Tiré du site de l’IRIS.
On repeint (seulement le salon et la cuisine... là où les regards se jettent) et on installe des rideaux dans une maison qui est passée au feu. Elle peut sembler être en ordre... mais les fondations, elles, ne sont pas très fortes. Et les femmes ? Au sous-sol, oubliées...
Dans une publication de 2015, l’IRIS a étudié l’impact différencié des mesures d’austérité et de reprise économique sur les hommes et sur les femmes. Avec les coupes aussi sévères que celles qu’ont dû encaisser les secteurs de la santé, de l’éducation et les centres de la petite enfance (CPE), les conclusions de l’étude n’étaient pas surprenantes : le « ménage de la maison » s’est fait aux frais des femmes.
En effet, les mesures d’austérité destinées aux femmes représentaient 3,1 G$ de plus que celles subies par les hommes. Or, les mesures de relance, concentrées dans la construction d’infrastructures, ont été majoritairement destinées aux hommes, bénéficiant ainsi de 3,8 G$ de plus que leurs homologues féminines. Ainsi, les budgets provinciaux peuvent présenter des mesures qui ne sont pas équitables, favorisant relativement plus l’un des deux groupes. Ces résultats démontrent qu’il est primordial d’analyser annuellement la collecte et la distribution du trésor public en fonction du genre.
C’est ce qu’on appelle l’« analyse différenciée selon les sexes » (ADS).
Lorsqu’elle est appliquée au budget, elle permet de comprendre si les mesures adoptées bénéficient majoritairement aux hommes ou aux femmes. Toutefois, son utilité dépasse ce portrait sommaire. Elle permet entre autres de dresser le profil des bénéficiaires de différentes subventions, outillant ainsi les groupes qui protègent les droits des femmes et des personnes les plus démunies dans leur compréhension des effets des nouvelles mesures budgétaires sur leur population cible. L’ADS permettrait également aux chercheurs (dont ceux et celles de l’IRIS) qui ont le souci d’incorporer la dimension du genre à leur analyse de disposer de données adéquates pour le faire.
Du côté fédéral, on sent qu’il y a une volonté à considérer les questions d’inégalité entre hommes et femmes, mais les actions restent tout de même en deçà des dires. Dans son dernier budget, le ministre Morneau a incorporé une timide section sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce choix représente un premier pas, mais c’est en bien en deçà du nécessaire : nous avons besoin d’un budget qui chiffre l’effet différencié sur les hommes et sur les femmes de chacune des mesures présentées.
Bien qu’il mette en place des mesures pour atténuer les disparités actuelles, le budget ne nous permet pas toujours de calculer, au total, les sommes qui sont dirigées vers, d’une part, les femmes et, d’autre part, les hommes. On ne peut pas non plus toujours évaluer les effets sur le revenu disponible et la prévalence des situations de précarité dans chacun des deux groupes. Bref, bien qu’imparfait, on peut souligner l’effort, surtout lorsqu’on le compare à ce qui se fait encore au « boys’ club » de Québec.
Du côté provincial, aucune surprise. On n’a toujours pas présenté un budget avec ADS. Ce gouvernement (le même qui nous a servi l’austérité-relance sexiste) n’a jamais eu l’intention de considérer sérieusement la lutte aux écarts salariaux et aux stéréotypes qui touchent les femmes dans plusieurs sphères de la société, particulièrement sur le marché du travail.
Mardi dernier ce sont d’ailleurs quatre hommes qui se sont présentés sur la scène lors du huis clos pour répondre aux questions relatives au budget. QUATRE HOMMES SUR QUATRE ! Un huis clos des médias dans lequel nous, les femmes, n’étions d’ailleurs qu’une minorité. Le chemin sera long...
Dans la nomination au conseil des ministres comme dans la décision d’offrir ou non des obsèques nationales à madame Sutto, l’attitude du gouvernement nous porte à croire qu’ils seraient peut-être même déterminés à écarter les femmes.
Dans le premier cas, leur excuse est de vouloir nommer les ministres « au mérite » et que le bassin de députées est trop petit. Il existe pourtant une solution simple pour changer cela. Dans le deuxième, c’est l’absence de « rayonnement à l’international » qui justifie leur choix. L’œuvre de 75 années de madame Sutto n’était pas à la hauteur. Considérant la place des femmes dans la culture et la société il y a 75 ans, il est difficile de ne pas y voir un biais sexiste dans cette exigence de rayonnement au-delà des frontières nationales...
Pour mettre fin au sexisme systémique qui se manifeste jusqu’au cœur du gouvernement actuel, il doit y avoir une volonté réelle. L’obligation de calculer et de rendre public l’impact différencié selon le sexe de leurs décisions est un premier pas nécessaire pour y arriver.
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