Édition du 12 novembre 2024

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Environnement

Cachez ce BAPE que je ne saurais voir

Depuis quelques années le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) ne se fait pas aimer des promoteurs de grands projets ni du lobby patronal. Pour comprendre pourquoi, il suffit de lire le récent rapport du BAPE sur le réseau électrique métropolitain (REM), un projet soutenu par le gouvernement. On ne se surprend donc pas de voir le gouvernement Couillard réagir en tentant de mettre en place une nouvelle structure d’évaluation économique qui fera concurrence au BAPE.

Tiré du site de l’IRIS.

Il faut dire que, depuis sa création, le BAPE est une étrange bestiole institutionnelle. Organisme né en 1978 d’une volonté de faire participer les citoyen·ne·s aux décisions entourant certains grands projets au Québec, ses membres sont assermentés et suivent un code d’éthique. Le BAPE ne possède qu’un pouvoir de recommandation auprès du gouvernement. Il n’a donc pas de pouvoir exécutif, en ce sens que son rôle est plus de jauger de l’acceptabilité sociale d’un projet.

Le mandat du BAPE est d’enquêter sur l’insertion d’un nouveau projet selon les principes énoncés à l’article 6 de la Loi sur le développement durable (p. 2). Dans ces 16 principes, on retrouve notamment la volonté d’avoir un développement écologique, économique et social. Pour arriver à déterminer si c’est le cas, le BAPE recueille des rapports d’experts, des informations provenant des promoteurs du projet et des mémoires de citoyen·ne·s intéressés. Dans le cas du BAPE sur le REM, on parle de 108 mémoires qui ont été déposés par des promoteurs, des experts, des municipalités de même que divers groupes de la société civile et des citoyen·ne·s.

Or, notamment à cause des délais extrêmement courts, le promoteur n’était pas en mesure de fournir les informations nécessaires pour approuver le projet. En effet, la Caisse de dépôt et de placements du Québec Infrastructure (CDPQ-Infra) était incapable de présenter, par exemple, des informations précises concernant le cadre financier prévu (p. 241). De plus, au moment où le BAPE commençait, la CDPQ ne pouvait pas encore garantir le nombre exact de stations. Bref, la CDPQ-Infra voulait faire approuver un projet de transport en commun sans être en mesure de faire d’évaluations précises sur l’achalandage et donc sur les répercussions économiques et environnementales. Pas très étonnant que le BAPE ait recommandé à la CDPQ-Infra d’aller refaire ses devoirs !

Considérant que les contribuables québécois devront financer le projet à travers des subventions et qu’une part importante du réseau de train de banlieue sera cannibalisé par le projet, il semble normal que quelqu’un, quelque part, se questionne sur sa validité. En ce sens, de voir le gouvernement et le maire Coderre monter aux barricades pour condamner le rapport du BAPE est décevant. Non seulement le BAPE remplit sa mission, mais il semble poser les questions que les politiques se refusent de poser, surtout que plusieurs intervenants crédibles mettent en doute la validité du projet tant du point de vue économique que social et environnemental.

C’est dans de tels cas que le rôle du BAPE est paradoxal : il montre au grand jour les faiblesses du projet REM, mais son impact est ambigu puisque les politiques rejettent le rapport. Son pouvoir réel réside donc dans l’influence que son rapport indépendant peut avoir dans l’espace public, ce qui ne fait manifestement pas l’affaire du gouvernement et des lobbies patronaux.

C’est pourquoi le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) veut instaurer une nouvelle structure responsable de produire des évaluations économiques des grands projets. Elle aura pour mission (p. 9) :

« analyser les retombées et les répercussions des projets majeurs pour bâtir une information fiable et crédible, utile à la compréhension des projets par les populations locales [...] Le Bureau a également pour mandat de diffuser les résultats d’analyse économique, qui sont de nature publique, et de promouvoir la diffusion des analyses réalisées par les autres ministères, notamment dans les domaines environnementaux et sociaux ».

Bref un organisme avec le même mandat que le BAPE, sans son indépendance. Ainsi, malgré le pouvoir déjà faible du BAPE, il effraie suffisamment le gouvernement pour que ce dernier tente de le remplacer ou de lui donner une contrepartie pro-promoteur, ou les deux. À mon avis, cela démontre bien que les personnes qui nous dirigent actuellement ne recherchent pas le bien commun, mais bien des beaux projets à « flasher » devant les kodaks, peu importe leur effet néfaste sur l’économie, l’environnement ou la vie en société.

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