Auteur : Fabien Torres, professeur de sociologie au Collège Lionel-Groulx et candidat de Québec solidaire dans Groulx
Premièrement, je dirais que c’est un beau livre. Manon Massé y exprime sa reconnaissance envers la vie avec une élégante simplicité, beaucoup d’empathie et sans jugement hâtif envers celles et ceux avec qui elle est en désaccord. Avant les derniers chapitres, elle ne parle pas tellement du programme politique de Québec solidaire. En ce sens, un questionnement m’est apparu soudainement après avoir lu environ la moitié de l’ouvrage : « Suis-je en train d’apprendre quelque chose sur Manon Massé ? » La réponse est plutôt non. On en apprend sur sa famille, sur ses collègues, sur ses camarades et sur les rencontres marquantes qui ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. Elle le dit d’ailleurs elle-même indirectement : « Nous avons perdu de vue la maxime Ubuntu : « je suis parce que nous sommes ». C’est assez marquant car autant dans son contenu que dans sa forme, ce livre est aux antipodes de l’image traditionnelle du politicien qui parle haut et fort et qui sait tout. J’emploie ici volontairement le masculin car il est difficile d’établir ce constat sans y voir l’influence du genre.
Autre fait inusité aujourd’hui dans un Québec qui a jeté certaines belles valeurs religieuses avec l’eau de la Grande Noirceur, Manon Massé nous explique ce que son parcours en théologie lui a apporté de positif. En deux mots, humilité et don de soi. Cela amène un vent de fraicheur dans les débats politiques actuels qui instrumentalisent bien trop souvent la religion à des fins électorales, notamment dans les débats sur l’immigration et les accommodements raisonnables.
Enfin, nous sentons tout au long du livre la volonté de Manon Massé d’incarner la politique à l’intérieur de la société. On oublie trop souvent que les décisions prises à Québec, que les tempêtes politiques et médiatiques cachent des blessures plus importantes. Dans ses mots, cela donne « si loin des débats du Salon bleu, on oublie que des gens écopent ». Ce sont les souffrances de celles et de ceux qui absorbent les chocs pour maintenir l’illusion d’une société stable. Que ce soit les femmes voilées, les femmes autochtones, les personnes sur le BS, « le peuple à boutte », aucun oublié ne l’est ici. Et Manon Massé montre qu’elles sont fortes et qu’elles s’organisent de plus en plus (le féminin est également employé volontairement). Et sur le plan politique, Manon Massé admet la fierté de militer dans un parti qui est prêt à porter leurs voix, quel qu’en soit le prix, les critiques et le faible intérêt stratégique pour faire monter Québec solidaire dans les sondages.Car, oui, il suffit d’entendre une seule fois une personne immigrante très bien intégrée nous dire « cela fait 15 ans que je suis ici, mais quand je vois ce qui se passe, je ne suis pas sûre de vouloir rester ». On en ressent un frisson que tout citoyen et citoyenne devrait ressentir afin de l’amener à rentrer dans l’action et à participer à la construction de notre bien commun, notre État qui est en réalité notre maison du peuple.
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