Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Conditions de santé et de sécurité pour le déconfinement des secteurs de l’économie

À mesure que les gouvernements commencent à déconfiner des secteurs de l’économie, il est important que les travailleurs et les travailleuses puissent accomplir leur travail en toute sécurité et rentrer à la maison retrouver leurs proches sains et saufs à la fin de chaque journée de travail, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas risquer de mourir, de se blesser ou de tomber malades en raison de leur travail.

C’est un défi monumental en temps de pandémie de COVID-19, mais c’est un défi que nous devons relever. Il y a de nombreux cas, au Canada comme à l’étranger, où l’insuffisance des protections de la santé et de la sécurité au travail donne lieu à des expositions et à des décès de travailleuses et travailleurs et des cas où elle donne lieu à une forte transmission communautaire du virus. Les travailleurs et les travailleuses sont en première ligne de la pandémie, et pourtant les références à la santé et à la sécurité au travail dans les directives de la Santé publique sont rares et souvent insuffisantes.

À mesure que les gouvernements canadiens commencent à relancer des secteurs de l’économie, gouvernements et employeurs doivent prendre des mesures pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses contre l’exposition à la COVID-19.

Avant la réouverture, les employeurs doivent dresser un plan de sécurité qui protège la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses et qui permet de voir à ce que les lieux de travail ne contribuent pas à la propagation de la COVID-19 dans la communauté. Les employeurs doivent plus précisément avoir un plan de prévention et de contrôle de l’infection dressé avec la participation des comités locaux de santé et de sécurité ou les représentants des travailleurs et travailleuses en matière de santé et de sécurité. Ce plan doit être établi avant que l’employeur puisse rouvrir. Il doit comprendre des mesures détaillées d’intervention en santé et sécurité en cas d’éclosion de la COVID-19 en milieu de travail. Les gouvernements doivent avoir la capacité et l’engagement nécessaires pour mettre en application les lois sur la santé et la sécurité au travail. Pour prévenir une dangereuse deuxième vague d’infection à la COVID-19, les gouvernements doivent en outre accroître la capacité de recherche et la dotation en personnel pour accélérer et rendre plus efficaces les tests de dépistage de la COVID-19 et le traçage des contacts afin de freiner la propagation de l’infection.

Droits en matière de santé et de sécurité au travail

La législation canadienne sur la santé et la sécurité est fondée sur trois droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses :

 Le droit d’être informé au sujet des dangers que comporte leur lieu de travail ;

 Le droit de participer à la prise des décisions qui influencent leur santé et leur sécurité ;

 Le droit de refuser un travail dangereux.

Les employeurs ont le devoir d’éliminer les dangers en milieu de travail qui mettent en péril la santé ou la vie des travailleurs et travailleuses.

Ces droits en matière de santé et de sécurité au travail sont garantis par la législation de toutes les compétences au Canada. Les syndicats du Canada indiquent clairement qu’ils ne renonceront pas à des droits pendant que les gouvernements et les employeurs prennent des décisions sur la réouverture de secteurs de l’économie car cela mettrait en péril la vie de travailleurs et travailleuses. Nous n’accepterons pas que les employeurs ou nos gouvernements fassent passer les profits avant les personnes, mettant ainsi des travailleurs et travailleuses en danger à défaut des mesures et de l’équipement de protection appropriés. Les employeurs doivent honorer leur obligation de rendre les lieux de travail sécuritaires, même au cours de la pandémie actuelle. Les gouvernements doivent défendre le droit de la travailleuse ou du travailleur de refuser un travail dangereux et ne pas lui demander de mettre sa vie en péril sans prendre toutes les mesures possibles pour qu’il puisse accomplir son travail en sécurité.

La travailleuse ou le travailleur qui refuse un travail dangereux se trouve à employer ainsi son dernier recours pour se protéger contre un grave danger. Ce n’est pas une mesure qui se prend à la légère. Le fait que les organismes de réglementation n’aient reconnus bien fondés qu’une poignée de refus est extrêmement inquiétant. Il est inacceptable qu’aucun des plus de 200 refus de travailler qui ont eu lieu en Ontario ait été jugé fondé après que le gouvernement provincial a eu établi en douce un comité interne de supervision des efforts d’application de la loi faits par les inspecteurs et que ceux-ci aient indiqué que cela avait réduit leur capacité d’accomplir leur travail. Il est aussi inacceptable que les syndicats doivent porter plainte aux commissions provinciales des relations de travail pour que les employeurs honorent leurs obligations en matière de santé et de sécurité et que les gouvernements mettent la loi en application. Les travailleurs et les travailleuses méritent mieux. L’exercice du droit fondamental à la sécurité au travail n’est pas négociable.

Congés de maladie payés et protection de l’emploi

Bien que certaines provinces aient pris des mesures propres à la pandémie de la COVID-19 pour permettre aux travailleurs et travailleuses de se mettre eux-mêmes en quarantaine ou en isolement, bon nombre des journées de congé de maladie approuvé ainsi prises ne sont pas payées. Aucun ressort territorial canadien n’assure un nombre suffisant de journées de congé de maladie payé avec protection de l’emploi, ce qui met les travailleurs et les travailleuses dans la situation intenable de devoir choisir entre l’acquittement de leurs factures et la protection de leur santé ainsi que de celle de leurs collègues de travail et de leur communauté. De plus, l’accès aux protections qui existent dépend souvent du lieu de résidence et du type d’emploi. Cela risque de causer une catastrophe sanitaire.
Les gouvernements doivent s’assurer que chaque travailleuse ou travailleur ait accès à au moins 14 journées de congé de maladie avec protection de l’emploi afin de pouvoir prendre congé quand elle ou il est malade et doit se mettre en quarantaine ou en isolement.

La clé de la prévention d’une deuxième et plus grave vague d’infection à la COVID-19 consiste à voir à ce que tous les travailleurs et les travailleuses du pays aient accès à un nombre suffisant de journées de congé de maladie payé avec protection de l’emploi, où qu’ils habitent au Canada.

Participation des travailleurs et travailleuses

Avant le déconfinement, les employeurs doivent dresser un plan de sécurité sur la COVID-19 prouvant que leurs activités seront sécuritaires. La planification de la sécurité est la clé de l’assurance que des mesures de lutte contre la COVID-19 sont prises dans le lieu de travail et que la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses et d’autres personnes ne sont pas compromises par le régime de travail.

Il est important que les employeurs consultent les travailleurs et les travailleuses, leurs syndicats et leurs représentantes et représentants en matière de santé et de sécurité au sujet des modalités des plans de sécurité et des mesures de lutte contre la COVID-19. La participation des comités mixtes de santé et de sécurité d’entrée de jeu et de façon suivie est un facteur crucial de la sécurité des lieux de travail. La participation des travailleurs et travailleuses, par l’entremise des comités paritaires de santé et de sécurité, à l’évaluation des dangers associés à la COVID-19 et à l’établissement de réponses est un important élément des bonnes pratiques de santé et de sécurité qui doit être incorporé à la planification de la sécurité au travail en temps de menace de COVID-19.

D’ailleurs, la loi l’exige. La législation canadienne et les conventions internationales sur le travail qui ont été ratifiées par le Canada exigent que les employeurs fassent participer leur personnel à la prise des décisions qui influencent la santé et la sécurité au travail. Les employeurs ne peuvent pas négliger les inquiétudes des travailleurs et travailleuses ou prendre des décisions unilatéralement. Les gouvernements doivent s’engager à mettre rigoureusement en œuvre les instruments législatifs en question.

Prévention et contrôle des dangers

La planification de la prévention des dangers et la hiérarchie de contrôle des dangers sont des outils d’usage courant de prévention en matière de santé et de sécurité au travail. Même si des dangers associés à la COVID-19 persisteront en milieu de travail dans l’avenir prévisible, certainement jusqu’à ce qu’un vaccin efficace soit largement disponible, ces dangers doivent être limités de manière à protéger la sécurité des travailleurs et travailleuses. Les employeurs peuvent contribuer à la prévention de la transmission de la COVID-19 aux travailleurs et travailleuses et à la communauté en prenant des mesures pour réduire au minimum le risque d’infection, y compris les suivantes :

 Aider les personnes qui ont des symptômes ressemblant à ceux de la grippe à s’auto-isoler ;

 Assurer le maintien de distances appropriées en milieu de travail ;

 Désinfecter les surfaces ;

 Maintenir de bonnes pratiques d’hygiène, et particulièrement de lavage des mains et les protocoles en cas de toux et d’éternuement.

Autres mesures minimisant l’exposition

Le programme de prévention et de contrôle des dangers en milieu de travail et la hiérarchie des contrôles doivent être déployés de manière à réduire la probabilité d’exposition. Ils comprennent ce qui suit :

 Élimination des dangers et remplacement de procédures à haut risque par des activités à risque plus faible, notamment en permettant la prolongation du travail à la maison ou du télétravail pour faciliter la distanciation en milieu de travail ;

 Mise en œuvre de mesures d’ingénierie, y compris la modification de l’aménagement du lieu de travail, de l’équipement et du système de ventilation pour réduire le risque d’exposition ;

 Recours à des mesures administratives telles que les horaires échelonnés, le contrôle ou la restriction de l’accès aux espaces communs, le nettoyage ou la désinfection plus fréquente du lieu de travail, la préparation et la formation aux situations d’urgence ainsi que la formation et la communication au sujet des procédures de santé et de sécurité ayant trait à la COVID-19 et à l’utilisation de l’équipement de protection individuelle (EPI). Il faut réviser les horaires de travail et déterminer le besoin de pauses supplémentaires pour prévenir la fatigue que comporte l’utilisation de l’EPI ou l’augmentation de la charge de travail associée aux protocoles relatifs à la COVID-19 ;

 Assurance de l’accès de tous les travailleurs et travailleuses à de l’équipement de protection individuelle (EPI) approprié dans les cas où le danger ne peut pas être éliminé ou réduit par le remplacement, les mesures d’ingénierie ou les mesures administratives. Puisqu’il sera impossible d’éliminer complètement les dangers associés à la COVID-19 dans certains milieux de travail grâce au remplacement, aux mesures d’ingénierie et aux mesures administratives, l’assurance d’un approvisionnement suffisant en EPI sera un élément crucial de toute stratégie de relance de l’économie. De plus, il faudra voir à ce que les travailleurs et les travailleuses reçoivent une formation et aient des possibilités de s’exercer pour utiliser efficacement l’EPI. Celui-ci doit être fourni gratuitement aux travailleurs et travailleuses.

Principe de précaution et équipement de protection individuelle approprié

Puisque nous avons affaire à un nouveau coronavirus, nous sommes loin d’avoir fini d’acquérir des connaissances au sujet de la COVID-19, de sa transmission et de la manifestation des symptômes de l’infection. Comme pour tout autre nouveau danger, l’approche en matière de santé et de sécurité exige d’appliquer le principe de précaution aux décisions sur les moyens d’éliminer ou de contrôler le danger. Cela signifie qu’il faut mettre en place un niveau de protection plus élevé et ne pas attendre d’avoir des certitudes scientifiques avant de prendre des précautions, sinon ce sont les travailleuses et travailleurs individuels qui courront les risques associés au nouveau danger à mesure que nos connaissances évoluent. À mesure qu’augmentent les connaissances au sujet de la façon dont les symptômes de la COVID-19 se manifestent dans différentes populations, nous comprenons également mieux la façon dont le virus se transmet. Il reste un manque de consensus au sujet des voies de transmission de la COVID-19. Les travailleurs et les travailleuses qui courent des risques d’exposition élevés en raison des populations avec lesquelles ils travaillent doivent être protégés contre la transmission par toutes les voies possibles et non seulement par les plus courantes.

L’équipement de protection individuelle est le dernier rempart dans la hiérarchie des contrôles. S’il échoue, la travailleuse ou le travailleur est exposé au danger sans protection. C’est pourquoi le principe de précaution est au cœur de l’argumentation du mouvement syndical pour mieux protéger les travailleurs et les travailleuses.
Les gouvernements et les employeurs ont intérêt à se rappeler les leçons tirées d’épidémies antérieures, comme l’indiquent les observations suivantes de l’auteur du rapport de la Commission sur le SRAS :

« L’incertitude et le débat scientifiques peuvent se poursuivre indéfiniment », a écrit le juge Archie Campbell à la fin de l’enquête publique qu’il a dirigée sur la façon dont l’Ontario a répondu à l’éclosion du SRAS qui a fait des douzaines de morts et des centaines de malades il y a près de deux décennies.

« Nous devrions suivre le principe de précaution qui veut que nous prenions des mesures raisonnables afin de réduire les risques sans attendre de certitude scientifique… Il n’y a plus de raison que les gouvernements et les hôpitaux soient pris au dépourvu et que le personnel de la santé n’ait pas un minimum de protection grâce à l’équipement et à la formation appropriés. »

Le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail (CCHST) met gratuitement à disposition toutes ses ressources de planification en cas de pandémie et sur la santé mentale. Vous trouverez ces ressources ici.

De plus, le CCHST a établi des fiches-conseils sur la COVID-19 applicables au travail dans différents secteurs que vous pouvez obtenir gratuitement ici.

Collecte de données sur la sécurité des travailleurs et transparence

Certains travailleurs et travailleuses courent des risques plus élevés que les autres de contracter la COVID 19 en milieu de travail. Le personnel de la santé compte pour une proportion démesurément élevée des personnes infectées au Canada. Le personnel de la transformation des aliments, des transports, de la vente au détail essentielle et de tous les emplois traitant directement avec le public court lui aussi un risque d’infection élevé. Jusqu’à présent, les expositions au travail et les cas de maladie et de décès de ce personnel et de celui d’autres secteurs n’ont pas été suffisamment surveillés et signalés. De plus, il y a lieu de déterminer de manière plus attentive et plus transparente les effets de la pandémie sur différentes populations. Nous constatons dans d’autres pays que les cas d’exposition, de maladie et de détérioration de l’état de santé varient grandement selon le groupe recherchant l’équité et selon le revenu. Les gouvernements du Canada doivent recueillir et diffuser des données à ce sujet. Les organismes de la santé publique peuvent aider à collecter et à diffuser ces données dans les registres publics des expositions et des infections. Il y a aussi lieu de contrôler de façon plus attentive et plus transparente l’approvisionnement en équipement de protection individuelle (EPI). La crainte de pénurie en l’absence de données suffisantes donne lieu à des décisions qui mettent le personnel de première ligne en danger.

Protection de travailleurs contre les représailles

Comme le fardeau de la pandémie n’est pas réparti également, la capacité de réintégrer son lieu de travail à mesure que les gouvernements déconfinent des secteurs de l’économie ne le sera pas non plus. Les travailleuses et les travailleurs qui ont pour responsabilité de prendre soins d’enfants ou d’adultes vulnérables ou qui courent un risque élevé de détérioration de l’état de santé s’ils sont exposés au virus doivent être protégés contre les représailles s’ils ne peuvent pas rentrer au travail à la réouverture de leur lieu de travail.

De plus, les employeurs doivent prendre des mesures d’adaptation ou mettre en œuvre des contrôles précis pour protéger les travailleurs et les travailleuses courant des risques plus élevés que les autres à leur retour au travail en raison de leurs troubles de santé chroniques, de leur grossesse ou de leur âge avancé.

Systèmes d’indemnisation pour accident du travail

Notre principale priorité doit être d’empêcher les travailleurs et les travailleuses d’être exposés à la COVID-19, d’en être atteints et d’en mourir. Toutefois, les gens doivent pouvoir compter sur leur système d’indemnisation pour accident du travail pour ce qui est de leur assurer des indemnités et des soutiens s’ils tombent malades à cause de leur travail. C’est plus important que jamais dans le contexte de la pandémie en cours. Il y a lieu d’élargir la couverture pour qu’elle englobe tous les travailleurs et les travailleuses – y compris ceux dont les lieux de travail sont actuellement exemptés des cotisations obligatoires au régime et les personnes qui occupent des emplois précaires et de l’économie à la demande. Il y a également lieu d’assurer une couverture aux travailleurs et travailleuses qui doivent être mis en quarantaine ou s’auto-isoler par suite de leur exposition en milieu de travail mais qui ne présentent pas de symptôme de la COVID-19. Il faut simplifier la procédure d’octroi d’indemnités et protéger le droit des travailleurs et travailleuses blessés d’appeler des décisions. Et il faut éliminer les incitatifs financiers systémiques qui encouragent les employeurs à dissuader la présentation de demandes d’indemnisation pour l’infection à la COVID-19.

En dernier lieu, il faut assurer une couverture présomptive d’indemnisation pour la COVID-19 afin que les travailleuses et les travailleurs ne se voient pas privés de soutiens en attendant que leur demande soit approuvée. Certains gouvernements étrangers ont instauré une couverture présomptive pour la COVID-19 à l’égard de certains membres du personnel de première ligne parce qu’ils ont reconnu que la simplification de l’accès aux soutiens améliorera les résultats sur la santé ainsi que la sécurité du retour au travail des personnes courant un risque élevé d’être infectées à la COVID-19. Nous trouvons encourageant que WorkSafe BC ait commencé à assujettir la COVID-19 à la couverture présomptive. Les autres gouvernements doivent aller dans le même sens afin de voir à ce que les travailleurs et les travailleuses aient les soutiens et les indemnités dont ils ont besoin s’ils tombent malades à cause de leur travail.

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