Tiré de Basta mag.
Issu d’un parti de droite (PMDB) et ancien vice-président de Roussef, il a pris la place de président, sans élection, après le coup d’État parlementaire, orchestré par la droite et l’extrême droite en 2016. De nouvelles révélations divulguées ce 17 mai mettent aujourd’hui directement en cause Michel Temer dans l’immense scandale de corruption qui ébranle le pays. Il pourrait même être accusé d’obstruction à la justice.
Directement mis en cause, Temer refuse de démissionner
Dans les nouveaux enregistrements rendus publics, Michel Temer est en conversation avec le chef d’une grande entreprise agroalimentaire brésilienne, JBS. Ce grand producteur de viande est aussi mis en cause dans une vaste affaire de vente et d’exportation de viande avariée qui a éclaté au Brésil ce printemps. Le patron de l’entreprise explique au président comment il soudoie l’ancien député (de droite) Eduardo Cunha, pour éviter qu’il ne fasse des révélations aux enquêteurs. C’est Cunha, alors qu’il était Président de la chambre des députés, qui avait initié la procédure de destitution contre Dilma Rousseff. Il a été condamné en mars à 15 ans de prison pour corruption.
Le 18 mai, le témoignage filmé du même entrepreneur à la justice a été rendu public. Il y raconte les discussions avec un proche du président Temer pour négocier le paiement d’une commission au chef de l’État en échange d’une décision favorable de la part de l’administration de règlementation de la concurrence.
Suite à ces révélations, une enquête a été ouverte contre le président intérimaire. Même si ces éléments l’impliquent directement, Temer a dénoncé un prétendu complot, refusé de démissionner, demandé la levée de l’enquête et attaqué la véracité des enregistrements. Sa position est toutefois de plus en plus fragile. Il a déjà perdu le soutien d’un des partis politiques représentés au Parlement. Et les Brésiliens descendent dans la rue pour exiger sa démission et l’organisation de nouvelles élections.
Temer sera peut-être contraint de quitter ses fonctions très prochainement. Plusieurs demandes de procédures de destitution à son encontre ont été déposées par des parlementaires ces derniers jours. Le 6 juin, le tribunal suprême fédéral doit décider de son sort dans l’affaire de financement occulte de sa campagne électorale de 2014, ainsi que de celle de Dilma Roussef.
Si le tribunal le contraint à renoncer à la présidence, s’il est destitué, ou s’il démissionne finalement, une nouvelle élection du président de la République devrait avoir lieu. Mais celle-ci pourrait se faire sans recourir au suffrage universel, par simple vote des députés du Parlement brésilien.
Des manifestations pour demander des nouvelles élections par le peuple
C’est pour demander une élection directe, par le peuple, que les Brésiliens descendent dans la rue depuis jeudi avec le slogan « Diretas já » (« des élections directes, maintenant »), inspiré du mouvement populaire qui a contribué à la chute de la junte militaire brésilienne au pouvoir de 1964, après un putsch, à 1984. De nouvelles manifestations se sont déroulées dans tout le pays dimanche 21 mai. Les prochaines élections présidentielles sont, en théorie, prévues à l’automne 2018. Mais cette échéance semble bien éloignée au vue de l’instabilité politique actuelle et de l’illégitimité qui frappe le pouvoir, après deux ans d’un scandale de corruption qui a éclaboussé une très grande partie de la classe politique et du monde des affaires.
Si une élection présidentielle directe avait lieu aujourd’hui, l’ancien président de gauche Luiz Inacio « Lula » Da Silva aurait des chances de l’emporter, selon les sondages. Mais il est lui aussi poursuivi, avec un zèle particulier, par le juge Sergio Moro dans le cadre de l’opération anti-corruption Lava Jato.
Ces nouveaux enregistrements, qui mettent en cause Michel Temer pour complicité de corruption et obstruction à la justice, sont dévoilés alors que le gouvernement intérimaire mène des réformes très brutales en dérégulant le code du travail et en durcissant les conditions pour pouvoir bénéficier d’une pension retraite. Les lois en préparation attaquent violemment les avancées sociales mises en œuvre au Brésil depuis quinze ans (voir notre article). Auparavant, le gouvernement de Michel Temer avait déjà adopté un amendement constitutionnel qui gelait les dépenses publiques (santé, éducation)… pendant 20 ans.
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