Les questions d’accès à l’information, de création d’alliances avec les syndicats étrangers et d’innovation ont été identifiées comme étant incontournables afin de bénéficier d’un rapport de force adéquat pour améliorer les conditions de travail.
Défis des fédérations du privé
Les cinq fédérations du privé, affiliées à la CSN, participaient au colloque. Des défis particuliers attendent chacune d’entre elles dans l’optique d’un renforcement de leur rapport de force.
Pour la Fédération du commerce (FC-CSN), rebâtir le rapport de force passe par le développement de négociations coordonnées, et ce, à la plus grande échelle possible. « Depuis 25 ans, dans le domaine de l’hôtellerie, nous négocions de façon coordonnée ce qui nous a permis d’améliorer grandement les conditions de travail », précise Serge Fournier, président de la FC. L’établissement d’une plateforme dans le plus de secteurs possible permettrait à tout syndicat de se bâtir un rapport de force intéressant et d’uniformiser leurs conditions de travail. « Certains employeurs tentent même de nous empêcher d’appliquer le modèle aux autres secteurs, en s’adressant aux tribunaux. Assurément, ils trouveront la FC sur leur chemin ! » prévient Serge Fournier.
À la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM-CSN), le développement d’alliances avec des syndicats à l’étranger est capital. « Nous devons continuer à créer des ponts vers les syndiqué-es d’autres pays où les employeurs ont aussi des usines. S’échanger de l’information pour connaître leur réalité peut nous être très utile, particulièrement en temps de négociation », note Alain Lampron, président de la FIM. Forcer les employeurs à plus de transparence est aussi important. « Les employeurs hésitent à ouvrir leurs livres. Généralement, ils acceptent lorsque les finances sont mauvaises. Mais quand elles sont bonnes, nous n’en entendons pas parler. Nous devons réussir à les convaincre d’être plus transparents. Avoir le portrait des entreprises et en connaître les perspectives d’avenir est essentiel pour nous et ces dernières ont aussi intérêt à partager ce genre d’information. Lorsque les deux parties connaissent la réalité de l’entreprise, il est plus facile d’en venir à des règlements satisfaisants pour tout le monde et qui assurent une pérennité à l’entreprise », précise Alain Lampron.
Pour la Fédération nationale des communications (FNC-CSN), la question des changements technologiques est primordiale. « Nous devons suivre de très près l’introduction de nouvelles technologies. Les employé-es ne doivent pas être mis de côté lors de l’arrivée d’une nouvelle façon de faire, mais plutôt intégrés à l’évolution en cours », précise Nina Ouellette, vice-présidente de la FNC. « D’autre part, la notion d’établissement, présente dans le Code du travail, est complètement désuète lorsqu’on parle de technologie de communication. Aujourd’hui, un journal peut très bien se faire à distance. Nous devons donc nous assurer de négocier des clauses qui protègent nos employé-es dans ce contexte. »
Pour la CSN-Construction, une grande cohésion sera nécessaire entre les cinq organisations syndicales du milieu de la construction pour, enfin, bénéficier de l’activité intense des dernières années. Le but ; pourvoir les conventions collectives de dispositions dites de base : ancienneté, journée de travail de 8 heures, horaires de travail variables, meilleures procédures de griefs, etc. « Cette cohésion et ces changements sont nécessaires afin que les travailleuses et les travailleurs soient mieux protégés pour faire face à la baisse anticipée des chantiers, consécutive aux décisions gouvernementales », note Aldo Miguel Paolinelli, président de la CSN-Construction.
Finalement, pour les employé-es du transport scolaire, affiliés à la Fédération des employées et employés des services publics (FEESP-CSN), il est essentiel d’obtenir une structure de négociation qui va reconnaitre et normaliser les conditions de travail. « Même si la concurrence est féroce dans le domaine du transport scolaire, les profits ne devraient pas être réalisés sur le dos des travailleuses et des travailleurs, mais plutôt grâce à une saine gestion de l’entreprise », dénonce Denis Marcoux, président de la FEESP. « De grandes entreprises multinationales ont commencé à envahir le marché québécois dans plusieurs secteurs que nous représentons, dont l’environnement et le transport. Nous devons connaître ces nouveaux joueurs, développer des alliances avec les syndicats présents dans ces entreprises et adapter nos stratégies pour faire face à ces nouvelles réalités », précise Denis Marcoux.
Pour la CSN et les fédérations du privé, malgré les nombreux défis à relever, la bataille est loin d’être perdue. Tout sera mis en œuvre afin de véritablement réinventer le rapport de force dans un contexte de mondialisation des marchés, condition essentielle à la pratique syndicale au XXIe siècle.