Édition du 19 novembre 2024

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Revue de Presse

Afrique du sud : malaise au pays de la nation arc-en-ciel

A Marikana, cette mine de platine, où pas moins de 34 grévistes ont trouvé la mort cet été, abattus par la police sud africaine, l’heure du jugement dernier approche. Plus exactement précise le DAILY MAVERICK ce jeudi matin, l’heure de la paye approche. Or voilà quelques jours que des rumeurs circulent selon lesquelles, l’augmentation promise de 22% des salaires n’aura pas lieu.

C’était pourtant l’engagement qu’avait pris le groupe, troisième producteur mondial de platine pour mettre un terme à la grève. Seulement voilà, lorsque l’un des employés de la mine est allé réclamer l’autre jour à son administration une preuve, pour sa banque, de ce qu’il avait bien été payé, le personnel confus n’a pu que constater que son salaire même revalorisé n’incluait pas la totalité de l’augmentation promise par la direction. Et lorsqu’il leur a demandé une explication, ces derniers se sont contentés, en haussant les épaules, de lui répondre que c’est ce qui était inscrit sur leur écran d’ordinateur. Depuis le mot s’est évidemment répandu et voilà pourquoi en ce jeudi matin donc, tous les mineurs de Marikana attendent avec impatience de connaître enfin ce que leurs bulletins de salaire va bien pouvoir leur révéler commente toujours le journal sud africain avant de s’interroger :Cette fin de mois apportera-t-elle davantage encore de chaos ?

Car pour le reste, les dernières nouvelles du front ne sont pas plus rassurantes. Bien au contraire puisque mardi, le groupe Gold Fields, le numéro un sud-africain de production d’or, 4ème au niveau mondial a licencié 8.500 mineurs rapporte le site britannique de la BBC, 8500 grévistes qui ont ignoré l’ultimatum de la direction exigeant un retour au travail. Une semaine plus tôt, le groupe avait déjà licencié avec le même mode opératoire, 1.500 travailleurs sur un site voisin rapporte de son côté le site d’information TIMES LIVE. Enfin hier, le groupe minier AngloGold a lui licencié 12.000 mineurs en grève sauvage et qui avaient eux aussi ayant refusé de reprendre le travail après des semaines de manifestations.

Il faut dire que les mineurs en ont assez des promesses non tenues écrit de son côté l’envoyée spéciale du journal suisse LE TEMPS. Zemba, l’un des foreurs de Marikana justement, lui montre ses mains enflées. Elles sont dures comme la pierre dit-elle, comme la pierre qu’il perce chaque jour, agenouillé dans un boyau d’1m50 de haut, sous une chaleur torride, à 3000 mètres de profondeur. Avec ce que je gagne, je ne m’en sors pas raconte Zemba, qui vit dans une cabane en tôles ondulées, dans un village aux rues défoncées qui jouxte l’imposante mine de platine. Un grand lit, un frigo, une plaque de cuisson, une chaise en plastique, voilà le maigre univers qu’il partage aujourd’hui avec sa petite amie et leurs deux enfants.

Car cette crise de la mine est en réalité symptomatique du malaise social de la nation arc-en-ciel analyse le journal burkinabé LE PAYS. Voilà un pays dont les chiffres de croissance affolent les compteurs et rendent envieuses, c’est vrai, les autres nations du continent mais où les travailleurs des mines sont payés une bouchée de pain. Véritable pays de cocagne pour nombre de Subsahariens, le pays de Mandela se révèle à la faveur de ces derniers événements comme un enfer pour toute une catégorie de travailleurs. Alors comment renforcer la cohésion d’une société si divisée interroge toujours le journal ? Car c’est bien tout le mythe d’une Afrique du Sud prospère et d’une nation arc-en-ciel qui est aujourd’hui mis à rude épreuve.

Pour preuve, cette triste réalité est également aujourd’hui à la base d’une crise au sein du parti majoritaire, l’ANC, où les dignitaires menés par Jacob Zuma, lequel brigue un second mandat lors du congrès du parti en décembre prochain se retrouvent bousculés par l’aile jeune représentée par Julius Malema. Et il ne s’agit pas là seulement d’une guerre de générations ou de succession, mais bien plus encore d’une opposition entre deux visions de la politique du parti au pouvoir. Face aux inégalités sociales abyssales, l’aile incarnée par Malema n’a eu de cesse de dénoncer l’embourgeoisement de la nouvelle élite noire de l’ANC et son incapacité à faire face aux défis d’une Afrique du Sud véritablement démocratique. Car sur le plan des droits politiques, le pays peut être considéré c’est vrai comme le porte-flambeau du continent. Sauf qu’il continue de sécréter l’une des sociétés les plus inégalitaires au monde, preuve que les dirigeants actuels ont échoué dans l’instauration de la justice sociale. A l’apartheid racial a donc succédé l’apartheid économique peut-on lire encore dans les colonnes du quotidien burkinabé.

Alors bien sûr on ne peut pas effacer en quelques années les stigmates de la ségrégation raciale, qui faisait des Blancs les détenteurs du pouvoir économique et des Noirs des bêtes de somme. C’est un long processus, mais visiblement, pour la majorité noire qui continue de croupir dans les townships, le rythme des réformes est par trop lent. Pour cette masse d’oubliés, la liberté acquise n’a de sens que si elle s’accompagne d’un minimum de bien-être. Et cela d’ailleurs est valable pour le reste de l’Afrique poursuit l’article. Après avoir troqué leurs vestes multiformes (militaires, pères de la nation, autocrates) contre celles de dirigeants élus, bien des chefs d’Etat ont cru voir là l’accomplissement de leur mission. Seulement voilà, la mise en place des institutions, du reste souvent creuses, a été perçue comme une finalité. Une grave erreur que certains ont payée cash, avec les différentes émeutes de la faim qui ont secoué l’Afrique subsaharienne. Et le journal de conclure, la démocratie ne signifie pas seulement l’organisation régulière d’élections. Elle implique aussi un large spectre d’exigences pour les gouvernants, à commencer par la justice sociale, ce que l’Afrique du Sud vient de nous rappeler de la plus tragique des manières.

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