La FTQ
Affirmant réagir avec prudence à l’annonce du gouvernement Charest, la FTQ par le biais de son président Michel Arsenault affirme que « bien qu’étant favorable à la mise en valeur des richesses du Québec, particulièrement dans le Grand Nord québécois, il faudra prendre le temps de bien étudier tous les tenants et aboutissants de ce plan de développement avant d’en approuver tout le contenu ». La FTQ appelle à un développement ordonné et pour tous et toutes.
« Pour la FTQ, il est essentiel que tout ce plan de développement se fasse dans le respect des populations, dont les populations autochtones, et dans le respect de l’environnement tout en s’assurant que le Québec obtienne sa juste part des redevances. À ce sujet, la FTQ réclame une nouvelle Loi sur les mines qui corresponde à la réalité de 2011 ».
On comprend la FTQ de ménager son enthousiasme. La centrale a récemment appuyé l’exploration des gaz de schiste et du pétrole dans le St-Laurent avant de revenir sur ses positions sous la pression du mouvement anti-énergies fossiles. Échaudée par les pressions des écologistes, la FTQ marche sur des oeufs, entre la volonté de s’afficher comme protecteur de l’environnement et les vagues promesses de création d’emplois de Jean Charest.
Or, la réponse à ce dilemme se situe dans une réflexion que la FTQ ne peut éviter sur la création d’emplois reliés au virage vert que le Québec doit entreprendre dans les plus brefs délais. Comment recycler les emplois de Gentilly II ? Vers quels secteurs la formation professionnelle doit être réorientée afin de combler la demande d’expertise en matière d’emplois reliés au secteur des énergies renouvelables ? Les réponses à ce type de questions et bien d’autres encore pourraient constituer une proposition apte à illustrer les volontés du gouvernement Charest (et du PQ faudrait-il ajouter) de s’enfoncer encore davantage dans la production d’énergie à tout crin et dans la vente à rabais des ressources naturelles du Québec.
La CSQ
« Si le passé est garant de l’avenir, il y a tout lieu de s’inquiéter des intentions gouvernementales au chapitre de l’exploration des ressources minières. Pensons à l’opacité du processus d’octroi des permis d’exploration et d’exploitation des ressources minières et gazière, aux liaisons incestueuses entre le gouvernement et l’industrie, à la spoliation du sous-sol québécois au bénéfice d’entreprises qui détiennent tous les droits sur le sous-sol et aux profits des entreprises qui sont engrangés à l’extérieur du Québec », affirme le communiqué émis par la centrale.
La CSQ prévient le gouvernement que « si le gouvernement Charest entend prouver qu’il agit bel et bien comme gardien du bien collectif, il doit, de tout urgence et avant d’aller de l’avant, s’assurer d’avoir effectué la réforme de la Loi sur les mines. Il faut aussi que le Québec modifie son régime fiscal afin d’obtenir les redevances essentielles au développement du Québec, ce qui signifie, encore là, des modifications substantielles à la Loi sur les mines et au Régime de droits miniers du Québec. »
La CSQ poursuit en mentionnant qu’ il est décevant de constater le « peu d’information fournie par le gouvernement concernant la manière dont il entend protéger l’environnement et contribuer au développement durable. Quant aux engagements à l’égard du développement des communautés autochtones, celui de construire 800 nouveaux logements d’ici 2015, quoiqu’intéressant, nous semble très loin des besoins réels des communautés qui font face à des besoins criants en matière d’infrastructures sanitaires et de services publics. »
Le président de la centrale, M. Réjean Parent conclut en mentionnant que « nous sommes très déçus de l’annonce faite aujourd’hui en grande pompe et nous nous demandons si le gouvernement Charest n’est pas en train de vendre au rabais de grands pans du territoire québécois. »
Les groupes écologistes
Selon Christian Simard, de Nature Québec, « Le Plan Nord présenté aujourd’hui est avant tout une plate-forme pour accroître des modes de développements minier, énergétique et forestier non soutenables et problématiques à plusieurs égards : absence de réforme du régime minier, Loi sur les mines désuète, redevances minières quasi inexistantes, stratégie énergétique dépassée favorisant des milliards d’investissement dans les grands barrages au détriment des autres filières énergétiques, exploitation des dernières grandes forêts intactes, modification de la limite nordique pour l’exploitation forestière... et j’en passe ! ».
« À ces lacunes s’ajoute l’ouverture de territoires vierges par la construction de nombreuses routes, et ce, sans aucune évaluation environnementale stratégique, pourtant essentielle pour connaître les impacts environnementaux d’un projet d’une ampleur inégalée », affirme Ugo Lapointe de Québec meilleure mine.
Les groupes environnementaux condamnent le manque de vision et l’atmosphère de secret qui domine les décisions du gouvernement en matière d’énergie. En effet, avec le Plan Nord présenté aujourd’hui, le gouvernement se lance tête première dans le développement de nouveaux méga-projets énergétiques injustifiés (3500 mégawatts) qui coûteront des milliards de dollars et auront des impacts environnementaux majeurs.
« Le Plan Nord et la " Déclaration des partenaires " qu’ont signés aujourd’hui d’autres intervenants comportent des énoncés de principe auxquels il est difficile de s’opposer. Toutefois, tel que le soulignait récemment le Vérificateur général du Québec, il faut désormais agir et aller « au-delà » des paroles et des intentions en matière de développement durable au Québec. Et il faut surtout le faire en toute transparence avec le public, ce qui a été loin d’être le cas jusqu’à maintenant concernant le Plan Nord. C’est aussi pour ces raisons que nous ne pouvons aujourd’hui endosser la Déclaration et le Plan Nord », affirme Yvan Croteau, président du Regroupement québécois des groupes écologistes.
Les groupes environnementaux et ceux de la société civile réitèrent néanmoins qu’ils demeurent dédiés à assurer la mise en place des meilleures pratiques environnementales et à assurer un développement viable pour les communautés locales et autochtones dans ce territoire fragile qu’est le nord. Ils souhaitent qu’avant d’aller de l’avant avec un quelconque Plan Nord, le gouvernement du Québec effectue les réformes nécessaires (mines, énergie, forêts, conservation), évalue les impacts environnementaux globaux pour le nord et considère, en toute transparence, avec l’ensemble des Québécois, les alternatives possibles aux vieux modes de développement actuellement privilégiés.
Aucune justification des nouveaux projets énergétiques
Pour les groupes environnementaux, le gouvernement manque de transparence en ne dévoilant pas les scénarios sur lesquels il se base pour justifier d’éventuels besoins énergétiques à combler. Pour Patrick Bonin, coordonnateur énergie-climat à l’AQLPA, « sans les scénarios de demande énergétique, aucun nouveau projet de production énergétique n’est justifié, d’autant plus que ces projets auront des impacts importants sur l’environnement ». Que ce soit pour le Québec, l’Ontario ou le Nord-Est de l’Amérique, aucune information rigoureuse n’a été présentée quant aux besoins énergétiques qui seront à combler à court, moyen ou long terme. Le gouvernement a d’ailleurs été particulièrement silencieux quant aux impacts des projets énergétiques reliés à l’industrie minière alors que le gouvernement lui accorde une place centrale dans son Plan Nord.
La nécessité d’un débat public sur l’énergie
« Le temps est venu pour le Québec de refaire un large débat public sur l’énergie où le Nord ne serait pas dissocié du Sud. Un débat du genre, s’il était transparent, rigoureux et crédible, permettrait un véritable examen des options énergétiques disponibles au Québec » a déclaré Daniel Breton président de Maîtres chez nous 21e siècle.
Et la forêt ?
Pour Greenpeace, la question forestière est pratiquement absente de la couverture médiatique obnubilée par les mégas chantiers miniers et hydro-électriques promis. Or ce fameux Plan, qui couvre pratiquement toute la forêt boréale, ouvre la porte à l’exploitation de nouveaux territoires nordiques fragiles, vierges et actuellement à l’abri des coupes. Un désastre écologique et un potentiel marasme économique qui devrait faire l’objet d’une plus grande attention de la part de tous les Québécois.
Les coupes montant de plus en plus vers le Nord et certaines compagnies étant déjà en train de longer la limite nordique (plusieurs coupent actuellement entre le 51ème et le 52ème parallèle), les pressions sont grandes pour aller récolter les quelques « forêts » au nord de la limite, aux frontières avec la taïga. Alors qu’un comité scientifique se penche sur la question depuis plus d’un an (quelles seraient les conséquences de couper ces dernières parcelles de forêts vierges si fragiles et si lentes à se régénérer ? Serait-il rentable de se lancer dans une telle entreprise ?), le gouvernement met tout de même en place tous les outils pour aller défricher ces derniers écosystèmes vierges.
Alors que les derniers chiffres du Vérificateur général montrent que les Québécois paieront 717 millions de dollars en dépenses fiscales d’ici 2013 pour subventionner les chemins forestiers pour les compagnies forestières (eh oui, en plus de payer pour le reboisement et autres dépenses forestières, vous payez 90% des chemins forestiers dédiés à la coupe en forêt publique), voilà que le gouvernement Charest veut faire pénétrer les chemins en zone jusqu’alors impensable économiquement et insensée écologiquement parlant.
L’économiste Gille Bourque, quant à lui, y va d’une recommandation qui ne manque pas de sens : « il faudrait détourner les 2,1 milliards $ du Plan Nord vers une stratégie de développement durable reposant sur trois grands axes : un plan de transport durable, une nouvelle politique énergétique et un vaste programme de rénovation écologique du parc immobilier. L’utilisation alternative de ces milliards aura ainsi une beaucoup plus grande rentabilité économique, sociale et environnementale pour la collectivité québécoise que le Grand Saccage du Nord. »