il quand ce jeune a 18 ans ?

Le jour où cet enfant d’une famille monoparentale a 18 ans, sa famille n’existe plus, du moins aux yeux du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Il s’agit maintenant de deux adultes qui vivent ensemble.

Si le jeune ne fait pas une demande d’aide sociale, le revenu de cette « ex-famille » passe de quelque 1 500$ par mois à environ 850$.

Pourquoi ? Parce que le parent voit son revenu diminuer d’environ 650$ : il n’est en effet plus admissible aux différents programmes de soutien du revenu pour enfants, en plus de l’allocation logement. Si le jeune de 18 ans fait sa demande d’aide sociale, ces deux adultes, maintenant colocataires, se retrouveront avec un revenu mensuel combiné de plus ou moins 1 500$.

Demander de l’aide sociale à 18 ans : culturel ou structurel ?

Que peut-on en conclure ? Contrairement aux ministres de l’Emploi et de la Solidarité sociale, le Collectif ne considère pas qu’un jeune de 18 ans dépose sa première demande d’aide sociale parce qu’il a acquis la « culture de dépendance » de sa famille. C’est d’abord et avant pour une stricte question économique.

La cause de cette première demande est de nature structurelle et non culturelle. Qualifier ce geste de culturel est tout simplement mensongers et nuit grandement aux personnes assistées sociales en renforçant les préjugés à leur égard.

Avec un revenu mensuel de 850$, ces deux adultes n’ont même pas la moitié du minimum requis (moins de 40 % en fait) pour couvrir leurs besoins de base afin de vivre en santé, selon la mesure du panier de consommation. Deux choix s’offrent donc à ce jeune de 18 ans, priver sa famille de manger ou « piler sur son honneur » et déposer sa première demande d’aide sociale.

On pourrait dire dans ce cas que la faim prend le dessus sur l’orgueil.

Comme la cause est structurelle, c’est sur ce plan que devrait travailler le ministre au lieu de propager des préjugés à tout vent. On dira alors que la réalité prend le dessus sur le préjugé.

Serge Petitclerc

Porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté

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