Publié le 2 août 2016
Le CIO n’a à ce jour pas présenté d’excuses pour la tenue de ces Jeux de 1936, malgré les nombreuses demandes dans ce sens.
Il reste donc marqué par sa collaboration avec le régime nazi.
L’opération nazie pour contrecarrer le boycott.
Le 4 août 1935, Pierre de Coubertin, fondateur de l’olympisme moderne, président d’honneur à vie du CIO, Pierre de Coubertin, qui admirait « intensément » Hitler déclare à la radio française :
« J’ai l’impression que toute l’Allemagne, depuis son chef jusqu’au plus humble de ses écoliers, souhaite ardemment que la célébration de 1936 soit l’une des plus belles que le monde ait vu. Dans une année, les cloches de Pâques auront annoncé la prochaine entrée dans le stade de Berlin des athlètes venus de tous les coins du monde. »
Mais à ce moment, un an avant la date prévue des J.O. tout ne se présente pas aussi bien que Pierre de Coubertin ne le dit. Les appels au boycott se multiplient notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni. Pour Hitler comme pour le CIO, ces jeux doivent être une réussite. Il faut pour cela qu’Hitler accepte d’intégrer des Juifs dans l’équipe olympique allemande. La Charte olympique, qui interdit l’éviction d’athlètes pour des raisons raciales, religieuses ou d’opinion, doit être respectée.
Or le 15 septembre 1935, les lois antijuives de Nuremberg sont adoptées, les Jeux sont donc en péril. Charles Sherrill, un ancien ambassadeur américain et soutien d’Hitler, rencontre le chef nazi et lui explique comment procéder :
« Ne prenez ne serait-ce qu’un seul Juif, un demi-juif suffirait… »
Coup de théâtre, le lendemain, le 21 septembre, Hans von Tschammer und Osten, responsable des Sports du Reich, envoie une lettre à la fleurettiste Hélène Mayer, championne olympique et double championne du monde dont seul le père est juif, mais qui selon les lois raciales de Nuremberg est bien considérée comme juive. Il s’agit de la convoquer pour les J.O. de Berlin. Hélène Mayer accepte. Sans se rendre compte de la portée de son geste, elle offre à Hitler les jeux dont ils rêvaient. Les appels au boycott continuent mais ils sont dorénavant balayés d’un revers de la main par Baillet-Latour, président du CIO :
« La campagne du boycottage n’est donc que politique, basée sur des affirmations gratuites »
Dès lors les JO d’hiver puis d’été peuvent se dérouler sans encombre et le 1er août 1936, Adolf Hitler ouvre les Jeux de Berlin.
La complaisance envers le nazisme trouve une expression particulière dès les Jeux Olympiques d’hiver de 1936, qui eurent lieu du 6 au 16 février de cette année, dans la ville allemande de Garmisch-Partenkirchen.
Ces Jeux, désirés par Hitler, arrivé au pouvoir trois ans auparavant (1933), furent organisés afin de lui servir de vitrine par Goebbels, Ministre de la Propagande du Troisième Reich. C’est le belge Henri de Baillet-Latour, antisémite notoire, qui était alors le président, depuis 1925, du Comité international olympique (CIO).
Un célèbre cliché photographique le montre entouré, lors de la cérémonie d’ouverture de ces Jeux d’hiver de 1936, de Adolf Hitler et de Rudolf Hess, dauphin du Führer. Lorsque Baillet-Latour mourut en 1942, Hitler lui fit envoyer, portées par une garde d’honneur composée de soldats allemands, plusieurs couronnes de fleurs, dont une en son nom personnel et une aux couleurs du Troisième Reich, le tout assorti de rubans à croix gammées.
Et puis il y eut à Berlin 1936, du 1er au 16 août les « Jeux de la honte ».
Le fondateur de l’olympisme moderne, président d’honneur à vie du CIO, Pierre de Coubertin, qui comme nous l’avons indiqué, admirait « intensément » Hitler, fut plus dithyrambique encore à leur égard en déclarant : « Que le peuple allemand et son chef soient remerciés pour ce qu’ils viennent d’accomplir. (…). Cette glorification du régime nazi a été le choc émotionnel qui a permis le développement qu’elles (les Olympiades) ont connu ! »
Hitler, qui n’en demandait pas tant pour vanter son régime aux yeux du monde, le proposa, pour le remercier, comme lauréat du prix Nobel de la paix, ce que à quoi l’Académie d’Oslo se refusa d’acquiescer.
Il existe aussi, à ce sujet, une photo, tout aussi compromettante, reproduite ci-dessus, de la cérémonie d’ouverture des JO de Berlin en 1936, où l’on voit Hitler, arborant la croix gammée, saluer le drapeau olympique en faisant le salut nazi.
C’est lors de la même année 1936 que les premières persécutions antisémites apparaîtront au grand jour en Allemagne.
Pas moins de 114 lois anti-juives y seront édictées pendant le seule période s’étalant entre les Jeux Olympiques d’hiver, à Garmisch-Partenkirchen, et ceux d’été, à Berlin, tandis que tous les athlètes juifs de l’équipe nationale allemande en seront exclus sauf dans le cas de l’escrimeuse qui servit de caution malgré elle.
Le 16 juillet 1936, deux semaines avant l’ouverture de ces JO d’été, 800 Tziganes et Roms résidant à Berlin furent arrêtés lors d’une rafle orchestrée par la police allemande, puis internés dans un camp sous la garde des SS de Himmler.
Ce fut là le premier camp de concentration de l’histoire nazie spécialement aménagé à cet effet, celui de Marzahn, quartier situé dans l’est de Berlin. La plupart de ces prisonniers-là, dont beaucoup y furent exécutés sommairement, n’en sortirent jamais plus.
Sur ce premier crime de guerre commis par le Troisième Reich, en plein Jeux Olympiques, ni le président du CIO, Henri de Baillet-Latour, ni son président d’honneur, Pierre de Coubertin, ne pipèrent mot, le couvrant ainsi du haut de leur prestige international
Pire encore, le président du Comité National Olympique Américain d’alors, Avery Brundage, antisémite chevronné, nazi convaincu et membre actif de deux associations ultra racistes outre-Atlantique, toutes deux proches du « Ku Klux Klan », convainquit les États-Unis d’Amérique de ne pas boycotter ces Jeux de Berlin, sous prétexte que « les Juifs étaient bien traités par le Reich »,
Brundage, disciple d’Hitler et que Göring recevait régulièrement en grande pompe, fut nommé, en 1952, président du CIO, puis, en 1972, « président d’honneur à vie » lui aussi.
Il existe là encore une photo de l’entrée triomphale d’Adolf Hitler, entouré des principaux membres du CIO, lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Berlin.
Une autre date marquante est le 18 novembre 1936, à peine trois mois après la clôture des Jeux de Berlin.
C’est ce jour-là, en effet, qu’eut lieu le départ des aviateurs allemands de la légion « Condor », unité de la « Luftwaffe » alors placée sous les ordres de Göring, pour aller combattre en Espagne, contre les républicains, aux côtés des fascistes de Franco. Au premier rang de ceux-ci émergeait alors, un certain Juan Antonio Samaranch, qui militait déjà, en ce temps-là, dans les rangs des pro-hitlériennes « Phalange Espagnole Traditionnaliste » (FET) et autres « Juntes Offensives National-Syndicalistes (JONS). Après avoir été nommé par Franco lui-même, en 1967, « Secrétaire aux Sports » dans le gouvernement espagnol (lequel favorisa de grands criminels nazis) il deviendra de 1980 à 2001, le nouvel et inamovible président du même CIO.
Les JO de 1936 ne constituent pas le seul scandale de ce type. Beaucoup d’autres compétitions se sont tenues alors que résonnaient les cris des victimes d’une dictature qui les organisaient et en en tiraient profit. Cela montre à quel point les structures de direction du sport-spectacle et du sport-business s’accommodent et de la collaboration avec les pires régimes et de la présence à leur tête de fascistes et de racistes connus. Le sport, transformé en exaltation du nationalisme et source de profit, devient ainsi un rouage de la barbarie.
Memorial 98
http://www.memorial98.org/2016/07/berlin-1936-les-jeux-olympiques-de-la-honte.html ?