Il serait trop facile d’accuser l’incurie de la présidence polonaise, la nocivité des manœuvres des États-Unis ou l’intransigeance climaticide des pays pétroliers pour expliquer pourquoi les négociations climatiques internationales nous conduisent vers un réchauffement climatique supérieur à 3°C. Il faudrait a minima y ajouter la passivité irresponsable de la très grande majorité des États qui, alors que les scientifiques empilent des rapports tout aussi alarmants les uns que les autres, se complaisent dans une inertie coupable.
Dans une classe de cancres, il n’en est pas un pour sauver l’autre. Récemment nommé par effraction « Champion de la Terre », Emmanuel Macron est désormais silencieux et refuse de changer de cap alors que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de plus de 3% en 2017 en France. Il a de plus validé que la France est tout simplement absente de cette fin de COP : son ministre de la transition écologique, François de Rugy, a en effet préféré rencontrer à Paris le principal lobby de l’automobile plutôt que ferrailler à Katowice pour donner plus d’ambition aux maigres résultats d’une COP24 une fois de plus décevante.
Quant à l’Union européenne, elle ne cesse d’approfondir le schisme de réalité existant entre son prétendu engagement en faveur du climat et sa détermination sans faille en faveur de la globalisation économique et financière qui pourtant aggrave la crise écologique et retarde la transition. Le Parlement européen a coup sur coup voté en faveur du JEFTA, ce nouvel accord de libéralisation du commerce entre l’UE et le Japon qui n’est pas climato-compatible, et approuvé le financement de nouvelles infrastructures liées aux énergies fossiles pour la période 2021-2026.
« Il ne s’agit pas de faire de notre mieux, il s’agit de faire ce qui est requis »
Cette sentence de Winston Churchill n’a jamais été si appropriée qu’aujourd’hui. A force de célébrer l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris et de s’apitoyer sur l’élection de Donald Trump – et désormais Bolsonaro – les décideurs politiques ont substitué de l’incertitude et du désarroi à un enthousiasme exagéré : de sérieuses menaces pèsent désormais sur l’avenir et le contenu des politiques climatiques internationales et sur la possibilité de contenir le réchauffement en deçà de 1,5 ou 2 °C. Alors que les émissions de gaz à effet de serre et les investissements mondiaux dans les énergies fossiles sont à la hausse, les États et les pouvoirs publics ne cessent de se désengager et de transférer la charge de l’action aux marchés et acteurs privés.
Confierait-on la lutte contre la délinquance routière aux chauffards ? La lutte contre le tabagisme aux cigarettiers ? Non. C’est pourtant ce qui est fait en matière de climat où les multinationales du charbon, du gaz et du pétrole, les banques et assurances qui les financent, les constructeurs automobiles, cimentiers et industriels de la chimie interviennent directement pour tuer dans l’œuf toute politique climatique ambitieuse : depuis la signature de l’accord de Paris, 90 % des 200 plus grandes entreprises de la planète ont mené des actions de lobbying en ce sens, en toute impunité. Au principe « pollueur écouté, pollueur exaucé », n’est-il pas temps de substituer le principe du « pollueur régulé – pollueur désarmé » [1] ?
Attac France en appelle donc à un urgent et nécessaire sursaut politique. Il est temps d’arrêter de faire comme si les politiques économiques néolibérales et productivistes, injustes et insoutenables, pouvaient résoudre la crise climatique qu’elles nourrissent inlassablement. Contrairement à ce qui est aujourd’hui énoncé, ce n’est pas l’objectif des 1,5°C ou 2°C qu’il faut enterrer mais bien les politiques économiques qui nous en éloignent de manière irréversible.
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