En janvier 2008, des milliers d’éleveurs ont défilé à Madrid à l’appel de la Coordination des organisations des agriculteurs et éleveurs (COAG), exigeant des solutions concrètes pour résoudre la crise que le secteur traverse. La COAG a souligné que le principal problème résidait dans la hausse du prix des aliments, pendant que la tendance des prix d’achat aux producteurs était à la baisse.
Une situation qui menace la viabilité de 400 000 fermes petites et moyennes du fait de l’impossibilité de transférer l’augmentation de leurs coûts de production sur leurs prix de vente. Au début de mai 2008, une dizaine de milliers d’agriculteurs et éleveurs ont manifesté à Madrid pour exiger du gouvernement une nouvelle loi sur les marges commerciales, qui limiterait la différence entre le prix payé au producteur et celui payé par le consommateur, car on note actuellement entre les deux un accroissement moyen de 400 %.
La grande distribution réalise ainsi des superprofits au détriment des producteurs et des consommateurs.
À la fin mai 2008 plusieurs milliers de pêcheurs se sont rassemblés devant le siège du Ministère de l’environnement et des collectivités rurales et marines, à Madrid, pour protester contre la hausse continue du prix des carburants et l’absence de subventions (le pétrole a augmenté de 320 % en cinq ans, alors que le prix de vente des poissons est stable depuis vingt ans).
Au cours de la manifestation les pêcheurs ont distribué vingt tonnes de poisson frais. La situation actuelle du secteur rend la pêche quasiment intenable. Les transporteurs se sont joints également aux protestations, bloquant les autoroutes et les routes, en raison de la hausse du prix du diésel, qui atteint déjà 50 % de leurs coûts.
Et on pourrait poursuivre de tels exemples.
Au cours des dernières années les prix des produits qui sont à la base de notre alimentation n’ont pas cessé de grimper. Ainsi, selon les données publiées par le Ministère espagnol de l’industrie, du tourisme et du commerce, au cours de l’année 2007 le prix du lait s’est accru de près de 26 %, celui des oignons de 20 %, celui de l’huile de tournesol de 34 %, celui de la viande de volaille de 16 %…
Il en va ainsi de la majorité des produits alimentaires, alors que l’indice officiel des prix à la consommation n’a grimpé que de 4,1 % au cours de la même année. Il est évident que les effets de la crise alimentaire sont difficilement comparables au Nord et au Sud de la planète.
Au Nord les achats de nourriture ne concernent qu’entre 10 % et 20 % des revenus alors que cette proportion atteint dans les pays du Sud 50 % à 60 %, voire même jusqu’à 80 %.
Il n’en reste pas moins très important d’identifier l’impact de cette augmentation des prix, y compris dans le Nord, alors que les profits des multinationales continuent à augmenter et que les gouvernements plaident en faveur d’une libéralisation économique encore plus grande.
La situation de la paysannerie s’aggrave chaque jour.
Au cours des dix dernières années, dans l’État espagnol on a assisté à la disparition de près de dix exploitations agricoles par jour. La population paysanne s’est réduite de 5,6 % et elle est composée en majorité de personnes âgées.
En extrapolant ces chiffres, la Fundació Terra a estimé que l’État espagnol sera amené à importer 80 % des aliments nécessaires pour nourrir sa population dans quinze ans [28]. Le revenu agricole n’a pas cessé de diminuer, atteignant aujourd’hui 65 % du niveau du revenu moyen.
Cela n’a rien de surprenant lorsque, par exemple, en 2005 l’indice des prix à la consommation a augmenté de 4,2 % alors que les prix de vente des produits agricoles ont diminué, une tendance qui se répète d’année en année. Le prix agricole peut être multiplié par onze avant d’être acheté par le consommateur et on estime que plus de 60 % du bénéfice réalisé se concentre dans l’ultime maillon de la chaîne : le supermarché.
Esther Vivas, journaliste et sociologue, membre de la direction de Izquierda Anticapitalista (Gauche anticapitaliste, État espagnol), est militante de la IVe Internationale.
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