Il y a encore un tas d’« angles morts », de bifurcations inutiles et d’impasses dans lesquelles nous sommes confinés. Dire que c’est pire ailleurs, c’est pour se consoler, comme le dit l’adage, mais ça n’élimine pas les défis. On l’a dit plusieurs fois et on le voit souvent, nous évoluons dans un périmètre certes important, mais largement confiné aux régions urbaines (dont Montréal évidemment) et nous sommes « blancs », pour appeler les choses ainsi. Lors des derniers congrès de QS, on n’avait qu’à regarder dans la salle, car sur les quelques centaines de personnes qui étaient là, il y avait un très petit nombre de personnes qui visiblement ne venaient pas du même background ethnique ou linguistique.
Je ne pense pas que cette situation découle d’une mauvaise volonté, ni que nous sommes « racistes » sans le savoir. Mais il y a parfois des tendances, à gauche comme ailleurs, à ne pas confronter la réalité. Si nous avons peu d’immigrant-es et même des populations « de souche » qui ne sont ni francophones ni d’ascendance européenne, ce n’est pas parce qu’on veut que cela soit ainsi, mais ce n’est pas non plus une « situation » tolérable.
Il y a des raisons. Nous avons au Québec une identité qui vient d’une longue lutte de résistance et c’est bien comme cela. Mais cette identité, qui se traduit par une culture, une manière de parler et de s’organiser, des références explicites ou implicites, n’est pas la seule au sein d’un peuple québécois qui n’est plus le même qu’il y a 40 ans. D’autres groupes, qui constituent maintenant une partie importante du peuple, ont également une identité, pas meilleure ni pire, qu’ils considèrent peu reconnue et valorisée, très souvent par l’indifférence, plutôt que par un racisme ouvert. À part les ethno-nationalistes « purs et durs » tels Joseph Facal et les fanatiques de l’assimilation, la plupart des gens, surtout des militants, ne vont pas dire qu’ils sont contre les immigrant-es. Par contre, vont-ils faire quelque chose de concret et de persistant pour défier la discrimination qui s’exerce, même parfois ,il faut le dire, dans les mouvements progressistes ? La réponse courte est non.
C’est assez frustrant pour nos ami-es de Montréal-Nord ou de NDG d’avoir l’air « fatigants », quand ils demandent qu’on fasse plus de place pour les minorités, les racisés, les non-francophones. C’est tannant de se faire dire non, souvent d’une manière polie, mais qui veut dire « on fait rien ». On se fait dire que cela n’est pas possible de faire de la discrimination « à l’envers ». On se fait dire qu’il ne faut pas heurter les sensibilités « populaires » (la hantise des femmes voilées). Et plus encore, on se fait dire que des organisations ne peuvent pas imposer à leurs membres de faire de la place aux autres parce que ce n’est pas « démocratique ». Tous ces arguments aboutissent au même point d’achoppement, qu’on voit dans les congrès de Québec solidaire, ou dans les assemblées syndicales, par exemple.
Cet aveuglement devant le problème du racisme, qui n’est pas nécessairement du racisme comme tel, renforce la barrière et nous confine encore plus dans notre zone de confort, dans notre « périmètre ». Et alors, on s’en va dans un mur. Les dominants ont évidemment bien vu cela et jouent la carte du tout-le-monde-contre-tout-le-monde. C’est excessif et dangereux aux États-Unis, en France, en Autriche et ailleurs. Cela ne l’est pas encore au Québec, mais on sent comme une mauvaise tendance.
La gauche québécoise a osé à plusieurs reprises, dans sa relative courte histoire, confronter le dispositif du pouvoir. Aujourd’hui donc, on va se donner une petite dose de courage et on va faire comme à Québec l’année passée, quand des camarades comme Sébastien Bouchard ont confronté les médias-poubelles et les hypocrites des « valeurs ». On va encourager Québec Solidaire à ouvrir grandes ses portes, en tout cas, beaucoup plus qu’aujourd’hui.
Merci en passant à Amir Khadir pour toutes ces belles années et bonne chance à Ruba Ghazal qui va porter, on l’espère, les couleurs de l’émancipation québécoise et secouer la cage.
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