En effet, en dehors du strict cout monétaire que la hausse des frais de scolarité représente, ce à quoi elle participe, c’est à l’établissement d’un rapport marchand avec ce qui était considéré comme un service public, autrement dit, comme un bien commun auquel on pouvait tous collectivement avoir accès. Les étudiants sont devenus des clients qui doivent payer pour le service qu’ils demandent et l’éducation n’est plus une richesse sociale collective mais un service comme un autre.
Mais l’application du principe d’utilisateur-payeur au sein des universités n’est que la pointe d’un iceberg d’un principe qui se généralise à l’ensemble des services publics. Il suffit de penser par exemple à l’augmentation de la taxe santé en 2010 (de 25$ à 200$), à la hausse des tarifs des Centre de la Petite Enfance (de 5 à 7$) ou encore à la hausse des tarifs d’Hydro-Québec.
L’ensemble de ces tarifications s’écartent de la voie empruntée jusqu’à alors : désormais, je ne paie plus selon mon revenu (impôt progressif) mais selon mes usages. Or, en mettant de côté les principes de solidarité collective et de redistribution des richesses, ces tarifications conduisent à un changement profond dans notre rapport face aux biens publics : ils deviennent de l’ordre de notre responsabilité individuelle et il s’agit pour chacun d’entre nous de remplir notre « juste part » face à eux. En réalité, cette demande de juste part est profondément injuste puisqu’elle ne tient pas compte de la différence de richesses entre les personnes.
Par ailleurs, ces tarifications ne sont que la première étape vers la privatisation : elles sont en effet ce qui nous conditionnent à accepter la position d’utilisateur pour ensuite nous faire approuver la privatisation en lieu et place du public. A partir du moment où nous payons pour l’usage personnel que nous faisons de tel service, à quoi bon qu’il reste public ?
Bref, la tarification et la privatisation des services publics conduisent à une désolidarisation du tissu social et à un repli de l’individu sur sa sphère privée. Face à cela, le mouvement étudiant tente de porter en lui des valeurs de solidarité, d’équité et de couverture universelle, que ce soit pour l’éducation, la santé ou tout autre service public.
Mais si les étudiants ont encore la possibilité de s’organiser et de mener une grève de front en faveur de la défense des services publiques et de leur gratuité, ce n’est pas le cas de l’ensemble des citoyens qui doivent par exemple payer la taxe santé. Il est en effet très difficile de s’organiser et de se solidariser individuellement. D’où l’importance d’une grève sociale qui pourra apporter une véritable remise en cause de l’introduction du principe de l’utilisateur-payeur dans les services publics.