Édition du 1er avril 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Congrès du Nouveau Parti Démocratique : le scénario européen comme perspective ?

Le NPD vient de tenir son congrès à Vancouver. C’est maintenant l’opposition officielle à la Chambre des communes. Il peut maintenant affirmer haut et fort, sans faire rire, qu’il vise à en prendre le pouvoir en 2015. Jack Layton a d’ailleurs affirmé que la préparation de la prochaine campagne électorale était déjà amorcée.

La direction Layton est bien en selle. Pour lui, la vague orange qui a réussi à obtenir 4,5 millions de votes en 2011 devra se poursuivre jusqu’en 2015. Pour la direction, il faudra opérer un recentrage du parti, abandonner l’étiquette « socialiste » qui traîne encore dans le préambule du parti. En fait, il y a bien longtemps que toute référence au socialisme n’est qu’une étiquette sans fondement (voir l’article de Murray Cook à ce propos) aucun dans la pratique du parti. Certains secteurs de la base militante du parti y trouvent encore une référence identitaire. Mais cela ne pèsera pas lourd sur la dynamique future de ce parti.

Le congrès a décidé de garder les portes ouvertes à des discussions avec le Parti libéral du Canada qui pourraient déboucher sur une Coalition et même sur une fusion. Ce sont les députés qui ont été les plus ardents défenseurs de cette perspective. Cette proposition a été adoptée par 645 des délégué-e-s. 460 de ces derniers s’y sont opposés. Mais cette ouverture montre jusqu’où va l’ambition du NPD de devenir le parti de l’alternance.

Pour espérer former le prochain le gouvernement, la direction Layton est prête à donner toutes les assurances possibles à l’oligarchie régnante au Canada.

Le NPD peut maintenant compter sur son importante députation. C’est autour de cette dernière que vont se concentrer le pouvoir et se construire les nouveaux réseaux d’influence au sein du parti. Le recentrage sera nécessaire, car la direction du NPD devra donner toute une série de garanties à l’oligarchie alors que la majeure partie de cette dernière est concentrée sur des positions très conservatrices. Il sera exigé du NPD qu’il abandonne tout discours sur la redistribution de la richesse sociale, qu’il taise toute idée de réforme de la fiscalité dans un sens plus équitable, qu’il défende les accords de libre-échange avec l’Europe, qu’il affirme sa responsabilité dans la lutte au déficit et sur la nécessité de promouvoir des mesures d’austérité à cet égard. C’est bien le chemin qui a été parcouru par les différents partis sociaux-démocrates européens comme le Labour en Grande-Bretagne, le Parti socialiste français, le Parti socialiste ouvrier espagnol ou le PASOK en Grèce. Dans sa défense sa crédibilité, il peut même rappeler que les gouvernements NPD dans différentes provinces ont su appliquer des politiques néolibérales avec vigueur.

Il reste que le NPD garde des liens privilégiés avec le mouvement syndical et différents mouvements sociaux. Les éditorialistes dans grands médias ont d’ailleurs déploré le biais des analyses en faveur des mouvements syndicaux, écologistes, altermondialistes ou féministes véhiculées par de trop nombreux secteurs de la base du NPD. Ils ont souhaité que cette ouverture disgracieuse aux pressions des mouvements sociaux soit mieux maîtrisée pour ne pas dire refermée. Pourtant, la direction du NPD sait très bien qu’elle doit gérer de façon souple cette question, et qu’un tournant vers la rupture du lien privilégié avec le mouvement syndical pourrait maintenant lui être dommageable.

D’ailleurs tant que le mouvement syndical canadien n’aura pas dépassé sa crise stratégique actuelle et développé un mouvement de résistance unitaire à l’offensive néolibérale, les pressions en provenance de ce dernier resteront faciles à gérer.

Cette situation et la dynamique actuelles qui mènent au glissement du NPD vers des positions de plus en plus modérées indiquent que la construction de la mobilisation parlementaire reste le principal moteur pour bloquer cette évolution et pour exiger que le NPD s’ouvre davantage aux différentes revendications des mouvements sociaux. Cependant, la gauche socialiste ne peut rester indifférente aux enjeux et dynamiques qui se développeront dans le NPD et elle devra le placer devant la nécessité de répondre clairement aux revendications de la majorité laborieuse et des différents mouvements sociaux.

La majorité de la députation du NPD vient du Québec. Le NPD a déjà pris des engagements envers le Québec. La députation québécoise du NPD est sous surveillance. Elle devra répondre aux attentes. Si elle ne se fait pas la défenderesse du droit du Québec à l’autodétermination, il faudra qu’elle le paie très cher. Mais cela ne sera possible que si, en ce domaine également, le mouvement indépendantiste sait confronter le NPD à la nécessité de défendre les droits démocratiques de la nation québécoise.

Les mouvements sociaux ne peuvent mettre tout leur espoir dans une éventuelle accession du NPD au gouvernement. Ce que fera ce parti va en grande partie dépendre du renforcement des luttes extraparlementaires du mouvement syndical et des mouvements sociaux. Si la résistance populaire dans les rues ne se rebâtit pas maintenant, le comportement des partis sociaux-démocrates européens trace le scénario que nous prépare le Nouveau Parti Démocratique et lequel nous serons appelés à jouer.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...