Des promesses rompues
À la lecture de ce budget, une question s’impose : mais où se cache donc le Parti québécois de la dernière campagne électorale ? De nombreux engagements ayant contribué à son élection en septembre dernier sont littéralement bafoués. En plus de la contribution santé qui est modulée plutôt qu’abolie, la mise en place, telle qu’annoncée, d’un palier d’imposition supplémentaire est absente. Aucune redevance supplémentaire sur les ressources naturelles n’est prélevée et le gel des tarifs d’électricité a été abandonné.
La réalisation de ces promesses ont été remplacée par un resserrement des dépenses (sauf dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la culture et des communications), par une augmentation des taxes sur les cigarettes et l’alcool, par un congé fiscal pour les grands investissements et par un nombre stupéfiant d’annonces à venir et de comités de réflexion concernant l’exploitation des ressources non renouvelables, le financement de l’éducation supérieure, le tourisme, une politique énergétique, la souveraineté alimentaire, une loi-cadre pour l’économie sociale et les retraites. Avec autant d’inconnu, il est à se demander ce qui a poussé le gouvernement à déposer un budget si rapidement, à part le seul calcul politique et la volonté de rassurer les marchés et les entreprises, leurs représentantEs étant, d’ailleurs, à peu près les seulEs à bien accueillir ce budget.
Peu de nouveau sous le soleil
Il y a peu de choses à retenir sous l’angle de la lutte à la pauvreté, aux inégalités et aux préjugés. À l’exception du financement de 28 000 nouvelles places en garderie et la construction – insuffisante – de 3000 logements abordables, ce budget ne contient rien de véritablement concret à se mettre sous la dent. Plusieurs aberrations, comme le détournement des pensions alimentaires, demeurent et certaines mesures promises, comme une politique globale en itinérance, ne font l’objet d’aucune planification budgétaire. Bref, ce budget présente peu d’avancées vers une plus grande justice sociale et économique. Il n’est pas étonnant que plusieurs commentateurEs l’aient inscrit en droite continuité avec les budgets du gouvernement précédent.
Les crédits : l’austérité étalée
En entrevue à l’émission Pas de midi sans info jeudi dernier, le président du Conseil du trésor, Stéphane Bédard, a bien résumé, à l’occasion du dépôt des crédits 2013-2014, ce qui attend les QuébécoiSEs pour les dix-huit prochains mois : l’austérité. À propos de la croissance des dépenses de programmes, le député de Chicoutimi a affirmé qu’on « revient aux cibles qui étaient prévues. Le 1,8 %, c’est l’ancien gouvernement qui le fixait. Sauf que si on avait maintenu la façon qu’il dépensait, on aurait eu 2,8 milliards de déficit, imaginez-vous ! » 1. L’actuel gouvernement a décidé d’appliquer encore plus fort la médecine prescrite par le précédent. Une médecine dure, celle d’un retour précipité à l’équilibre budgétaire, qui, seulement au ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS), l’un des ministères les plus touchés, entraîne des coupes de 16 millions de dollars en fonctionnement, de 55 millions dans les mesures d’aide à l’emploi et de 50 millions à l’aide financière de dernier recours.
Quelle manoeuvre possible ?
Cette amputation de 121 millions de dollars serait justifiée par une baisse du nombre de prestataires à l’aide sociale. Rappelons qu’une telle baisse n’est pas synonyme d’une baisse du nombre de personnes pauvres. Par ailleurs, tous les gouvernements ne cessent de répéter, et ce, depuis longtemps, que l’emploi est la voie royale pour sortir de la pauvreté ; comment alors expliquer que le nouveau gouvernement diminue son soutien sur ce plan ? D’autant plus qu’il est inscrit en toutes lettres dans la documentation budgétaire que la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Agnès Maltais, travaille actuellement à repenser le soutien offert aux personnes en situation de pauvreté, « notamment les personnes seules, afin de s’assurer qu’elles disposent des ressources minimales pour participer activement à la vie sociale et économique du Québec » (Investir pour assurer notre prospérité, page 76). Aucun détail concernant cette « réforme » n’est disponible, mais la ministre semble y tenir mordicus. Malgré toute sa bonne volonté, il est possible de s’interroger sur la marge de manoeuvre que lui réservent ses collègues, ainsi que sur les moyens dont elle disposera véritablement pour mettre ses nouvelles orientations en oeuvre.
Une leçon
Depuis le 4 septembre, les rapports entre le nouveau gouvernement et les mouvements sociaux québécois étaient empreints de méfiance. Les promesses rompues du dernier budget l’ont éveillée davantage. Oui, il y a de belles paroles et de bons écrits ; mais, pour l’instant, les actes inquiètent plus qu’ils ne rassurent. En fait, sur le plan social, les seulEs gagnantEs sont probablement les étudiantEs québécoiSEs : l’annulation de la hausse des droits de scolarité a été maintenue et ceux-ci sont gelés jusqu’au Sommet sur l’éducation, en février. De ce gain, il y a sûrement une leçon à tirer, leçon qu’il est possible de résumer ainsi : seule la lutte paie.