tiré de : Entre les lignes et les mots 2020 - n°21 - 16 mai : Notes de lecture, textes, vidéo, pétitions, lien
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/05/15/communique-en-cette-periode-de-confinement-laissez-nos-poils-et-nos-corps-tranquilles/
Publié le 15 mai 2020
De notre côté, nous avons lancé le #déficonfinement pour inciter les femmes à profiter de cette période pour laisser leurs poils tranquilles, apprendre à les connaitre et à les apprécier. Pour les soutenir dans cette découverte, nous avons partagé tous les jours sur nos réseaux un témoignage d’une femme apprivoisant sa pilosité.
Malheureusement, cette période a aussi vu fleurir sur les réseaux sociaux de nombreux mèmes, illustrations et articles de presse (notamment cet article de Marianne) nous incitant, nous les femmes, à ne pas « nous laisser aller ». Assez étrangement ou non), les hommes ne sont presque pas ciblés par ces plaisanteries ou conseils comme si, au contraire des femmes, leur corps au naturel n’était pas répugnant.
Ces divers supports se plaisent à comparer les femmes non épilées (ou moins épilées que d’habitude) au personnage de Chewbacca : les femmes qui ne sont pas parfaitement glabres sont donc animalisées et masculinisées (Chewbacca étant un personnage masculin). D’après les témoignages que nous recevons via #PayeTonPoil, « Chewbacca » est l’une des insultes les plus fréquemment employées à l’encontre des femmes ayant une pilosité jugée « non conforme », à côté de « gorille », « singe », « yéti », « homme préhistorique », etc. En d’autres termes, les femmes qui ne sont pas jugées conformes à l’idéal du glabre sont renvoyées à des figures simiesques. Or, dans nos sociétés, être comparé·e à un animal est extrême déshumanisant, méprisant et violent (même si dans l’idéal, ça ne devrait pas l’être).
Il est donc temps de le dire : ces illustrations, mèmes et articles sont d’une misogynie extrême. Pourtant, très peu de personnes s’en indignent, la majorité en rigole et le repartage alors que cela se résume à diffuser un condensé haineux à l’encontre des femmes.
Le culte du corps parfait à encore de beaux jours devant lui. Les femmes doivent être parfaites en toute situation, et chaque période de l’année ou de la vie est une occasion de lui rappeler : l’été, elles sont sommées d’aller exhiber un corps glabre, parfaitement musclé et bronzé sur une plage paradisiaque ; après les fêtes de fin d’années, il faut qu’elles sachent se restreindre pour ne pas prendre un gramme malgré les calories ; quand elles ont des enfants (parce que, oui, elles doivent enfanter sinon quel serait leur rôle ?), leur corps ne doit subir aucune modification.
Il en est de même avec cette nouvelle période bien particulière : pendant le confinement, il ne faudrait surtout pas « se laisser aller ». Ne surtout pas rester sur son canapé mais en profiter pour faire des abdos-fessiers, le grand ménage de printemps, s’habiller et se maquiller tous les jours pour plaire à son homme, ne pas prendre un gramme et j’en passe. Si nous avons l’audace d’écouter notre corps, de le laisser vivre avec les poils qui vont avec, il sera de notre devoir de courir chez l’esthéticienne dès la levée du confinement. En effet, si une tolérance peut être de mise au sein du foyer, il serait inacceptable de l’afficher aux yeux de la société.
Bref, alors même qu’en cette période de confinement, les femmes sont encore davantage écrasées par le poids du travail domestique qu’elles fournissent gratuitement à leur compagnon/mari et à leur famille, on les enjoint en plus de ne pas négliger ce travail qu’est celui de prendre soin de son apparence.
Quand est-ce que cette haine du corps des femmes cessera ? Quand arrêtera-t-on de nous comparer à des animaux si l’on a l’audace de ne pas suivre certaines règles extrêmement contraignantes comme l’est celle de l’épilation ? Il est temps que cela cesse. Laissez-nous tranquilles !
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