Édition du 17 décembre 2024

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Québec

Consultation bidon sur la nouvelle politique énergétique du Québec

Le mépris de la classe politique envers la population semble atteindre de nouveaux sommets avec la nouvelle consultation (http://www.politiqueenergetique.gouv.qc.ca/accueil/) sur la prochaine politique énergétique du Québec.

Je ne vais pas mâcher mes mots : on se moque de nous en ce moment et quiconque s’intéresse sincèrement aux enjeux environnementaux peut voir cette « consultation » pour ce qu’elle est réellement : un show de boucane pour donner le feu vert à l’exploitation des énergies fossiles au Québec.

Et j’aimerais être plus nuancé dans ma critique, mais les agissements du Parti libéral laissent peu de place à l’interprétation. Ceci dit, et seulement à des fins de conversation, observons en quoi cette consultation bidon est si honteusement, fâcheusement, ridiculement bidon.

Une première tentative

En 2013, le ministère des Ressources naturelles sous le Parti Québécois annonce une consultation sur les enjeux énergétiques du Québec. On se comprend, ce n’était pas la première consultation sur le sujet, mais pour une fois, il semblait que celle-ci traiterait des enjeux énergétiques (ex : hydroélectriques, pétroliers, gaziers, éoliens) à la lumière des enjeux environnementaux d’aujourd’hui, notamment la lutte aux changements climatiques.

Cela faisait longtemps que le mouvement environnemental demandait un réel débat de société sur les questions énergétiques au Québec. Un exercice essentiel si nous voulons éviter, en tant que province, de se développer à l’aveuglette, comme une sorte de bar open sur un modèle néocolonialiste, au grand plaisir des lobbies d’industries extractives.

Nous avons été nombreux-ses à y voir l’opportunité de se poser collectivement ces questions brûlantes. À travers 47 séances à travers la province, plus de 460 mémoires, dont celui du Réseau québécois des groupes écologistes auquel j’ai participé, ont été transmis à la Commission. Et quoique le rapport final de 310 pages ne réunissait pas toutes nos demandes, il fut, à notre heureuse surprise, très rigoureux, sensible à la réalité physique du monde et, qui plus est, rempli d’audace.

Au terme de nos travaux, il ressort clairement que le principal défi énergétique du Québec n’est plus d’assurer la sécurité d’approvisionnement. Notre société doit plutôt résolument mettre le cap sur la réduction de la consommation d’hydrocarbures fossiles et sur une utilisation optimale des différentes formes d’énergies afin d’en maximiser les avantages économiques pour la population, les entreprises et les régions, dans le respect des principes du développement durable. Nous proposons une approche basée sur la maîtrise de l’énergie.

Ce n’est pas rien. Et pour tout vous avouer, le contenu avait de quoi ébranler le cynisme des écologistes.

"Here we go again"

Malheureusement, peu après le dépôt du rapport, le nouveau gouvernement renvoie tout ce travail aux oubliettes. Le ministre Arcand se défend de tabletter le rapport et dit qu’il va s’en inspirer. Ah bon ?

Parce qu’en juillet, il annonce devant le ô combien vertueux Conseil patronal de l’environnement une toute nouvelle consultation pour faire table rase de l’ancienne. Son excuse : il faut parler de tout ça plus longuement pour dégager des consensus. On aime ça jaser !

Mais attention, cette fois-ci, pas question de faire une cinquantaine de séances et recueillir des centaines de mémoires, tout ça c’est long et fastidieux, puis à quoi bon si tout est décidé d’avance ?

Après un début plutôt cahoteux, les conditions de consultation sont annoncées : trois journées de panel, un blogue et des lettres ouvertes.

Trois options s’offrent à vous :

 Se déplacer à une des trois journées-spectacles et attendre en soirée pour placer une (1) question, et ce en cinq (5) minutes maximum. Mais attention, il faut s’inscrire à l’avance pour gagner la chance de pouvoir s’exprimer.

 Poster un commentaire sur le blogue lié à une des trois journées-spectacles. Et pourquoi pas un Tweet, tant qu’à y être ? OMG Gouv Qc drop le pétrole c’est so 1972. Efficacité énergétique 4ever. #YOLO #ArcandForPrez #Jemexprimeendémocratie

 Envoyer une lettre ouverte. Quoi, vous vouliez pousser l’absurde et envoyer le même [ostie de] mémoire qu’en 2013 ? On n’accepte que les lettres ouvertes. Vous savez, ces textes d’environ 1000 mots qu’on publie parfois dans les journaux ? Qui ressemblent à des billets de blogues ? Ça tombe bien, la gestion des écosystèmes biophysiques c’est vraiment juste une question d’opinion.

Mon doigt mouillé dans ton oreille

Y’en a marre des consultations bidons. Vous savez, on a des droits. Des droits humains. Comme le droit à l’autodétermination, le droit à l’environnement, le droit à l’information. Et il y a déjà beaucoup de travaux ont été faits pour baliser ce qui constitue un véritable processus de prise en charge collective de gestion du territoire, pensons seulement à la Convention d’Aarhus.

Mais le consentement, ça se manufacture et ça se force. Au Québec, au lieu du respect des droits humains et d’un vrai consentement libre et éclairé, on a droit à différentes campagnes d’acceptabilité sociale, toutes avec pour seules finalités de calmer le jeu et diviser les communautés. Des relations publiques, quoi.

Et en attendant que le modèle de consultations publiques change, on a l’impression de revivre une espèce de reproduction sophistiquée de bullying à la petite école :

 Bonjour ! Je vais mettre mon doigt mouillé dans ton oreille. As-tu envie qu’on en parle avant ?

 Pas vraiment, je préférerais surtout que tu t’abstiennes. Ça me semble vraiment désagréable.

 Oh, mais tu connais le proverbe : qui ne dit mot consens ! Puis tu devrais me remercier de t’adresser la parole avant de te mettre un doigt mouillé dans l’oreille, hein, c’est du gros luxe. Y’a des pays où ils te disent rien du tout.

 Bon, d’accord... alors je t’informe officiellement que je ne veux pas que tu me mettes un doigt mouillé dans l’oreille. Je refuse. Merci, mais non merci.

 Ah, je suis désolé, la question était comment je vais te mettre mon doigt mouillé dans l’oreille, pas pourquoi. Tu comprends, on n’est pas là pour se poser des questions existentielles. Alors tu veux l’index ou le majeur ?

 Mais j’ai pas envie d’avoir un doigt - n’importe quel doigt - dans l’oreille, moi ! Puis mouillé, en plus, ouache ! C’est quoi ton problème ?

 Pourtant, j’ai ici tout un panel d’experts en la matière de doigts, de salive et d’oreilles et ils m’assurent que c’est vraiment un excellent projet. Puis en plus, ça crée de l’emploi.

 Comment ça, des emplois ? C’est quoi ces @$ ?*£$ de niaiseries là ? Non, c’est non !

 Je m’excuse, ton temps est écoulé ! Mais merci d’avoir participé à la consultation. Ton opinion est importante pour nous... maintenant, arrête de gigoter.

Et j’exagère à peine.

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