Ce dernier étant l’apanage du caractère thésauriseur d’un individu, généré de fait par la découverte chez l’enfant qu’il est propriétaire de ses déchets et de sa matière fécale. Idem de la possibilité qu’il a de les retenir ou de les libérer, tout comme le religieux rapport « conjugo-relationnel » que certains bonzes du capitalisme libéral entretiennent langoureusement avec leurs avoirs financiers. D’où l’équivalent entre le lien que noue l’enfant avec sa matière fécale et celui que noue l’homo financiarus avec sa matière pécuniaire. « L’argent, c’est de la merde ! », nous dit précisément Freud – donc il appert vraisemblablement qu’il aimait beaucoup la merde pour soutirer autant d’argent à ses patients escroqués, floués et trompés.
Ainsi, pour revenir à Reich, quand on fabrique un caractère anal, on fabrique ipso facto un caractère thésauriseur, avare, constituant de la sorte une cartographie symptomatique de la classe dominante qu’est la haute bourgeoisie issue de la pyramide sociale marxienne – et de leurs clones aliénés, prétendants au trône, confinés pour l’instant en dessous de la frontière qui les distingue. Conséquemment, on taille une civilisation occidentale (majoritairement capitaliste pour le coup !) produite sur ce schéma anal : propriété, contention et/ou exploitation des matières (qu’elles soient fécales ou premières… c’est selon), fabrication d’individus foncièrement scatophiles, etc.
En toute humilité, je considère que cette thèse est pour le moins risible, voire fumeuse. Car il serait certes simpliste de tenter d’expliquer le caractère hautement cupide de beaucoup trop de gens que par l’analyse hermétique de la fourchette existentielle à l’intérieur de laquelle s’est enraciné leur stade anal freudien avant qu’ils atteignent l’âge de 2 ans. Or il ne faut quand même pas faire abstraction d’une constellation de déterminismes existentiels (historique, géographique, socio-économique, culturel, familial, religieux, politique, sexuel et sexué, biologique, neurologique, psychologique, etc.) modelant corollairement et consubstantiellement la configuration subjective, singulière, personnelle et individuelle de tout un chacun. Bien que la mise en parallèle, voire le tableau comparatif (que j’admets un peu caricatural) semblent tout de même intéressants à brosser. Surtout que notre civilisation, qui nous apparaît de plus en plus être à la ligne de départ de la course à la banqueroute, s’effrite et se laisse submerger entre autres par ses Appareils idéologiques de l’État (L. Althusser), en l’occurrence soumis aujourd’hui au monde licencieux de l’économisme néolibéral planétarisé. On peut d’ailleurs facilement le constater, en visionnant ne serait-ce que quelques minutes par jour l’actualité internationale, à quel point les nombreuses brèches structurelles immanentes au système, où la loi du marché a préséance, font ressurgir perpétuellement les contradictions et antagonismes inhérents au Capital. À l’écart de Freud qui affirme hypocritement que la merde et l’argent sont d’une même nature, je me positionne plutôt du côté de Marx qui soutient que « L’argent, c’est l’autre homme » : celui qui a le pouvoir (donc pas inévitable) métapsychologique de nous déposséder de nous-mêmes, de nous aliéner, de nous déshumaniser, de nous narcissiser, de nous désensibiliser, etc.
Dans le même ordre d’idées que Michel Onfray, philosophe, je persiste à croire qu’il faut soumettre l’économique à la politique, qu’il faut mettre la politique au service de l’éthique, et tout comme Max Weber, qu’il faut se pétrir d’une éthique de conviction plutôt que d’une éthique de responsabilité et d’intérêts intéressés. Mais bon, si jamais vous aviez envie de faire des enfants – ce que personnellement, je recommanderais à très peu de gens – tentez de ne pas trop les forcer au pot avant l’âge de 2 ans, car sinon, cette oppression anale se métamorphosera plus tard en comportement scatophile, déviant et obsessionnel (qui aujourd’hui fait légion), et entraînera l’enfant à substituer ses matières fécales d’antan à la possession de l’archétype de la réussite sociale actuelle, de cet amour inconditionnel pour la merde néolibérale : l’argent.