Gène noir et gène blanc, ou même plus
Fils d’une mère blanche et d’un père noir, qui sait peut-être x fois arrière petit fils amérindien, Barack Obama ne serait pas plus noir que blanc ou métis. Pourquoi serait-il noir et non métis ou blanc ? C’est au fond inquiétant et en même temps insensé qu’il soit « noir ».
En Amérique du Nord, notamment aux USA, une certaine croyance voudrait que toute personne née d’un parent ou d’un ancêtre indien sera indienne, et de même l’autre née d’un parent « de couleur » sera de couleur. Cette acception consécratrice de la prévalence d’un gène sur un autre, n’est pas soutenue par une considération valorisante. Elle est plutôt empreinte d’une subtile et triste perception hiérarchisante des races, et le culte d’une pureté pour la domination dominante. Les puristes s’en défendront, mais s’enfargeront dans leurs argumentaires. Une eau pure mélangée le moindrement avec une eau salée ne sera plus pure, disent-ils, mais plutôt salée. Ainsi se mélangeraient également les races. Mais alors, à quoi tient la désignation de la race qui ne se mélange pas ? Logiquement, soit les frontières raciales tombent avec le mélange des gènes, soit une autre race en émerge. Certains tentent de se soustraire de la discussion et associent la prévalence du « noir » ou de l’« indien » au souci de préservation des minorités, préoccupation paradoxalement partagée par ces mêmes minorités et la majorité. Depuis l’apparition de la brillante étoile d’Obama, nombreux noirs invoquent le patriarcat pour s’attacher à son ascenseur. Et quelle importance donc de l’identifier au groupe racial des noirs ? Si c’est si important, ne devrait-on pas considérer les métis avant les autres !
Ce biais d’attribution identitaire n’est pas typiquement nord-américain. Ceux qui sont le moindrement informés au sujet de la tragédie du Rwanda, feront un lien avec le drame des familles mixtes dans un contexte de barbarie ethnicisée. Au Rwanda, hutus et tutsis sont significativement mixés. Imaginez le drame lorsque esprits véreux et bourreaux se sont ligués pour discriminer voire éliminer les membres d’un groupe ethnique, et qu’une mère s’est vue enlever son bébé à qui l’on attribuait gratuitement l’identité ethnique du père ! Évidemment il s’agît là d’une situation extrême. Aux USA, dans un tout autre contexte, d’autres étoiles bicolores sont peintes en « Noir », souvent avec fierté et délices. On en compte beaucoup parmi les vedettes des arts, à l’instar de la prodigieuse Alicia Keys. Au Canada, l’exemple qui crève les yeux est celui du génial Gregory Charles. Gregory a beau articuler l’harmonie multicolore incarnée en lui, hélas d’aucuns persistent à dire qu’il est simplement noir. Noirs et Blancs s’entendent pour ne voir en lui qu’une descendance négroïde ! Peut-on questionner cette vision monoculaire ? Je n’ai rien contre la plus grande visibilité du noir, mais je trouve incommode de réduire de cette façon la beauté du mélange des gènes et des couleurs. Et je trouve encore déplorable que l’on focalise sur l’aspect emballage au risque de ne pas savoir bien apprécier le meilleur dans le contenu.
Plutôt charismatique et inspirant …
A ma modeste connaissance, Obama ne se serait confié à personne pour s’identifier exclusivement au « Noir ». Ses discours n’y font pas non plus allusion, même s’il faut reconnaître qu’il ne s’offusque pas de ce que le monde veuille qu’il soit noir. Même son curriculum vitae montre plutôt un cheminement décloisonné. Comment alors l’opinion arrive-t-elle à voir en lui un « noir », et pourquoi voudrait-on qu’il soit un « noir » ?
Blancs et Noirs et les autres le voient comme tel j’imagine, avec des sentiments qui sont sensiblement les mêmes, allant de l’étonnement à la fierté. Je les entends souvent ces voix émues proclamant la joie et la fierté que leur inspire ce jeune président. Hélas, le décor est plutôt triste, manifestement brodé sur le fond d’un double complexe de résonance raciste. D’une part, il y a des Noirs qui se cherchent désespérément une étoile noire dans un ciel en blanc, et des Blancs qui ont aveuglement besoin d’un ciel en noir pour bien voir des étoiles, d’autre part.
A mes yeux à moi, Barack biologique est autant noir, métis que blanc, mais Obama de la scène politique n’est ni Noir, ni blanc, ni mulâtre, ni métis. De toute évidence, Barack Obama ne s’est pas fait du capital politique et de sympathie sur le cheval de l’appartenance raciale. Son charisme, son éloquence, sa constance et ses idées l’ont propulsé sur l’orbite des étoiles. Et tous les peuples, peu importe la race, trouvent en lui une source d’inspiration saine et le prennent dans l’ensemble pour leur étoile. Ainsi Obama nous offre à tous une rare occasion de communion universelle. Dommage que l’on ne sache se passer des vielles lunettes de la race pour apprécier à sa véritable valeur cet homme du renouveau qui nous est donné, à tous sans discrimination aucune.