Édition du 19 novembre 2024

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Féminisme

Carnaval de Québec

Couronnement du recul des droits des femmes

Vendredi soir le 31 janvier lors de la soirée du couronnement de la reine du carnaval, des activistes féministes ont fait une action afin d’exprimer leur désaccord avec le retour des duchesses du Carnaval.

Elles ont crié les slogans :

◾Ni duchesses Ni princesses ! Faites pas d’argent sur nos fesses !

◾Au rancart tous les standards ! Carnaval patriarcal !

Quand on voit la couverture médiatique qui est faite à l’action des activistes des Femen, qui a eu lieu dans la même heure, on comprend bien ce qui avoir décidé des femmes à recourir à tels moyens pour faire entendre leur message.

Le silence total, l’indifférence complète à l’égard de l’expression somme toute tranquille du message féministe hier soir, tant de la part des médias que du Carnaval, nous laisse songeuses…

Voici le communiqué du Collectif Subvercité, envoyé à la presse


Communiqué

Ni duchesses, ni princesses, au rancart tous les standards ! Non au retour des duchesses !

Le Collectif Subvercité s’oppose au retour des duchesses pour les raisons
suivantes :

Nous dénonçons le caractère sexiste et âgiste de l’événement qui limite au sexe et à l’âge le droit de participer au concours des duchesses, recherchant dans les faits de belles jeunes femmes parce que ce type de personne fait vendre. C’était ainsi en 1955 et c’est toujours le cas en 2014.

Nous dénonçons l’hypocrisie du Carnaval qui ramène avec candeur une tradition d’un temps que l’on veut révolu et qui nous rattrape sans cesse. Le Carnaval s’excuse innocemment de ne pas contenir de volet social et de viser simplement le plaisir ; nous lui reprochons de traiter les femmes comme des objets de promotion et de ne pas prendre en compte les dommages envers toutes les femmes et les filles que ce choix entraîne. On peut tout à fait s’amuser dans une société égalitaire ; par contre, on ne s’amuse pas au détriment des femmes et des filles.

Nous dénonçons l’utilisation de l’image des femmes à des fins marchandes et populistes, c’est-à-dire pour relancer la popularité et l’équilibre financier d’un Carnaval devenu impopulaire et déficitaire. Il s’agit d’une stratégie de marketing puisque les femmes servent à représenter et à financer le Carnaval. Cette stratégie a pour conséquence de renforcer l’idée que les femmes sont des objets interchangeables, des marchandises, des biens de consommation ou de promotion.

Nous dénonçons le caractère stéréotypé du choix des candidates et de la représentation des duchesses faite par le Carnaval. Nous dénonçons le modèle unique formaté en fonction de critères associés à la « féminité », modèle irréel qui force les femmes et les filles à adopter certains comportements dits « féminins » et à en rejeter d’autres, qui leur demande de multiplier les interventions sur leur corps et de prêter une attention constante à leur apparence physique, modèle qui devient intériorisé par les femmes et les hommes comme une norme à atteindre, modèle qui entraîne un jugement négatif des personnes qui y dérogent et qui exerce une pression dommageable sur la santé des femmes et des filles et dont les conséquences sont souvent sous-estimées. Ce modèle nous emprisonne, nous appelons à une grande diversité de représentation des femmes !

Nous considérons que le retour des duchesses s’inscrit dans un contexte et participe au recul des droits des femmes ici comme ailleurs. Ce retour des duchesses s’inscrit dans un contexte qui le dépasse où les acquis féministes sont plus que jamais fragilisés par la montée des intégrismes religieux, des groupes masculinistes et des idéologies conservatrices et néolibérales qui menacent nos droits humains tandis que la violence symbolique sexiste est en augmentation dans l’espace public, médiatique et virtuel avec l’objectivation, la marchandisation et la pornographisation
des femmes et des filles. Ce n’est pas pour rien que le Carnaval avait abandonné l’idée des duchesses dans les années 90 et que c’est précisément dans le contexte actuel qu’il se permet de les relancer. C’est pour les femmes d’ici une attaque de plus dans une chaîne croissante d’attaques contre nos acquis. Dire oui aux retour des duchesses, c’est dire oui à un retour en arrière.

Nous dénonçons enfin le retour à cette tradition sexiste, comme s’il fallait célébrer les traditions de la société patriarcale des années 50 et 60 : c’est-à-dire nos inégalités de droits et de faits ! Le Carnaval nous invite à célébrer un morceau des nombreuses oppressions que vivaient nos mères et nos grands-mères alors qu’elles ne pouvaient pas encore dépenser l’argent qu’elles gagnaient sans l’autorisation de leur mari. Interdites dans toutes les sphères de pouvoir de la société, c’est par l’apparence physique qu’une femme pouvait aspirer à se tailler une place dans la
société comme à la tête d’un duché. Qui pourrait s’amuser à se remémorer de telles traditions ?

Collectif Subvercité

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