Dans l’article précédent je me suis attardé au fait que le Québec n’était pas en train de se transformer en paradis socialiste . Je vais maintenant tenter de démontrer que la performance remarquable du NPD au Québec ne signifie pas un rejet de la souveraineté.
Que veut le Québec ?
Si la vague NPD au Québec équivalait à un essoufflement de l’appui à la souveraineté, on devrait s’attendre à une diminution du nombre de québécois(es) qui ont l’intention de voter en faveur de la séparation du Québec. Mais est-ce vraiment le cas ?
Graphique 1 : En faveur de la souveraineté de novembre 2008 à mai 2011
Source : CROP, Évolution du climat politique au Québec, mai 2011
Comme ce graphique l’indique, l’appui à la souveraineté n’a pas diminué ; en fait, après l’élection fédérale en mai dernier, il a grimpé à son plus haut niveau (43%) depuis deux ans.
Un autre fait intéressant à noter, une personne sur quatre qui a voté NPD au Québec voterait pour la souveraineté lors d’un référendum (1).Donc même si le NPD n’est pas perçu comme un parti souverainiste (moins de personnes souverainistes votent NPD), en même temps il n’est pas réellement perçu comme un parti fédéraliste dur. Par conséquent, certains souverainistes se sentent confortables de voter NPD parce qu’ils croient que cela ne représente aucun danger ; voter NPD n’est pas menaçant pour leurs aspirations pour le Québec.
La souveraineté relève-t-elle du passé ?
Selon certains la souveraineté est une idée démodée. The Economist affirme par exemple que « …s’il n’est pas mort, plusieurs signes nous indiquent que le séparatisme a sombré dans un profond coma. »(2) Mais comme l’a souligné Jean-François Lysée dans son blog, la réalité n’est pas si simple. (3)
Afin d’examiner le rôle que joue actuellement la volonté d’indépendance au Québec, Lisée utilise comme baromètre le nombre de personnes qui s’identifient d’abord québécois ou seulement québécois. Cela peut ne pas sembler directement relié, mais il est intéressant de savoir qu’en 1980, 40% de la population du Québec se considérait seulement québécois ou d’abord québécois. En 1995, ce pourcentage a grimpé à 50% de la population. Regardons maintenant l’évolution des dernières années.
Graphique2 : Comment les québécois s’identifient
(La ligne bleue indique les québécois d’abord/seulement, la jaune combine québécois et canadien et la rouge indique ceux qui se considèrent canadiens d’abord/seulement.)
SOURCE : CROP/Idée Fédérale et AEC/Léger
Comme l’indique clairement le graphique 2, au cours des dernières années l’identité en tant que d’abord ou seulement québécois a connu une nette montée.
Dans le reste du Canada certains peuvent également penser qu’ils ont un fort sentiment d’appartenance à leur province. Possiblement, mais pas autant qu’au Québec. Dans les faits, la même étude nous révèle que seulement 6% des canadiens hors Québec, s’identifient avec leur province d’abord ou seulement, alors que 67% d’entre eux s’identifient au Canada d’abord ou seulement.
Le sentiment d’appartenance au Québec ne se limite pas seulement aux baby boomers , il est même plus fort parmi les jeunes francophones. Alors que 71% de tous les francophones se considèrent d’abord ou seulement québécois, 78% des jeunes francophones de 18-24 ans se considèrent comme tel.
Non seulement une part importante de la société québécoises dit « Oui » à la souveraineté (les sondages démontrent une proportion relativement stable autour de 40%), mais en plus les facteurs identitaires « structurels » semblent indiquer un accroissement de la « disponibilité » de la population à l’option souverainiste.
Alors l’option souverainiste est-elle en train de s’essouffler ? Pas selon les statistiques. Même si un grand nombre de québécois(es) a voté pour le NPD, un parti fédéraliste, il est important de se rappeler que d’aucune façon cela ne représente un signe ou même une érosion de la « question nationale » au Québec. On pourrait même dire que le fait que la vague orange a atteint une telle force seulement au Québec illustre une distinction politique entre le Québec et le reste du Canada qui rend le projet nationaliste encore plus significatif.
La question demeure donc, que signifie cette vague orange pour les relations entre le Canada et le Québec ?
Traduction André Frappier
(1) http://ahlessondages.blogspot.com/2011/06/les-raisons-dun-vote.html
(2) http://www.economist.com/node/18867600
(3) http://www2.lactualite.com/jean-francois-lisee/la-decanadianisation-du-quebec-saccelere/7024/