Ce lock-out décrété en début d’année dure et perdure. C’est 1030 travailleurs et travailleuses qui sont dans la rue. Il a commencé alors que le syndicat affirmait sa volonté de négocier. La direction ne le cache pas, elle est à l’offensive. Elle recherche des concessions importantes sur les clauses concernant le respect de l’ancienneté et le régime de retraite. Cette volonté d’arracher des concessions apparait encore aussi importante sinon plus après presque dix mois de conflit.
Récemment, suite à l’échec de la médiation de Lucien Bouchard (le Lucide parmi les Lucides !), le syndicat déplorait même des demandes patronales accrues. Pourtant, tout cela se passe dans un contexte économique favorable. Le prix de l’aluminium est bon, la croissance économique aussi, particulièrement aux États-Unis, principal marché d’exportation d’Alcoa et Rio Tinto. Comment expliquer une telle intransigeance (arrogance ?).
Un peu comme un ouragan tire son énergie de la chaleur de la mer, ce conflit la tire peut-être de la caractéristique bicéphale de sa propriété et surtout du caractère asymétrique de cette copropriété. Si on dit que les faits sont têtus, dans le cas de ce conflit, ils sont plutôt éloquents.
L’usine ABI appartient à 75% à Alcoa et 25% à Rio Tinto. Elle a une capacité de production de plus de 400 000 tonnes d’aluminium. Alcoa a une capacité totale de production de près d’un million de tonnes. Rio Tinto de son côté a une capacité de production de plus de 3,5 millions de tonnes. Sans tenir compte de la production réalisée pendant le lock-out, Rio Tinto est donc privé de près de 3% de sa production et Alcoa d’environ 30%.
La question se pose d’emblée : qui donc a le plus intérêt à pousser pour une ligne dure face au syndicat ? Poser la question, c’est y répondre. Il ne faut pas oublier qu’à la base, Rio Tinto et Alcoa sont des compétiteurs. De plus, élément non négligeable, les 100 000 tonnes revenant à Rio Tinto sont beaucoup moins profitables que le reste de sa production puisque le coût de l’électricité de cette usine est beaucoup plus élevé que celui des usines appartenant en totalité à Rio Tinto.
Il est important de le rappeler, ce n’est pas la première fois que le privilège énorme dont jouit Rio Tinto (la possession de ses barrages) dessert non seulement les travailleurs et les travailleuses québécois, mais aussi l’ensemble de la population au Québec. En 2012, lors du lock-out de six mois à l’aluminerie Rio Tinto d’Alma, cette dernière a vendu pour 90 millions$ d’électricité à Hydro-Québec qui n’avait d’autre choix que de l’acheter, malgré ses surplus. La question mérite donc d’être posée, qu’est-ce qu’il faudra à la population québécoise pour se rendre compte que ce privilège accordé à Rio Tinto est devenu archaïque et n’a plus sa place dans le Québec d’aujourd’hui ?
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