Édition du 17 décembre 2024

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Monde du travail et syndicalisme

Aux États-Unis, le mouvement climat se solidarise de la grève de l’automobile

Alors qu’aux États-Unis le patronat cherche à faire passer les grévistes de l’industrie automobile pour des anti-écolo, plus de 100 organisations écologistes se sont positionnées du côté des travailleurs dans une déclaration.

20 septembre 2023 | tiré de Révolution permanente | Photo : Luigi Morris
https://www.revolutionpermanente.fr/Aux-Etats-Unis-le-mouvement-climat-se-solidarise-de-la-greve-de-l-automobile

Aux Etats Unis, une grève historique dans les Big 3, les trois géants de l’automobile Ford, General Motors et Stellantis, rassemble 12 700 grévistes depuis le 15 septembre pour exiger des augmentations de salaires (46% sur 4 ans), une réduction du temps de travail et de meilleures conditions de travail.

Un mouvement d’ampleur dans un secteur central de l’industrie américaine, face auquel la Maison Blanche se prépare d’ores et déjà à soutenir économiquement le patronat. Si le gouvernement Biden regarde la situation avec fébrilité et se tient prêt à sortir des millions pour les patrons du secteur, ces derniers, eux, ont déjà lancé l’offensive contre la grève. Une offensive particulièrement originale puisque ces géants de l’automobile, qui se sont enrichis sur le modèle écocide de la voiture individuelle et à la sueur des ouvriers, accusent ces derniers … de mener une grève contre la transition écologique, et plus particulièrement contre l’électrification du parc automobile !

Dans une interview au New York Times le 15 Septembre, le PDG de Ford a ainsi déclaré : « Les demandes des syndicats forceraient Ford à abandonner ses investissements dans la mobilité électrique ». Une petite musique qui s’est propagée dans la plupart des médias américains, de Politico (« La grève pourrait perturber le déploiement des véhicules électriques ») à la NBC (« Les profits sont nécessaires pour financer le développement des véhicules électriques »), comme le dénonce le journal indépendant In These Times.

Une triple hypocrisie, puisque ces entreprises, qui ont été arrosées par Biden de milliards publics pour financer leur transition à l’électrique, « ont été parmi les opposants les plus virulents aux régulations pour permettre aux pays de respecter les limites de 1,5°C de réchauffement des accords de Paris », d’après une enquête du Guardian citée par In These Times. Par ailleurs, les 250 milliards de dollars réalisés par le trio d’entreprises sur les quatre dernières années sont plutôt allés dans les poches des actionnaires via de juteux rachats d’actions que vers une hypothétique transition « verte » … De plus, quand ces entreprises se lancent dans l’électrique, c’est pour mieux dégrader les conditions et les statuts des travailleurs, tout en pillant le lithium nécessaire et autres métaux, occasionnant des dommages écologiques massifs dans les pays dominés.

Une hypocrisie dénoncée par Sydney Ghazarian, militante au Labor Network for Sustainability, un réseau qui soutient la grève via un rassemblement d’organisations écolos : « Ce ne sont pas les travailleurs de l’automobile qui ont masqué la recherche sur le réchauffement climatique à partir des années 1960 tout en faisant pression contre la protection du climat. Ce ne sont pas les travailleurs de l’automobile qui ont pris la décision de produire des véhicules énergivores ou d’implanter des usines polluantes dans les communautés ouvrières de couleur. Ces décisions ont été prises par des patrons de l’industrie automobile comme Mary Barra, Jim Farley et Carlos Tavares (respectivement PDG de General Motors, Ford et Stellantis) dont la principale motivation était de s’assurer qu’ils pourraient empocher des millions et des millions de dollars par an ».

Les mensonges anti-ouvriers des industriels ne leur ont en effet pas permis de se mettre dans la poche les organisations du mouvement écolo. C’est ainsi que paraissait le 17 septembre une lettre ouverte adressée aux PDG de ces entreprises, intitulée «  Le mouvement Climat se tient au côté de l’UWA », impulsée par le Labor Network for Sustainability et signée par plus de 100 organisations écologistes, antiracistes et pour la justice sociale dont Greenpeace, Les Amis de la Terre, 350.org ou encore Fridays for future. Dans cette déclarations, les organisations affirment : « nous sommes solidaires avec les travailleurs de l’automobile et leur syndicat le United Auto Workers (UAW) dans leurs négociations de contrats à venir avec le « Big3 » […] nous soutenons fermement les revendications des membres du UAW et croyons que le succès de ces négociations est d’une importance critique pour les droits et le bien-être des travailleurs ainsi que pour la protection des personnes et de l’environnement ».

La lettre ouverte appuie les revendications des grévistes, à commencer par l’abandon du système TIER qui permet une paye différente pour un travail égal, l’augmentation des salaires, l’accélération de la transition à l’électrique et que celle-ci soit faite en garantissant le statut des travailleurs. Les organisations revendiquent également une « transition [qui] doit être centrée sur les travailleurs et les communautés, en particulier ceux qui ont alimenté notre économie pendant l’ère des combustibles fossiles, et être un vecteur de justice économique et raciale. Nous vous mettons en garde : La cupidité des entreprises et les profits des actionnaires ne doivent plus jamais passer avant des emplois syndiqués sûrs et bien rémunérés, un air et une eau propres et un avenir vivable ».

Un véritable coup de butoir à la propagande patronale, qui ouvre la possibilité d’une convergence sur le terrain entre le mouvement climat américain et les grévistes de l’automobile, alors que les sondages révèlent que 75% de la population américaine est favorable au mouvement de grève. Ce soutien significatif vient mettre en lumière qu’une transition réellement écologique et respectant les intérêts de la population et des travailleurs ne peut être prise en charge que par les travailleurs eux-mêmes et les alliances qu’ils sauront développer avec ceux qui partagent leurs intérêts. Alors que la crise écologique s’accélère, et que les mensonges et offensives du patronat pour garder la main sur leurs profits s’accentuent de pair, cette grève historique contre le patronat d’une industrie particulièrement sale en plein cœur de l’impérialisme américain (également plus gros pollueur mondial) ouvre des perspectives importantes pour le mouvement écologiste du monde entier.

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