« Nous continuons de croire que le gouvernement a détourné la somme colossale de 57 G$ pour équilibrer ses comptes sur le dos du régime d’assurance-emploi. Même si la Cour avalise cet état de fait, ça demeure inacceptable », lance Jean Lacharité, vice-président de la CSN.
« La décision de la Cour suprême crée une confusion entre le pouvoir de taxation général et la possibilité de mettre en place des cotisations à des fins déterminées. Dans les faits, il s’agit d’un véritable vol. Ce sont les travailleurs et les entreprises qui cotisent à l’assurance-emploi, le gouvernement fédéral n’a pas mis une seule cenne relativement à ce surplus de 57 milliards », ajoute Daniel Boyer, président de la FTQ.
La décision actuelle pose, par ailleurs, une question plus large sur notre démocratie. « Il s’agit d’une atteinte à notre système démocratique puisque nos gouvernements n’ont plus à faire preuve du courage politique requis afin d’augmenter les impôts des particuliers, mais ils peuvent le faire désormais en prétextant prélever des sommes pour financer un régime d’assurance », d’affirmer Jean Lacharité, vice-président de la CSN.
Rien n’est réglé non plus en ce qui concerne le fonctionnement actuel du régime d’assurance-emploi et qui est à l’origine des surplus importants. « Ce qui est odieux c’est qu’à l’heure actuelle à peine 40 % des personnes en chômage ont droit à des prestations alors qu’en 1989, 87 % des chômeurs bénéficiaient de la protection du régime » ajoute Daniel Boyer, président de la FTQ.
Rappel des faits
Au mois d’avril 2011, les deux centrales syndicales avaient déposé un recours contestant la validité constitutionnelle de certaines dispositions mettant en œuvre le budget fédéral de 2010 et par lesquelles le gouvernement avait aboli le Compte d’assurance-emploi sans transférer le solde cumulatif du compte au nouveau Compte des opérations de l’assurance-emploi soit plus de 57 milliards de dollars.
La Cour supérieure avait accueilli la requête en irrecevabilité du gouvernement en concluant que la Cour suprême avait déjà tranché la question dans son jugement de 2008. La Cour d’appel avait accueilli l’appel des centrales syndicales et retourné le dossier à la Cour supérieure pour qu’elles soient entendues au fond, mais le gouvernement fédéral a obtenu la permission d’en appeler devant la Cour suprême.
Recours précédent
Rappelons que la CSN et le Syndicat national des employés de l’Aluminium d’Arvida, affilié à la FTQ, avaient intenté un recours en 1999 pour contester l’utilisation par le gouvernement fédéral de son pouvoir constitutionnel de prélever des cotisations d’assurance-emploi pour garnir les coffres de l’État plutôt que pour financer le régime d’assurance-emploi. Pour les organisations syndicales, il s’agissait d’un détournement des sommes prélevées.
Par jugement rendu le 13 décembre 2008, la Cour suprême concluait, tout comme le juge Clément Gascon de la Cour supérieure et la Cour d’appel, que les sommes prélevées n’avaient pas été détournées, mais constituaient plutôt une réserve de stabilisation des taux de cotisation puisque les surplus cumulatifs avaient été comptabilisés en tant que solde créditeur du Compte d’assurance-emploi auprès du Trésor. Suivant les tribunaux, l’objectif poursuivi par le mode de fixation du taux de cotisation, soit la création d’une réserve, et l’inscription au Compte d’une créance envers le Trésor, équivalente au montant des surplus, préservaient le lien entre les cotisations prélevées et le régime et assuraient leur validité constitutionnelle.
L’actuel recours
Pour la CSN et la FTQ, la tentative du gouvernement, en 2010, de faire disparaître le solde créditeur du Compte constitue, cette fois, un détournement des sommes prélevées au titre de cotisation d’assurance-emploi et constitue une rupture du lien entre les sommes prélevées et le financement du régime, ce qui est inconstitutionnel.
Pour les organisations syndicales, il est important que le solde créditeur de 57 milliards de dollars soit rétabli et puisse combler les besoins financiers du régime en évitant, d’une part, des hausses artificielles du taux de cotisation et en finançant, d’autre part, des améliorations nécessaires à la couverture du régime afin que celui-ci joue véritablement son rôle d’assurance des travailleurs canadiens contre le chômage.