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Catalogne

Catalogne. L'épreuve de force monte d'un cran supplémentaire...

22 oct. 2017 Par Antoine (Montpellier) | tiré de mediapart.fr | Légende de l’illustration : Derrière le char du "155" Pedro Sánchez (PSOE), sur le char, Mariano Rajoy, le chef du gouvernement de Madrid, à droite, en première ligne, appelant à "charger", Albert Rivera (Ciudadanos, pseudo centre, vraie droite très à droite). Mariano Rajoy : "Vraiment je ne comprends pas ces putschistes (les Catalans qui s’autodéterminent contre ce que dit la Constitution)".

C’est la version la plus dure du "155" qu’a décidé d’appliquer le gouvernement de Madrid contre la Catalogne. Cet article de la constitution espagnole laissait toute latitude sur l’extension de la main-mise sur celle-ci et c’est avec la volonté de persévérer dans l’orientation suivie jusqu’ici, la brutalisation du peuple catalan, que ce gouvernement a choisi de frapper le plus largement possible.

Qu’on en juge : il s’arroge la possibilité de dissoudre le Parlement catalan, celle de convoquer, dans un délai maximum de 6 mois, de nouvelles élections régionales (mais il annonce sa volonté d’agir plus vite). A cette fin, il procèdera à la destitution du President, du vice-président et de l’ensemble du gouvernement catalan, le Govern. Par là-même il prend en charge TOUTES les compétences de la Communauté autonome catalane qu’elles s’exercent à travers les médias publics et la police locale (Mossos d’Esquadra), la perception des impôts ou encore les chemins de fer. Pour plus de détails lire (texte en espagnol) La letra pequeña de las medidas de Rajoy para tomar el control de Catalunya

Le comble du foutage de gueule est atteint par cette phrase du chef de gouvernement : "Il n’y a pas suspension de l’autonomie ni de l’autogouvernement, il s’agit de démettre les personnes qui ont mis cet autogouvernement en dehors de la Constitution et du statut d’autonomie". Les Catalan-es auront apprécié...en ayant appris, par exemple, que concrètement les fonctions exécutives de l’Autonomie catalane seront désormais assumées par les Ministères espagnols.

Le Parlament se trouvera, quant à lui, dépossédé de son pouvoir de proposer un candidat à la présidence de la Généralité et donc de tenir tout débat et tout vote d’investiture à cette charge. Il perdra également sa fonction de contrôle des organes assumant le gouvernement de la Catalogne, cette fonction revenant au Sénat. Il sera enfin empêché de prendre toute initiative, toute décision qui seraient jugées par Madrid contraires à la Constitution et au statut d’autonomie.

Voilà le résumé de ce qu’il faut appeler un coup de force inédit depuis le franquisme contre une instance constitutionnellement représentative de la population.

Le discours du président Carles Puigdemont

Le président Carles Puigdemont a tenu un court discours télévisé, en catalan, d’où il ressort que face à la "volonté de Madrid de liquider l’autogouvernement de la Catalogne", il demande, conformément à l’accord réalisé entre Junts pel Sí (coalition entre le PedeCat de Puigdemont et l’ERC de son vice-président Oriol Junqueras) et les anticapitalistes de la CUP, que le Parlament se réunisse le jour même où entrerait en vigueur, par vote du Sénat, le "155", soit vendredi prochain. Lequel "155" serait l’unique ordre du jour de cette session : on notera, à ce propos, que le President n’a pas mentionné dans son discours la possibilité de déclarer l’indépendance, ce que d’aucuns déclarent cependant inéluctable puisque les parlementaires seront appelés, une fois analysée la portée politique du "155", à agir en conséquence. A voir...

Des mots forts ont émaillé ce discours : humiliation, liquidation de la démocratie, auxquelles il faut opposer la défense digne, civilisée, pacifique et s’appuyant sur les discours de raison, des institutions attaquées, mise sous tutorat de la vie publique catalane, directoire télédirigeant, depuis Madrid, la vie en Catalogne, la pire attaque depuis l’abolition de la Généralité par Franco.

Puigdemont a conclu son intervention en s’adressant en espagnol aux démocrates de l’Etat espagnol en les avertissant que c’est la démocratie, bien au-delà de la catalogne, qui est menacée par le "155" imposé à la Catalogne. Enfin, en anglais il a appelé les Européens à soutenir la Catalogne, en cohérence avec ce qu’implique précisément, pour les Catalan-es comme pour les autres, être européens.

A retenir aussi l’intervention solennelle de Carme Forcadell, la présidente du Parlament, qui, n’hésitant pas à parler de coup d’Etat, a dit la détermination des député-es, à ne pas laisser qu’on leur impose de participer à un parlement croupion. L’offensive "155" de Mariano Rajoy met la défense des institutions catalanes inéluctablement et légitimement au coeur de la mobilisation qui se relance en ce moment dans tout le territoire catalan. Reste que les chances que ladite mobilisation puisse s’enraciner le plus largement possible, en particulier du côté de ceux et celles qui, opposé-es ou indifférentes à l’indépendance, ont montré le 1er octobre, leur volonté de défendre l’expression démocratique du peuple catalan, sont liées à la capacité de favoriser l’auto-organisation et l’expression autonome de la volonté populaire sans indexation sur les logiques purement institutionnelles.

Lignes de fracture chez les socialistes

Le Parti Socialiste des Iles Baléares se prononce contre l’utilisation du "155" en Catalogne et se dit inquiet de voir la direction du PSOE appuyer cette mesure. Le PSC se trouve en position très instable (lire ci-dessous) car cet appui du PSOE met en danger les municipalités qu’il dirige en Catalogne, parfois avec l’appoint de partis qui rejettent totalement le recours au "155". Le maire de Terrasa, l’un des pétitionnaires contre le "155", envisage de démissionner du PSC.

Le pas a été franchi par Joan Majó, un ancien ministre de l’Industrie de Felipe González (1982-1996), qui, lui, est un furieux soutien de Rajoy ! Pas simple aujourd’hui d’être socialiste entre le marteau de la revendication nationale catalane et l’enclume de la politique extrémisée unioniste de Rajoy.

En signe de protestation contre l’approbation du "155" par ses camarades espagnols, la maire socialiste de Santa Coloma de Gramenet (située 8 km au nord de Barcelone, elle est la 9e ville la plus peuplée de Catalogne), Núria Parlon, démissionne de la Commission Exécutive du PSOE où elle y représentait le PSC (socialistes catalans). Elle signe également avec trois autres maires catalans un appel, cette fois au PSC, à refuser de soutenir le "155".

La porte-parole de ce parti, tout en réitérant le rejet, par les socialistes catalans, de toute DUI (Déclaration Unilatérale d’Indépendance), a, en quelque sorte, répondu favorablement à cette demande de refuser de soutenir le "155" et a annoncé que donc le PSC ne donnera pas un chèque en blanc au parti frère, le PSOE, au Sénat, sur le vote de cet article. Le PSC ne voit comme porte de sortie de la crise que la poursuite des efforts en faveur du dialogue entre les parties en conflit et la convocation d’élections anticipées au Parlament. Rappelons que la maire de Barcelone, Ada Colau (Catalogne en Commun), qui ne fait majorité que grâce à l’appui du PSC, envisageait sérieusement de rompre l’accord avec son partenaire s’il appuyait le "155"...

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