Concrètement, Menchen Wan est pointée du doigt pour sa responsabilité réelle ou supposée, dans la mort d’une dizaine d’orpailleurs dans une mine dont elle est la propriétaire en 2021. Avec l’appui de la société civile camerounaise notamment le CED (centre pour l’environnement et le développement), des familles des victimes constituées en collectif réclament justice face à un exploitant minier sourd et indifférent à la douleur des familles.
« C’est déjà une victoire de trainer une compagnie chinoise en justice au Cameroun », se réjouit maitre Dieudonné Tedjisse, l’avocat des familles des victimes. Si l’avocat se réjouit de ce procès, c’est parce que c’est la première fois que la justice camerounaise admet une procédure impliquant une compagnie chinoise, malgré des frasques et le lot d’accusations qui pèsent contre elles. « La Chine est avant tout, un partenaire économique privilégié du Cameroun », souffle un économiste camerounais sous anonymat.
Entre droits de l’homme, pollution et destruction de l’environnement
L’exploitation de l’or dans l’est du Cameroun provoque de fortes tensions entre populations locales et exploitants chinois, accusés d’assassinat, d’accaparement des terres, de pollution et de corruption dans un pays où l’industrie aurifère n’est véritablement pas encadrée. En novembre 2017, un employé appartenant à la société chinoise Lu et Lang avait abattu un Camerounais qui cherchait de l’or sur la parcelle dont elle revendiquait la propriété. Courroucés, les villageois ont tué à leur tour le Chinois à coup de cailloux. La compagnie minière scellée au départ avait fini par reprendre ses activités sur le site de Longa Mali après un bref arrêt. L’affaire est passée sous silence devant les autorités camerounaises. Les familles affirment n’avoir pas été indemnisées. Qui se cachent derrière ces entreprises chinoises ? Pourquoi bénéficient-elles d’une si forte impunité ? S’interroge une autorité locale.
Dans ces sites miniers, de Kambele et Betare-oya, les entreprises chinoises sont également accusées de pollution des cours d’eau au mercure et au cyanure. Ce qui serait à l’origine des maladies respiratoires et cutanées chez les enfants, les femmes et les orpailleurs. L’on note aussi la disparition de la faune et de la flore aquatiques. Une étude menée par le centre pour l’environnement et le développement montre une forte concentration du mercure et du cyanure dans des cours d’eau situés à proximité des mines exploitées par des sociétés chinoises dans le village kambelé à l’est du Cameroun. Pourtant, l’utilisation de ces produits chimiques est proscrite par une décision gouvernementale du 28 aout 2019.
De plus, la destruction de la végétation, la modification du relief avec la création des grands trous qui deviennent par la suite des lacs artificiels et cimetières des riverains et des artisans qui trouvent la mort par noyade. Entre 2021 et 2022, l’ONG camerounaise Foder affirme avoir recensé un effectif de 703 trous abandonnés, dont 139 lacs artificiels sur une superficie de 93,66 hectares, avec une centaine de morts enregistrés. Une réalité de terrain en violation avec les dispositions de l’article 136 du code minier camerounais : « la restauration, la réhabilitation et la fermeture des sites miniers et de carrières incombent à chaque opérateur ».
Où va l’or chinois ?
Dans leur rapport 2022 intitulé « Cameroun : l’or, secteur miné », Publish Wath You Pay (Publiez ce que vous payez) et le CED alertent sur le flou existant sur la destination de l’or exploité par des entreprises chinoises au Cameroun. Officiellement signalent-elles, « le Cameroun n’a exporté aucun gramme d’or vers la Chine, malgré le nombre élevé de compagnies chinoises dans le secteur ». Afin de faire toute la lumière, elles proposent au gouvernement camerounais de conduire une étude sur l’exploitation de l’or par ces entreprises chinoises, afin de comprendre quelle est la destination (réelle) des minerais produits au cours des dix dernières années.
Jean Charles Biyo’o Ella
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