Dans leur nouvel ouvrage, qui porte cette fois sur la campagne électorale présidentielle de Biden et qui s’intitule Lucky : How Joe Biden Barely Won the Presidency (Crown 2021), les deux journalistes démontrent comment la campagne médiatique, orchestrée notamment par le New York Times, le Washington Post et le clan Clinton, visait à invisibiliser et à décrédibiliser Sanders et le DSA (Democratic Socialists of America). Le mot d’ordre était que Sanders ne devait pas apparaître sur la couverture des journaux, surtout s’il avait gagné dans certaines primaires, mais il fallait en parler afin de le critiquer et de le présenter comme une personne dangereuse pour les États-Unis. En dépit de cette campagne médiatique contre Sanders et le DSA, la gauche socialiste et ses allié-e-s progressistes se sont réuni-e-s pour élire quarante-cinq candidats et candidates dans l’appareil politique étatsunien. Ceci a démontré que le message avancé par la gauche socialiste est porteur au sein de la population, en dépit du Parti démocrate et de leur candidat Biden.
Le Parti démocrate de l’État de New York vit actuellement une crise interne, que nous pouvons qualifier de crise d’autorité. Le Gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo — qui est dans son troisième mandat — a été accusé d’avoir menti sur le nombre de morts dans les « maisons de retraite » (nursing homes). Cuomo était perçu depuis le début de la pandémie de COVID-19 comme un exemple de « leadership » dont les États-Unis avaient besoin, et des rumeurs grandissantes le voyaient comme un futur président des États-Unis. Depuis cette accusation, Cuomo a aussi été accusé par six femmes (à ce jour) de harcèlement sexuel. Ces femmes étaient des conseillères dans son entourage. Il réfute toutes ces accusations, mais les démocrates à l’Assemblée législative et le Sénat de l’État de New York lui demandent de démissionner. Les deux sénateurs qui représentent l’État de New York au sénat à Washington, Charles Schumer et Kristan Gilibrand, ont également exigé sa démission. Cuomo refuse, ce qui provoque une crise d’autorité dans le gouvernement de l’État de New York.
La sénatrice du 18 e district de Brooklyn au Sénat de l’État de New York, la socialiste Julie Salazar, a rapidement perçu cette crise d’autorité et a réagi en créant une vaste coalition d’organisations progressistes qui réclament aussi la démission de Cuomo. La sénatrice Salazar a fondé cette vaste coalition, qui couvre l’ensemble de l’État de New York, avec l’aide de Sochie Nnaemeka, directrice à New York du Parti des familles travailleuses (Working Families Party). Nnaemeka a toujours soutenu les politiques de la sénatrice Salazar, et elle a invité les membres de son parti à soutenir Salazar pour ses deux élections au poste de sénatrice. Le parti de Nnaemeka, après les démocrates et les républicains, est le troisième parti le plus important dans l’État de New York. Cette alliance avec Salazar a aussi contribué à l’établissement d’une vaste coalition avec des groupes impliqués dans diverses luttes à travers l’État., incluant le DSA, Make the Road Action (écologistes), Citizen Center of New York, Community for Change, le syndicat des travailleurs hospitaliers et des travailleuses hospitalières, le Teachers Union of New York et plusieurs groupes communautaires.
Pour la Sénatrice Salazar, le but de cette coalition n’est pas seulement de faire démissionner Cuomo, mais aussi de développer à moyen terme un contre-pouvoir — ou comme le dirait Antonio Gramsci, une contre-hégémonie — dans l’État de New York, contre les démocrates et les républicains. Cette contre-hégémonie permettrait de dénoncer le pouvoir corrompu et exploiteur du capitalisme. Nous voyons encore ici l’effet des quarante-cinq élu-e-s dans l’appareil politique à différents niveaux de gouvernement aux États-Unis. Le Gouverneur Cuomo accuse Salazar d’être une communiste athée, une stratégie de salissage qu’il a utilisée durant toute sa carrière politique afin de défendre le capitalisme.
Dans l’État du Nevada, nous voyons aussi comment les victoires de la gauche socialiste donnent de l’énergie aux militants et aux militantes à la base, qui contestent la vieille garde démocrate. L’ancien sénateur du Nevada, Harry Reid, représente cette vieille garde qui contrôlait tout dans l’État : on ne faisait rien au Nevada sans l’approbation de Reid, et surtout lorsqu’il était le leader de la majorité démocrate au sénat. La gauche socialiste, encouragée par les victoires en 2020 et soutenue par les syndicats de l’hôtellerie et de la restauration, les enseignants et les enseignantes ainsi que les travailleurs et les travailleuses agricoles, majoritairement hispanophones, ont créé une large coalition à travers l’État et se sont présenté-e-s pour prendre les cinq postes sur le conseil d’administration du Parti démocrate au Nevada, avec Judith Whitmer comme directrice du Parti démocrate de l’État du Nevada.
L’élection de cinq socialistes à la tête du Parti démocrate au Nevada a provoqué une crise. Les employé-e-s qui travaillaient avec la direction du parti ont démissionné, sous la pression de la vieille garde. De tels comportements montrent bien que les élites au sein de Parti démocrate ne sont pas différentes de celles du Parti républicain, et que les deux partis sont l’envers de la même médaille.
Les quarante-cinq socialistes élu-e-s et la montée la gauche à l’échelle locale, comme dans l’état de New York et l’État de Nevada, prouvent que le travail mené à la base porte ses fruits, à moyen terme et à long terme. Ceci va sûrement encourager les militants et militantes à continuer la lutte.
Lotta Continua
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