En effet, loin de réévaluer leur démarche et critiqués de toutes parts, plusieurs CSSS au Québec poursuivent activement des projets dits d’« optimisation des soins à domicile ». Concrètement, ceux-ci consistent à imposer aux professionnel-les travaillant sur le terrain des méthodes de travail et d’évaluation qui ne sont pas adaptées à la réalité des services humains qu’ils dispensent. Ces changements organisationnels ont un impact négatif sur la qualité de vie et sur la satisfaction au travail des salarié-es et nient également leur autonomie professionnelle.
En outre, si quelques CSSS brandissent des résultats démontrant que le personnel voit plus de patients, de nombreux intervenants et de nombreuses intervenantes déplorent la déshumanisation des services et, par conséquent, une diminution de la qualité. Enfin, les syndicats croient que ces ressources financières seraient plus profitables si elles étaient investies dans les services aux citoyennes et aux citoyens plutôt que dans de lucratifs contrats, souvent octroyés de gré à gré, à des entreprises externes pour former des cadres aux méthodes de contrôle de l’emploi du temps des salarié-es.
Le ministre interpellé
Ainsi, l’APTS, la FIQ et la CSN demandent au ministre Réjean Hébert de faire connaître sans tarder les conclusions du bilan qu’il a demandé à chaque CSSS sur ce type de contrats. Par ailleurs, les organisations syndicales l’enjoignent de donner aux CSSS la directive claire de procéder à de véritables travaux d’organisation du travail, dans lesquels les travailleuses et les travailleurs et leurs syndicats joueront un rôle central, dans le but d’améliorer l’accessibilité aux soins à domicile. Le ministre a déjà indiqué que selon lui, les interventions de consultants en management comme Proaction ne sont pas des démarches d’organisation du travail. D’ailleurs, les trois organisations syndicales ont chacune conclu des ententes avec le ministère portant sur l’organisation du travail, dans leurs conventions collectives respectives, afin de baliser d’authentiques démarches en ce sens. Celles-ci doivent nécessairement être paritaires et déboucher sur une amélioration des conditions de travail et de la satisfaction au travail ainsi qu’à l’amélioration des services.
Des solutions à proposer
« Nos membres œuvrent au quotidien sur le terrain. Des propositions pour améliorer les processus et offrir au final plus de services et de meilleure qualité, nous en avons. Nous ne comprenons pas pourquoi certains établissements persistent à nous imposer ces solutions qui ne tiennent aucunement compte des préoccupations de celles et de ceux qui tiennent les services à bout de bras. D’autres établissements ont choisi, avec succès, de miser sur de véritables travaux paritaires, associant réellement les travailleuses et les travailleurs du début à la fin de la démarche, et cela donne de bons résultats », souligne la présidente de la FIQ, Régine Laurent.
« Dans de nombreux établissements, il y a eu et il y a toujours des exercices d’organisation du travail qui se font de façon paritaire, donc avec les syndicats. Ni les CSSS ni les agences n’ont su jusqu’à maintenant nous expliquer de façon satisfaisante pourquoi ce modèle ne serait pas applicable dans les soins à domicile. Quant à nous, les Proaction et consorts ne font pas d’organisation du travail. Ils font de la formation de cadres et la contribution des salarié-es se limite à minuter leurs interventions quotidiennes : ils ne sont aucunement consultés sur ce qu’ils constatent comme problèmes et sur les solutions qu’ils privilégient », explique le vice-président de la CSN, Jean Lacharité.
Ressources financières
Les syndicats se questionnent également sur l’utilisation judicieuse des fonds publics, soit plusieurs millions de dollars sur l’ensemble du territoire québécois. « Les sommes allouées à ces entreprises privées auraient été mieux investies en services directs à la population. Nous croyons fermement qu’on peut améliorer l’accessibilité aux services en travaillant concrètement à l’organisation du travail, mais ce n’est pas non plus une formule miraculeuse. Il devra aussi y avoir de l’argent frais injecté dans les soins à domicile si on souhaite vraiment atteindre nos objectifs. Le Québec est parmi les provinces qui investissent le moins dans ces soins : on ne peut pas compter que sur le dévouement du personnel pour combler ce retard », ajoute la 1re vice-présidente de l’APTS, Johanne McGurrin.