Édition du 17 décembre 2024

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Environnement

Transition énergétique : Comment éviter l’erreur minérale ?

Alors que Québec finalise sa « réflexion » sur l’avenir des « minéraux critiques et stratégiques », notamment pour soutenir l’électrification des transports, nous interpellons le gouvernement Legault pour ne pas répéter les erreurs du passé.

Québec doit être visionnaire, exemplaire et cohérent dans une approche de transition qui soit à la fois énergétique et écologique. Nous sommes préoccupés par l’impact de l’extraction des ressources minérales non renouvelables sur les plans social, environnemental et économique.

Une voiture moyenne contient l’équivalent de 10 000 téléphones cellulaires en minéraux et matériaux de toutes sortes. À cela s’ajoutent tous les matériaux nécessaires à la construction et à l’entretien du réseau routier.

Au Québec, les constats de l’État de l’énergie 2020 et de l’Inventaire des GES sont clairs : pour faire face à l’urgence climatique, Québec n’a d’autres choix que d’électrifier une partie, sinon la totalité du secteur des transports. Il s’agit du plus grand émetteur de GES (43%), en hausse de 22% depuis 1990.

Or voilà le dilemme : l’électrification massive des transports, combinée à l’expansion croissante du parc automobile, entraînent un boom sans précédent de l’utilisation des ressources primaires.

Dans le dernier rapport Global Resources Outlook 2019, les Nations Unies sonnent l’alarme sur la croissance exponentielle de l’utilisation des ressources primaires, qui a plus que triplé depuis 1970 et qui est appelée à doubler d’ici 2060 si rien n’est fait. À elles seules, l’extraction et l’utilisation des minéraux représentaient 20% des gaz à effet (GES) de serre à l’échelle mondiale en 2017.

Selon la Banque mondiale et l’Institut for Sustainable Futures en Australie, la demande pour les minéraux visant spécifiquement la transition énergétique est appelée à exploser d’ici 2050, avec des hausses anticipées variant de 300 à 8000% selon les différents scénarios analysés.

Face aux enjeux que suscite ce boom minéral, la Banque mondiale prévient que « des défis importants émergeront si la transition énergétique n’est pas gérée de manière responsable ».

On constate déjà l’effet de ce boom minier au Québec, avec une augmentation de 50% des dépenses minières pour le graphite et de 789% pour le lithium entre 2013 et 2018.

Plusieurs projets miniers suscitent des enjeux d’acceptabilité sociale parce que situés à proximité de milieux extrêmement sensibles sur les plans écologique, social et économique.

Ce boom touche particulièrement les régions du sud du Québec, dont les Laurentides, Lanaudière et l’Outaouais—des régions densément peuplées et à forte vocation touristique.

En Abitibi-Témiscamingue, c’est la protection d’eskers d’eau potable—l’or bleu—qui mobilise la région face à des projets de lithium.

Dans la région touristique de Saint-Michel-des-Saints, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) se penche actuellement sur un projet de graphite qui déchire la population. Le stockage de millions de tonnes de déchets miniers contenant des acides et des métaux lourds est au cœur du débat.

Certaines collectivités, qui tentent de protéger des milieux sensibles de leur territoire, sont sous le coup de menaces juridiques de la part de minières peu scrupuleuses. La poursuite de 96 millions de Canada Carbon contre Grenville-sur-la-Rouge est le cas le plus connu.

Pour sa part, la Nation algonquine Mitchikanibikok du Lac Barrière conteste actuellement la Loi sur les mines devant les tribunaux. De l’avis de plusieurs juristes, les principes qui sous-tendent la loi depuis le 19e siècle sont inconstitutionnels. Ils doivent être réformés.

L’Institut de l’environnement, du développement durable et de l’économie circulaire (EDDEC) souligne qu’une politique de production et de consommation responsables des minéraux est nécessaire pour « agir sur l’enjeu de la préservation des ressources et de l’environnement naturel sur le long terme ».

La récente annonce de Québec pour soutenir une usine pilote de recyclage du lithium à Montréal est une bonne nouvelle. Mais les gestes demeurent encore trop timides. Il faut un cadre législatif et fiscal beaucoup plus costaud pour prioriser la réduction à la source et la réutilisation de l’ensemble des minéraux consommés.

C’est peu connu du public, mais le secteur minier génère des quantités phénoménales de déchets solides.

Les plus récentes statistiques disponibles indiquent que la production de déchets miniers a bondi de 300% (quadruplé) en 10 ans au Québec. Cela représente de loin la principale source de déchets solides au Québec—soit plus de 20 fois la quantité des déchets domestiques destinés à l’enfouissement.

Québec compte 75 sites d’enfouissement de matières résiduelles, alors qu’il compte plus de 221 sites miniers abandonnés dont il devra assurer le suivi et l’entretien à long terme (siècles), et une trentaine de sites actifs.

La facture officielle pour la sécurisation et la restauration de ces sites est estimée à 2.2 milliards : environ la moitié pour des sites actifs dont Québec détient une garantie financière ; l’autre moitié concerne des sites abandonnés dont la facture est présentement refilée à 100% aux Québécois.

Québec a également perdu près de 1.0 milliard de fonds publics ces dernières années dans des projets mal ficelés, dont des projets de lithium.

Oui, l’électrification des transports est une partie importante et nécessaire de la solution, mais elle demeure insuffisante. La transition écologique impose de revoir en profondeur nos façons de faire, de l’extraction des ressources, à leur consommation, à leur sort en fin de vie.

Dans leur dernière étude sur cet enjeu, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) interpelle justement tous les États du G7—les pays les plus riches—à en faire davantage pour réduire l’empreinte globale de leur utilisation des ressources primaires.

Le PNUE vise particulièrement le secteur de l’automobile. Il souligne qu’avec des politiques cohérentes en matière de mobilité durable, les États du G7 peuvent réduire de 20 à 40% les émissions GES associés aux transports, et ce, en sus des gains possibles avec l’électrification des transports.

Les solutions sont connues, mais les États doivent avoir le courage de les appliquer : aménagement intelligent du territoire et de nos villes, fin de l’étalement urbain, transports collectifs massifs et efficaces, covoiturage et de réelles mesures d’écofiscalité pour réduire l’autos-solo et encourager la mobilité durable.

Somme toute, une transition écologique dans le secteur des transports ne peut pas simplement se traduire par le remplacement de millions de véhicules à essence par des millions de véhicules électriques. Québec doit aussi travailler activement à réduire la taille globale du parc automobile et à investir massivement dans des solutions qui soient à la fois sobres en carbone et sobres en matériaux*.

*Voir les « 5 conditions pour que l’électrification des transports ait meilleure mine » lancées à l’automne 2019 : www.tinyurl.com/5-conditions-electrification

Ugo Lapointe

Coalition Pour que le Québec ait meilleure mine !

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