Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Ouverture de la 38e session ordinaire de la Commission de l’Union africaine (CUA), à Addis-Abeba, en Ethiopie, le 15 février 2025. Photo Tiksa Negeri/Reuters.
Le 15 février, l’Union africaine (UA) a adopté une résolution, présentée par le Ghana et appuyée par l’Algérie. Cette résolution, intitulée “Justice pour les Africains et les personnes d’origine africaine à travers les réparations”, a été retenue comme thème de l’année 2025 pour l’Afrique. Selon Africa Inside, “cette initiative marque une avancée majeure dans la construction d’un front africain uni pour porter ces revendications sur la scène internationale”. C’est même la première fois dans son histoire que l’UA place les réparations au premier plan, analyse de son côté The Guardian.
“Esclavage, pillage : combien doivent Londres, Rome, Bruxelles, Paris… à l’Afrique ?” La question est abruptement posée par le titre ivoirien L’Infodrome, qui reproduit une carte de l’Afrique figurant les sommes que doivent verser la France, l’Espagne, l’Italie, la Belgique, le Portugal et le Royaume-Uni aux pays africains à titre de réparations.
Cette initiative a d’ailleurs été présentée comme un “moment historique” par Monique Nsanzabaganwa, vice-présidente sortante de la Commission de l’Union africaine, puisqu’elle devrait permettre “de rendre à l’Afrique ses droits légitimes et renforcer ses revendications légitimes”. Une analyse que partage Africa Inside, qui estime :
“En plaçant la question des réparations et de la justice coloniale au cœur du débat international, cette résolution de l’Union africaine pourrait marquer un tournant dans les relations entre l’Afrique et l’Occident. Elle ouvre la voie à une reconfiguration géopolitique.”
En amont de ce 38e sommet de l’UA, rapporte Business Insider Africa, le Conseil économique, social et culturel de l’UA (Ecosocc) avait organisé un présommet de la société civile pour faire avancer ce dossier des réparations et des dommages liés aux effets durables de l’esclavage et de la colonisation. Du XVe au XIXe siècle, au moins 12,5 millions d’Africains ont été kidnappés, transportés de force par des marchands, principalement européens, et vendus comme esclaves.
Justice réparatrice
En 2023, rappelle Business Insider Africa, l’Union africaine avait déjà adopté une résolution visant à obtenir une justice réparatrice pour l’esclavage transatlantique et la colonisation, relançant le débat sur sa mise en œuvre. L’organisation panafricaine avait notamment souligné la nécessité de la restitution des terres autochtones confisquées et la restitution des objets culturels saisis pendant la période coloniale.
La même année, l’UA s’était associée à la Communauté caribéenne (Caricom) pour exiger des réparations. À l’époque, le Guardian notait que ce partenariat entre l’Union africaine, composée de 55 membres, et la Caricom, composée de 20 pays, visait à intensifier la pression sur les anciens pays esclavagistes pour qu’ils s’engagent dans le mouvement des réparations.
La Caricom avait également élaboré son propre plan de réparation en dix points, qui prévoyait notamment une justice réparatrice, des excuses officielles complètes, l’annulation de la dette et l’investissement des anciennes puissances coloniales dans les systèmes de santé et d’éducation des pays lésés.
L’Afrique exige des comptes
Cependant, le succès de ces efforts dépendra de la capacité des pays de l’UA à surmonter la résistance des anciennes puissances coloniales. Car, comme le souligne Business Insider Africa, de nombreux dirigeants occidentaux s’opposent au versement de réparations.
Si Donald Trump estimait déjà en 2019 qu’il “ne voyait pas cela se produire”, Emmanuel Macron a plaidé, lui, pour une “réconciliation des mémoires”, tandis que le populiste britannique Nigel Farage voit dans ces négociations sur les réparations un signe de faiblesse.
En outre, la question n’est pas exempte d’arrière-pensées politiques. Ce projet de résolution a ainsi été porté par l’Algérie, qui a joué un rôle de premier plan dans la volonté de l’Union africaine de faire reconnaître sur la scène mondiale ce dossier de la réparation de la colonisation. Or cette résolution intervient dans un contexte d’une détérioration des relations entre l’Algérie et la France, notamment sur la question de la mémoire coloniale.
De même, l’expulsion des troupes françaises de plusieurs pays du Sahel et d’Afrique de l’Ouest s’est accompagnée d’une critique mémorielle de l’ancienne colonisation française, tandis que la Russie et la Chine ont amplifié et utilisé la question de la responsabilité coloniale pour contester l’influence européenne en Afrique, analyse le Guardian.
Mais peut-être est-ce justement “le bon moment pour que l’Afrique exige des comptes et pour que les démocraties européennes proposent enfin une réponse significative”, souligne le titre britannique, qui estime qu’“alors que le monde est aux prises avec des dynamiques de pouvoir changeantes, l’appel de l’Afrique à la justice est plus urgent que jamais”.
Courrier international
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