Le Parti libéral n’a finalement pas perdu de temps pour réchauffer le plat néolibéral. Avec le budget Leitao, les orientations redoutées se confirment : coupes dans les services sociaux, protection éhontée des riches et une lancée à toute allure dans l’extraction des ressources naturelles.
Pas question de nommer l’austérité, mais tous les ingrédients y sont. La logique est simple : l’État a une grande dette et vit au-dessus de ses moyens. Calcul comptable : il faut hausser les revenus ou couper dans les dépenses. Là où ça se corse, c’est qu’il n’est pas question de hausser les impôts pour les plus riches, les banques ou les grandes compagnies. Pourquoi ? Parce que ceux-ci sont de précieux et délicats flocons de neige. Ou quelque chose comme ça.
Alors, on coupe dans les dépenses : la santé, l’éducation. À long terme, toutefois, on peut songer à augmenter les revenus. Pas de salut si on ne stimule pas l’économie. Mais qu’est-ce qui stimule l’économie ? On ne sait pas trop.
Ce qui est certain, c’est qu’il faut réduire les taxes et les impôts, surtout pour les riches. D’accord, plusieurs rapports prouvent que ça n’aide pas la création d’emplois, mais faisons comme si de rien n’était.
Vous êtes confus-es ? Vous trouvez que ça n’a pas de sens ? Bienvenue dans l’économie capitaliste.
Mais je digresse. L’environnement entre en scène dans l’équation parce qu’il apparaît comme une source de revenus facile. C’est la cour arrière du Québec, y’a du gros cash dans le sous-sol et on va aller le chercher. On relance le Plan Nord et on met un + parce que c’est + mieux. Et pourquoi pas la mine Arnaud, ou les mines d’uranium ? Vite avec l’exploitation du pétrole dans le fleuve Saint-Laurent, en Gaspésie, à Anticosti. Oh, est-ce que les gaz de schiste sont rentables ? À quand la fin du moratoire ?
Une chance que les forêts et les rivières ne peuvent pas menacer de plier bagage, comme les médecins ou les investisseurs. Heureusement que les bélugas, les caribous et les générations futures n’ont pas droit de vote.
Toujours la même leçon
La vie a le don de nous faire apprendre la même leçon encore et encore ad nauseam.
Je n’avais que seize ans quand j’ai décidé d’aller étudier au cégep en technologie forestière. J’étais convaincu que c’était un bon endroit pour apprendre comment protéger la forêt et espérais pouvoir en vivre. Vous imaginez la rapidité à laquelle ma naïveté s’est heurtée à la réalité. Toutefois, je retiens un choc au-dessus des autres.
Ma classe visitait un chantier de coupe et certains opérateurs de machinerie prenaient un moment pour nous parler de leur métier. Un opérateur d’abatteuse groupeuse (ces monstres mécaniques qui arrachent jusqu’à 2 000 arbres par jour) nous a dit candidement qu’il était sensible à la sauvegarde des forêts, mais que son métier était précaire et qu’il était difficile de joindre les deux bouts. Avec un peu de gêne, il avoua qu’il avait une famille à nourrir et qu’une fois aux commandes de sa machine, s’il voyait un beau spécimen (un arbre de grand volume, qui vaut plus cher), il irait « le chercher » même s’il devait tuer les quelques jeunes arbres en travers du chemin. Aussi simple que ça.
J’ai appris à ce moment-là ce que tant d’autres avaient compris, et qui ne s’est qu’autant plus confirmé depuis : il y a un lien de causalité entre les inégalités socio-économiques et la destruction de l’environnement. En d’autres mots, une personne pauvre et insécurisée est difficilement en mesure de faire de bons choix pour l’environnement, même si elle en est consciente, parce qu’elle va chercher à sauver sa peau maintenant avant de penser à demain.
Et vous, jusqu’où iriez-vous pour survivre ? Pour subvenir aux besoins de vos proches ? Qu’est-ce que vous ne feriez pas ? Où tracez-vous la ligne ?
« On veut des jobs ! » C’est exactement ce que nous disent les gens en faveur de la mine Arnaud, qui voulaient garder la centrale nucléaire Gentilly-2, ou qui préfèreraient tuer les caribous pour pouvoir continuer à couper du bois.
Ça a quelque chose d’ingénieux, vous ne trouvez pas ? Retirez le filet de sécurité sociale, rendez les gens précaires et proposez-leur ensuite des solutions extrêmes, comme ouvrir une mine à ciel ouvert en pleine ville, raser des forêts protégées et forer du pétrole dans un sanctuaire marin.
Difficile de s’opposer, non ? Effectivement. Mais c’est aussi nécessaire.
Le parti de la raison
J’avais mentionné à quel point je trouvais sordide le slogan électoral du Parti libéral de s’occuper des « vraies affaires » alors que les problèmes environnementaux criants étaient habilement balayés sous le tapis.
Parce que la vérité, la raison, j’y crois. La raison, c’est comprendre la conséquence de ses actes. Et prendre son parti n’est pas un luxe réservé aux intellos du dimanche, aux « écolos du Plateau » et aux gens qui ont trop de temps entre les mains.
C’est aussi réel et concret que l’autisme et la schizophrénie, la faim, la vie et la mort.
Ce qui n’est pas rationnel, c’est le darwinisme social - l’idée, pour ceux qui manquent d’empathie, que nous ne sommes pas égaux et que certains peuvent régner tout-puissants.
Puis si ça ne vous plaît pas, on vous profile, on vous envoie l’anti-émeute,
on vous roue de coups de pieds, on vous crève un œil, on vous fend le crâne et tout cela est conforme à la Loi. Puis encore, on ne parle que du Québec.
En enfonçant la cruauté dans le quotidien de millions de personnes, l’austérité garantit que l’environnement passera en dernier. L’ironie, c’est que les coûts sociaux, médicaux et environnementaux qu’entraîne la destruction des écosystèmes seront entièrement assumés par la population... à qui on demandera encore de se serrer la ceinture, possiblement au niveau du cou.
Je vous laisse avec cet excellent résumé de la réforme de l’assurance-chômage à l’assurance-emploi et des restrictions de plus en plus sévères sur les droits des travailleurs-ses. Avec le recul, les choses sont toujours plus claires, vous ne trouvez pas ?