Édition du 17 décembre 2024

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1er mai

À Québec, un premier mai historique où la notion de grève sociale commence à se concrétiser

Ce premier 1 mai 2015 est une date historique au Québec. Pas seulement parce que c’est la Fête internationale des travailleurs et travailleuses : cette date revient année après année. Non ! Ce qui en fait une journée historique et dont on reparlera dans dix ans c’est que ce premier mai a vu la notion de grève sociale prendre corps.

Y aura-t-il des suites ? Est-ce cela qui en fera un 1 mai historique ? On peut espérer que les militantes et militants continuent leurs structurations communes. Mais au-delà de cela, ce premier mai demeure historique par la notion nouvelle que les groupes ont bâti ensemble même si cela demeure un one shot.

Les groupes communautaires en grève

Au Québec c’est plus de 800 organismes en services et en droit sociaux qui ont décidé de faire la grève ce premier mai. 800 groupes en grève c’est déjà une première. Mais en plus ces groupes ne sont pas majoritairement syndiqués. Ce sont donc de leur initiative que leur personnel et les membres de leur conseil d’administration (CA) ont accepté le mandat de grève sociale.

Mais la grève est en fait sociale car le personnel des groupes est majoritairement rémunéré pour débrayer ne faisant qu’exécuter le mandat donné par le conseil d’administration du groupe. Dans la région de Québec-Chaudières-Appalaches des zones de grèves (10 selon le Regroupement d’éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et Chaudière-Appalaches REPAC) ont été organisées pour permettre aux groupes d’un quartier de se réunir et d’établir une visibilité avec la population locale. Les locaux des groupes ont été décorés pour bien signaler que leur fermeture signifiait une grève. Des actions de sensibilisations : kiosques, jeux, animations, informations, aspect culturel et musical se sont déroulées tout au cours de la journée.

Des actions aussi dérangeantes et des mobilisations ont aussi eu lieu (distribution de tracts aux terminus d’autobus, actions de casseroles etc.). Ces zones de grève sont une première dans l’histoire du Québec. Réunir des militants et militantes pour les rendre visible et les sortir de l’isolement est une initiative à répéter.

... contre l’austérité

Le gouvernement libéral du premier ministre Couillard a attaqué très durement les mouvements sociaux et ce, à peine après être élu. Pourtant, ses discours électoraux ne parlaient en rien d’austérité et de déficit zéro. Les gens n’ont pas voté pour ça. Des coalitions nationales et régionales se sont mises sur pied et ont permis d’organiser les militants et militantes du mouvement syndical, communautaire, des femmes et écologiste et d’élaborer une plate-forme complète de revendications dénonçant le néolibéralisme mais surtout proposant des solutions pour financer les programmes sociaux.

Des coalitions régionales ont vu le jour et le mouvement a pris une ampleur nationale mais partout l’élément central demeure la lutte aux coupures. Tout comme les mobilisations étudiantes, les gens du communautaire ont débrayé pour lutter contre l’austérité et l’application des mesures néolibérales du gouvernement Couillard. Ils dénoncent le démantèlement du filet social, les coupures des programmes sociaux et demandent une meilleure répartition de la richesse et le financement et l’autonomie de l’action communautaire. Ces groupes se battent, tout comme les étudiants et étudiantes, pour un projet social nouveau et alternatif. Ils se battent concrètement.

Les batailles contre les mesures de « rigueur économique » ne peuvent se gagner si les mouvements les mènent chacun de leur côté. Les mouvements étudiant et communautaire ont montré que concrètement dans l’action les luttes se rejoignent.

Le mouvement femmes a aussi pris part aux activités contre les mesures d’austérité avec les 24 heures pour le féminisme le 24 avril. Cette action internationale visait à mettre en lumière la situation des femmes surexploitées dans les ateliers de misère comme au Bengladesh. Plus de 1000 femmes sont mortes lors de l’effondrement de leur usine parce que des patrons profiteurs ont refusé de voir la dangerosité des lieux. De plus lors des événements du 1 mai plusieurs groupes de femmes au Québec et plusieurs militantes se sont mobilisées.

Le premier mai et le mouvement syndical à Québec

Nous avons eu droit quelques jours avant le premier mai à une déclaration publique du président de la CSN, monsieur Létourneau, et de la FTQ, monsieur Boyer, sur la nécessité de développer une entente et une concertation sociale avec le patronat. Belle déclaration à la veille des négociations du secteur public. Fallait-il y voir la nécessité d’une entente à tout prix avec le gouvernement pour satisfaire le patronat ? Et que dire du déjeuner du premier mai des présidents des centrales syndicales avec monsieur Couillard ? Là, les déclarations de presse étaient plus mitigées et parlaient de dialogue de sourds ? Mais jusqu’où doit couper Couillard pour que les directions syndicales comprennent la nécessité de l’unité et de l’action commune d’abord entre les centrales syndicales puis avec l’ensemble des mouvements sociaux ? La lutte du secteur public pour des augmentations salariales ne pourra être gagnée si les mesures d’austérité se maintiennent. Le gouvernement ne veut rien savoir des demandes concernant les augmentations salariales. Il propose le gel pour les deux premières années et des augmentations en-deçà de l’inflation pour les trois années suivantes. Les coupures dans les programmes sociaux vont détériorer les conditions de travail et alourdir les tâches.

La lutte contre les mesures néolibérales ne pourra pas se faire dans un cadre corporatiste alors que le gouvernement Couillard ne veut pas négocier de bonne foi. Il faut exiger un programme de revendications pour l’ensemble des composantes de la population contre les mesures d’austérité.

La Fédération des enseignants et enseignantes FNEEQ-CSN avait voté un débrayage d’une journée le pour le premier mai. Le gouvernement a aussitôt fait appel au Conseil des services essentiels pour faire déclarer cette grève illégale. Il a menacé les syndicats de mesures répressives. Certains syndicats sont tout de même sortis en grève ; d’autres se sont pliés à la manœuvre gouvernementale.

Alors pourquoi s’étonner dans ce contexte que la manif à Québec regroupant un nombre record de personnes (plus de 3000) ne comptait aucune bannière des organisations syndicales. Une absence remarquée.

Oui les centrales ont essayé de se regrouper sur l’heure du midi et de faire une action dérangeante sur les ponts de Québec. Mais la Sureté du Québec a fait avorter cette action en déviant les autobus des syndicats. Conclure le premier mai par un piquetage devant un centre d’achat c’est loin d’être une action unifiante et mobilisante. Le mouvement syndical paie pour sa stratégie de concertation et de dialogue social et pour son manque de volonté de lutter contre Couillard.

Par chance le communautaire et le mouvement étudiant montrent que la mobilisation est possible et payante. Leurs actions sèment l’espoir.

Chloé Matte Gagné

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