Note : plus de 300 personnes du milieu ont signé cette lettre. Voir la liste en fin d’article.
La réalité, c’est que malgré une augmentation de 25 % des budgets en culture dans les dernières années, la moyenne salariale des artistes n’a pas bougé de façon significative depuis 30 ans. Elle est aujourd’hui de 20 787 $, soit 4500 $ de moins qu’un travailleur au salaire minimum. Si nous écartons le 1 % des artistes qui gagnent 200 000 $ et plus, nous dégringolons à un revenu moyen de 16 911 $… 15 000 $ sous le seuil de la pauvreté… Les créateurs de chez nous ne cessent de s’appauvrir et galèrent de plus en plus pour pouvoir exercer leur métier avec dignité.
Une question devient alors pressante et inévitable :
Quel est donc le parcours que suit le financement public, si précieux et vital pour notre culture, de la main de l’État, en passant par les producteurs et les diffuseurs, jusqu’aux créateurs à qui le public doit les œuvres qu’il regarde, lit ou entend ?
La réponse à cette interrogation fort simple est d’une ambiguïté et d’une complexité qui, croyons-nous, n’a pas lieu d’être. Il est impératif de comprendre les rouages de l’attribution des subventions et de la gestion des budgets. Qui dit trésor public dit comptes à rendre.
Nous ne doutons pas de la bonne foi de la plupart des intervenants du milieu culturel.
Mais force est de constater que pour certains d’entre eux, le financement de nos gouvernements en culture semble devenir une manne lucrative au détriment du bien-être de trop nombreux artistes sans lesquels ils ne sauraient exister.
Questions sans réponses
Voici en rafale quelques questions cruciales, parmi bien d’autres, qui braquent les projecteurs sur ce qui ressemble à des contradictions, voire des apparences de conflits d’intérêts :
– Comment des compagnies de production, qui vivent presque uniquement grâce à de l’argent public, peuvent-elles devenir si lucratives que des consortiums dûment cotés en bourse les achètent ?
– Comment sont gouvernées nos principales institutions subventionnaires (SODEC, CALQ, Téléfilm, Musicaction, etc.) dont les administrateurs, souvent producteurs, peuvent occuper plusieurs sièges simultanés au sein des différents conseils d’administration ?
– Comment des boîtes de production qui demandent des subventions peuvent-elles se retrouver à siéger à des CA d’institutions qui leur accordent ces mêmes subventions ?
– Pourquoi certaines compagnies se voient-elles accorder systématiquement, année après année, des enveloppes discrétionnaires récurrentes, amaigrissant ainsi la part attribuée aux petites compagnies qui peinent à obtenir du financement ? Bref, comment se fait-il que l’argent public soit accaparé par une poignée d’entreprises culturelles, alors qu’une plus grande diversité d’entreprises pourrait s’épanouir et proposer des projets innovants avec le même argent ?
– Pourquoi est-il si difficile de tracer le parcours que suit l’argent public en culture ?
Au regard de ces questions qui demeurent sans réponses, il n’est pas étonnant que les créateurs se sentent de plus en plus floués et impuissants. À un point tel qu’une grave crise de confiance face aux institutions est en train de se dessiner dans la communauté artistique. Tout le monde gagnerait à obtenir plus de transparence.
C’est sans compter les autres problèmes importants que le milieu culturel doit affronter sans délai.
Pensons aux GAFAM qui sont venus en quelques années seulement vampiriser les revenus des artistes en utilisant de façon éhontée leurs œuvres ou leurs performances sans payer (ou si peu) de redevances.
L’exemple de la musique est criant. Une entreprise comme Spotify ne verse pratiquement rien à des artistes dont les œuvres peuvent jouer des centaines de milliers, voire des millions de fois sur sa plateforme. Pourtant, la même entreprise exige un abonnement fort lucratif pour nous permettre d’écouter ces mêmes œuvres.
Ajoutons à tout ça l’émergence fulgurante de l’intelligence artificielle qui « apprend » en observant, en écoutant et en copiant des œuvres, des voix, des mouvements d’artistes en chair et en os dans le but de se substituer à eux… et nous avons le dernier ingrédient pour nous concocter une fantastique catastrophe qui ne pourra qu’affaiblir gravement notre culture à long terme.
Est-il besoin de plus d’arguments pour convaincre nos gouvernements d’inviter tous les intervenants du milieu de la culture à des états généraux ? Que ce soit en littérature, théâtre, danse, arts visuels, musique, audiovisuel, un grand questionnement collectif s’impose afin de réfléchir à l’avenir de notre riche écosystème culturel, de trouver des solutions aux écueils qui le guettent, de libérer la parole et redonner un tant soit peu de dignité aux artistes qui en constituent le fondement brut.
C’est une question d’identité, de sauvegarde et de pérennité.
La culture est un bien essentiel.
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