« La vision managériale et centralisatrice derrière la réforme Drainville est loin de faire consensus. Sur le fond des choses, nous sommes vraiment déçus du manque flagrant d’ouverture de la part du ministre Drainville. Ce dernier a complètement ignoré les préoccupations et les recommandations de nombreux acteurs du réseau et d’experts de l’éducation. Disons que ce n’est pas le meilleur exemple de dialogue social ! Ça ressemble drôlement à profiter d’un contexte de crise pour passer une réforme dont personne ne veut en vitesse sous de faux prétextes d’urgence. On pouvait prendre le temps de faire les choses autrement », souligne d’entrée de jeu Éric Gingras, président de la CSQ. Même la transformation du Conseil supérieur de l’éducation n’y a pas échappé, malgré les appels unanimes à le conserver intact.
Une déprofessionnalisation des enseignantes et enseignants
« Malgré toutes les propositions constructives que nous avons faites, le ministre est resté complètement fermé et sans écoute. Ce projet de loi met tout en place pour engendrer une déprofessionnalisation des enseignantes et des enseignants : diminuer les exigences de la formation initiale, restreindre l’autonomie professionnelle du personnel enseignant, orienter sa pratique encore davantage en fonction des statistiques. Abaisser la barre de la qualité, c’est ça la vision du ministre Drainville pour notre profession », s’est indignée Brigitte Bilodeau, première vice-présidente et responsable des dossiers professionnels et pédagogiques de la FSE-CSQ.
Une formation continue imposée
La version finale du projet de loi adoptée aujourd’hui accentue la mainmise du ministre et des directions sur les formations. « Nos membres croient à l’importance de la formation continue, mais elle doit se faire selon leurs besoins et ceux qu’ils identifient pour leurs classes ! Ils n’en peuvent plus des activités inutiles que tentent de leur imposer des directions convaincues d’avoir la science infuse. L’autonomie professionnelle, elle doit être réelle », a poursuivi madame Bilodeau. À ce chapitre, le président de la FPSS-CSQ, Éric Pronovost, ajoute qu’« il faut encourager la formation continue de tout le personnel scolaire, mais ne pas rendre son contenu obligatoire. Il faut laisser aux personnes concernées le choix des formations qu’elles désirent suivre, afin qu’elles soient pertinentes à leur emploi et à leurs besoins. Il faut également l’accorder à tout le personnel de soutien scolaire qui agit au service direct à l’élève, peu importe son statut d’engagement. »
L’obsession des chiffres
En renforçant la gestion axée sur les résultats, la réforme Drainville nous convie à un pilotage du réseau sur la base de données, sans vision large de la réussite éducative et du rôle de l’éducation au sein de la société.
« Nous sommes inquiets du virage ministériel entrepris par le ministre Drainville, dans lequel l’amélioration du taux de réussite devient la seule donnée qui semble vraiment compter. Les chiffres deviennent une obsession. Favoriser l’épanouissement des élèves et l’atteinte de leur plein potentiel devrait être l’objectif qui guide les législateurs dans leurs prises de décisions en éducation. D’autant plus que les problématiques vécues par les élèves en difficulté et l’aide qui doit leur être offerte sont complètement ignorées par le projet de loi, alors qu’il s’agit de l’urgence de l’heure en éducation. C’est incompréhensible », soutient Jacques Landry, président de la FPPE-CSQ.
Le mirage de l’enseignement à distance
Qui plus est, la réforme Drainville permettra davantage d’enseignement à distance et comodal pour toutes sortes de prétextes. « Le manque d’ouverture du ministre est décevant. Le personnel enseignant a dû patauger trois ans pour qu’on en arrive à quelques balises plus claires concernant l’enseignement à distance. Malheureusement, l’adoption du projet de loi ne permettra pas de contrer les dérives de ce type d’enseignement », souligne Stéphane Lapointe, président de la FPEP-CSQ.
Une réforme de la gouvernance scolaire dont personne ne voulait
Rappelons finalement que, contrairement à la réforme Dubé en santé, rien n’avait été exposé en campagne électorale quant aux intentions de la Coalition avenir Québec de mettre en place un tel chambardement de la gouvernance scolaire. De même, le dépôt du projet de loi no 23 n’a fait l’objet d’aucune consultation préalable des acteurs du réseau.
Ainsi, le ministre Drainville s’est entêté à maintenir intégralement son projet de loi malgré une déclaration commune soutenue par plus de 6 350 appuis d’organismes et d’individus intervenant à divers degrés en éducation. Cette déclaration, lancée par la FSE-CSQ, demandait au ministre de rebrousser chemin et de mettre son énergie à répondre plutôt aux véritables besoins des milieux, en écoutant celles et ceux qui font l’éducation au quotidien. Elle était appuyée non seulement par la CSQ et l’ensemble de ses fédérations scolaires, mais aussi par la CSN, la FTQ et l’APEQ, par Debout pour l’école, Je protège mon école, le MÉMO, plusieurs centaines de chercheurs universitaires et plusieurs milliers d’enseignantes et d’enseignants.
La perte de contre-pouvoirs
La volonté de museler les contre-pouvoirs en éducation inquiète : « Ce projet de loi s’inscrit dans la lignée du PL40, un projet de loi centralisateur, à l’idéologie comptable et aux effets démobilisateurs des citoyens du Québec envers le réseau de l’éducation. Faire taire les contre-pouvoirs est une attaque directe au principe de démocratie participative », mentionne Vincent Beaucher, président de la FREUQ-CSQ.
Rien pour améliorer le quotidien du personnel des écoles
« Alors que les personnels enseignant, de soutien scolaire et professionnel des écoles publiques s’apprêtent à exercer une troisième séquence de grève, il n’y a malheureusement rien dans cette réforme pour améliorer concrètement leurs conditions d’exercice », termine Éric Gingras.
Un message, un commentaire ?