Édition du 3 décembre 2024

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Alexey et Maxim, les otages de Khimki, toujours emprisonnés

La campagne se poursuit. Le bras de fer doit se terminer par la libération d’Alexey et Maxim, il en va de l’avenir des mouvements sociaux en Russie. En cas contraire, exprimer publiquement ses convictions et s’engager pour une quelconque cause deviendra criminel.

Le 27 septembre 2010, puis le 28, suite de deux procès expédiés et en grande partie fermés au public, les deux jeunes emprisonnés depuis deux mois pour le soi-disant « pogrom » de l’administration de Khimki – Alexey Gaskarov et Maxim Solopov – ont été condamnés à encore deux mois de prison préventive, le temps que se poursuive l’enquête. Ni les lettres de soutien de députés de la Douma d’Etat, ni les arguments des avocats et des présumés coupables selon lesquels leur mise en liberté ne constituait ni un danger pour la société, ni un risque pour la tenue de l’enquête, rien n’y a fait : en quelques minutes la juge du tribunal de Khimki a rendu son verdict : encore deux mois de prison pour... pour quoi ?

Les dégâts engendrés par l’action des quelque 400 jeunes venus à Khimki, le 28 juillet 2010, soutenir la campagne des écologistes et habitants locaux pour la sauvegarde de la forêt et contre la construction de l’autoroute Moscou-St-Pétersbourg ne justifient guère une telle sévérité (rappelons qu’au final les deux inculpés risquent une peine allant jusqu’à 7 ans d’emprisonnement). Quelques carreaux cassés et des murs tapissés de tags ne font pas un « pogrom ». Encore moins un acte « prémédité » et « organisé » par des meneurs...

Alexey et Maxim sont-ils coupables de leur engagement militant ? De leurs convictions antifascistes ? Du soutien qu’ils ont apporté aux mouvements sociaux ? Ce serait alors le procès d’une jeunesse militante et indépendante.

• Ils paient pour l’affront porté au pouvoir, pour cette action symbolique témoignant du ras-le-bol de l’arbitraire des organes d’Etat et prenant pour cible la mairie de Khimki.

• Ils paient parce qu’il n’y a pas de coupables à présenter aux autorités supérieures, les mouvements des jeunes – anarchistes, antifascistes, de « gauche radicale », etc. – n’ayant ni structures, ni organisations formelles, ni commanditaires.

• Ils paient parce qu’ils sont parmi les rares militants de cette mouvance à s’exprimer en public ouvertement et sans fard.

• Ils paient parce qu’ils se sont rendus eux-mêmes à une entrevue-piège organisée par la police.

• Ils paient parce la mairie de Khimki ne connaît pas d’autre moyen de garder la face, ne sait pas dialoguer avec ses concitoyens autrement que par la force (en deux ans de lutte pour la défense de la forêt de Khimki, les écologistes et habitants mobilisés n’ont jamais été admis à la table des négociations, par contre ils ont été menacés, victimes de passages à tabac...).

• Ils paient parce que les forces de l’ordre, au lieu de s’occuper du maintien de l’ordre, étaient occupées, pendant le dit « pogrom », à disperser le camp de veille des écologistes dans la forêt de Khimki, et à protéger les agissements des jeunes bandits embauchés par le promoteur pour surveiller l’abattage des arbres.

Evguenia Tchirikova, leader du mouvement de défense de la forêt de Khimki, menacée par ces bandits et arrêtée le même jour par ces « forces de l’ordre », l’a dit dernièrement publiquement lors d’une conférence de presse : « Quand on est militant et qu’on s’en prend à une mairie on se retrouve emprisonné pour des mois, et quand on est bandit on ne risque rien ».

C’est contre cet arbitraire, cette leçon que le pouvoir tente de donner à tous les citoyens quelque peu mobilisés, qu’est menée depuis des mois la campagne pour la libération des otages de Khimki.

Les 17-20 septembre dernier ont eu lieu des Journées internationales pour leur libération, des actions ont eu lieu dans plus d’une dizaine de pays, y compris à Paris. En Russie, des rassemblements ont eu lieu à Moscou (300 personnes), St-Pétersbourg (200 personnes), et plus d’une dizaine d’autres villes. Des députés, hommes politiques, défenseurs des droits de l’homme, musiciens et artistes prennent position pour la libération des otages de Khimki. Une pétition a été adressée au président Medvedev.

Et la campagne se poursuit. Le bras de fer doit se terminer par la libération d’Alexey et Maxim, il en va de l’avenir des mouvements sociaux en Russie. En cas contraire, exprimer publiquement ses convictions et s’engager pour une quelconque cause deviendra criminel.

* Carine Clément est la responsable de l’Institut de l’action collective (IKD) à Moscou. Cet article a été écrit au début septembre.

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